» Le foot n’est pas pour les Tarzans « 

Premier examen d’espagnol réussi pour le coach serbe des Hurlus à Genk (1-2) !

Ce qui a changé à Mouscron, c’est d’abord la langue véhiculaire. Les entraînements se donnent désormais en espagnol, avec RaymondHenricColl qui relaie auprès des joueurs les consignes de MiroslavDjukic. Ce sont des accents auxquels on n’est pas habitué en Belgique, mais au fond, est-ce plus choquant que lorsque MichelPreud’homme dispense ses entraînements en anglais à l’effectif cosmopolite de La Gantoise avec un adjoint qui doit traduire ses propos en français à l’intention d’un ChristopheLepoint qui ne manie pas la langue de Shakespeare ?

Sur le terrain annexe du Canonnier, on entend ainsi des Muybien, des Tranquilo et parfois aussi des PutaMadre que l’assistant franco-espagnol s’abstient alors de traduire. Mais le message, de prime abord, passe bien, et si Djukic a promis de prendre des cours accélérés de français, on se dit aussi que les joueurs auront acquis certaines bases pour leurs prochaines vacances à la Costa Brava.

Mais l’essentiel demeure évidemment l’aspect footballistique, et là aussi, Djukic apporte des idées neuves. Il y a deux ans, la première greffe espagnole n’avait pas pris, mais MarcBrys avait d’autres conceptions qui avaient peut-être déconcerté les quatre sujets du roi JuanCarlos qui garnissaient l’effectif à l’époque. Lorsqu’il entraînait le Partizan Belgrade, Djukic avait réussi un heureux mix entre les spécificités du football serbe et celles de la Liga. Son défi sera, cette fois, d’intégrer des ingrédients du jeu de Barcelone (ou de Valence, puisque c’est là qu’il a fait carrière) dans la marmite du football belge, en espérant que la sauce prenne. Dans les matches amicaux, le jeu déployé a parfois séduit, parfois déçu. On ne savait donc pas trop à quoi s’attendre.

 » Moi aussi, j’ai hâte d’y être « , confiait Djukic à la veille du déplacement à Genk qu’il avait visionné à deux reprises sur cassette, contre le PSV et le Standard.  » Ce premier match officiel nous permettra de réellement nous situer, car entre prester en amical ou en championnat, il y a de la marge. « 

Maradona n’est pas à Mouscron

A Genk, Mouscron a confirmé ce que l’on avait pressenti durant la préparation : pour être compétitif, l’Excel a besoin d’être agressif, d’exercer un pressing haut sur l’adversaire et de combiner.  » Si l’on y parvient, on est capable d’ennuyer n’importe quelle formation du championnat, mais en cas contraire, on est très vulnérable « , relève Djukic.  » On n’a pas un DiegoMaradona dans le noyau. On doit donc jouer en équipe. C’est le collectif qui permet aux individualités de se mettre en valeur.  » C’est, effectivement, par cette phrase que le coach serbe – qui, par une curieuse coïncidence, est né exactement le même jour qu’ EnzoScifo : le 19 février 1966 – a clôturé son dernier entraînement de la semaine. Et visiblement, le message est passé. Samedi, les joueurs se sont montrés solidaires. Ce premier succès porte déjà sa griffe.  » On s’attendait à souffrir face à une équipe qui n’aligne que trois défenseurs centraux et qui pratique beaucoup par les flancs, mais on a bien bouché les angles et on a su se montrer dangereux en contre-attaque.  »

Le collectif revient encore sur le tapis lorsqu’on invoque avec Djukic les carences constatées à la réalisation… du moins durant la préparation, car l’efficacité était au rendez-vous pour JayceeOkwunwanne samedi.  » Un but, c’est aussi le fruit d’un travail collectif. Il faut donc chercher la meilleure façon de jouer avec les joueurs dont on dispose. Des automatismes, un fonds de jeu, cela s’acquiert à force de travail. Cela dit, on peut répéter des dizaines de phases à l’entraînement, il se produira toujours en cours de match une situation que l’on n’avait pas imaginé. Et là, c’est aux joueurs à trouver la solution.  »

Il faudra faire jouer l’effet de surprise et cela se constate lorsqu’on répète les phases arrêtées à l’entraînement : on recherche des feintes et des combinaisons, sachant qu’un centre aérien a peu de chances de trouver son destinataire étant donné que l’Excelsior a la moyenne de taille la plus basse du championnat.  » Cela ne me dérange pas « , affirme Djukic.  » L’Espagne est devenue championne d’Europe avec des joueurs de 1,60m. Ce football-là doit constituer la référence. Le titre de l’Espagne est la meilleure chose qui pouvait arriver au football européen, et je ne dis pas cela parce que j’ai été imprégné de la culture espagnole et que j’apprécie énormément ce pays. Ce couronnement démontre que tout un chacun peut réussir dans le football, même si la nature ne l’a pas doté au départ de qualités physiques exceptionnelles. Si la victoire était toujours réservée à des colosses qui utilisent leur force pour triompher, c’eut été désespérant. Le football n’est pas fait pour des Tarzans !  » ( sic)

Lorsqu’on lui demande les différences entre le football belge et le football espagnol, Djukic ne sort pas d’emblée le traditionnel cliché de la technique opposée au physique.  » Le football espagnol est, surtout, beaucoup plus tactique « , estime-t-il.  » Il est aussi bercé par la culture de la gagne. Chaque joueur sait exactement ce qu’il doit faire pour s’imposer dans une situation donnée. Tous les gestes sont effectués dans l’optique du résultat. Les Espagnols savent forcer l’adversaire à commettre l’erreur fatale. Dans le football moderne, 90 % des buts résultent d’une erreur de l’adversaire. « 

Les petits lionceaux et le Roi Lion

Autre domaine dans lequel Djukic bouscule la tradition : la sélection. En Belgique, il est de coutume de titulariser les joueurs expérimentés ou transférés, et de laisser les jeunes sur le banc en prônant la patience à leur égard. – Qu’ilstravaillent àl’entraînement, qu’ilsobserventleursaînés durant le matchetqu’ilssetaisent !, entend-on régulièrement. Avec Djukic, rien de cela : tout le monde part à égalité sur la ligne de départ.  » Je n’ai aucun à priori « , clame-t-il.  » Qu’on soit Espagnol ou Belge, vieux ou jeune, on est d’abord footballeur. Et c’est sur le terrain qu’il faut démontrer qu’on mérite sa place. J’aime prendre des risques, et je n’hésite pas à lancer dans le grand bain un gamin de 17, 18 ou 19 ans, je l’ai d’ailleurs démontré au Partizan Belgrade. Mais il faut que les jeunes en veulent. Ils doivent avoir les crocs, monter sur le terrain avec le couteau entre les dents. Si je dois moi-même les motiver, en leur criant : – Allezfieu, unpeud’enthousiasme !, ils font fausse route. Mon rôle doit plutôt consister à les freiner dans leur action.  »

Si certains avaient craint, avec l’arrivée d’un staff étranger, de voir les portes de l’équipe Première se fermer définitivement pour les jeunes du Futurosport, c’est peut-être tout le contraire qui va se produire. Elles seront peut-être, au contraire, grandes ouvertes. AliouDia, GuillaumeFrançois, ThomasHovine et MaximeLestienne auront leur chance, c’est une certitude. La saisiront-ils ? C’est une autre question…

L’intention est bonne, mais toute médaille a son revers et cette stratégie peut se révéler être une bombe à retardement. A Mouscron, tous les postes sont doublés. C’est paradoxal pour une équipe au budget limité, mais c’est ainsi. Des joueurs considérés jadis comme des titulaires inamovibles risquent donc de se retrouver sur le banc, voire dans la tribune. Pour l’instant, la grande victime est JérémySapina.  » Avec moi, la hiérarchie établie n’est jamais définitive « , se défend Djukic.  » La porte reste toujours ouverte, dans les deux sens. Le championnat est long et on aura besoin de tout le monde. Ceux qui ont été évincés doivent me prouver qu’ils méritent de jouer. Je reconnaîtrai alors, humblement, que j’ai eu tort de les laisser sur le carreau. Avec moi, ce sont les meilleurs qui jouent, peu importe leur carte de visite. Personne n’est inamovible à mes yeux. Dans la jungle aussi, les petits lionceaux s’activent à détrôner le Roi Lion. J’observe les prestations de tout un chacun et je juge d’un £il impartial. J’ai d’ailleurs moi-même intérêt à aligner les meilleurs… J’apprécie les jeunes pour la fraîcheur qu’ils apportent, mais je compte aussi beaucoup sur les anciens, qui doivent tirer le groupe vers le haut grâce à leur personnalité et à leur leadership.  »

Pour l’instant, c’est surtout en défense que la concurrence fait rage.  » Elle doit être source de motivation « , estime Djukic.  » Ceux qui sont sur le banc doivent pousser les titulaires à être encore meilleurs, pour garder leur place… « 

Djukic est confiant.  » On respecte tout le monde, mais on croit en nous. « 

Mouscron a-t-il intérêt à encore se renforcer ? On parle de l’arrivée d’un attaquant, voire d’un gardien ? Djukic feint d’ignorer les rumeurs qui circulent.  » C’est au directeur sportif à répondre à cette question. Moi, je travaille avec les joueurs que j’ai à ma disposition. Ceux qui sont présents aujourd’hui sont, à mes yeux, les meilleurs. Je ne crache pas sur des renforts, à condition qu’ils apportent un plus à l’équipe. Mais on ne doit pas transférer pour le plaisir de transférer. On a déjà une bonne équipe à condition que chacun fasse son travail et se comporte en guerrier sur le terrain. ManuMico et AlexCortell n’étaient pas qualifiés pour le match à Genk ? C’est dommage, mais on s’est débrouillé sans eux. WalterBaseggio pourrait être utile ? C’est possible, mais d’abord, je lui souhaite un prompt rétablissement. La santé est ce qu’un homme a de plus précieux. Pour le football, on verra plus tard.  »

par daniel devos / photos reporters

« Je n’ai aucun à priori : jeunes ou vieux, Belges ou Espagnols, les meilleurs jouent. »

« L’Espagne a été championne d’Europe avec des joueurs de 1,60m. Alors, la taille… »

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