Le foot m’a tout donné et tout volé

L’attaquant a pris son envol à Saint-Trond après des années de galère : pourquoi change-t-il alorsde club en fin de saison ?

J onathan Wilmet (24 ans) est une version footeuse de  » Jonathan le goéland « , héros du roman de Richard Bach qui donna naissance à un film à succès en 1973. Comme lui, le milieu de terrain de Saint-Trond a beaucoup voyagé avant de trouver sa voie :  » Je n’ai pas eu une jeunesse facile à cause du… football. C’est ma religion et elle m’a éloigné de mes parents, de mes s£urs, de Limelette où j’ai grandi. Je me suis retrouvé très jeune à l’étranger et j’y ai souffert du mal du pays. Je sais ce que c’est. Il faut alors s’accrocher de toutes ses forces…  »

A bientôt un quart de siècle, son ciel se dégage. A la fin de la saison, Wilmet portera les couleurs du FC Malinois de Peter Maes. Ce transfert s’explique d’abord par une excellente saison chez la révélation des play-offs 1. A sa façon, le Brabançon laboure le flanc droit, n’hésite pas non plus à s’exprimer sur l’autre aile, trouve facilement Ibrahim Sidibe, l’attaquant de pointe, utilise sa poudre à bon escient, etc. Wilmet assume donc son rôle dans cette équipe bien posée sur le terrain, complémentaire, unie dans un esprit de fraternité, soudée avec soin par Guido Brepoels.

 » On peut tartiner du matin au soir mais il n’y a pas de grands secrets pour expliquer notre réussite « , relève Wilmet.  » Pour moi, c’est d’abord le fruit d’un climat général. Je ne vois que des amis autour de moi et ils sont tous sur le pont du premier au dernier coup de sifflet. Au moindre problème, chacun va au charbon pour son voisin. Puis, il y a l’apport extraordinaire de Simon Mignolet et d’Ibrahim…  »

Brepoels est parfois comparé à Raymond Goethals qui signa un gros travail sous les pommiers au début des années 60. Le magicien bruxellois y importa la pratique du hors-jeu, le pressing sur le porteur du ballon, la grinta, un gros engagement, etc. Le coach actuel a davantage les airs d’ Aimé Anthuenis avec ses rondeurs et sa bouille qui auraient inspiré le pinceau des grands peintres primitifs flamands. Il a plongé ses mains dans la glaise de la D2. Là, comme Anthuenis le fit à Genk, il a façonné une équipe à son image, tonique et positive.

 » Très surveillé dans les centresde formation « 

 » Je suis arrivé au Stayen en janvier 2008 « , se souvient Wilmet.  » Dennis van Wijk m’avait connu à Willem II, aux Pays-Bas, et il estimait que je pouvais aider Saint-Trond engagé dans la lutte pour le maintien. Cette opération ne fut pas couronnée de succès mais la relégation fut probablement la planche de salut du club et certainement de notre équipe. Saint-Trond s’est réorganisé et l’effectif a retrouvé le goût du succès en D2 avec une première place, une bonne attaque, une défense en place. C’était un pas en arrière pour mieux rebondir. Moi, cela m’a fait du bien car j’ai obtenu et exploité du temps de jeu. C’était important par rapport à mon arrivée dans le Limbourg. A Willem II, j’avais quand même été freiné par une fracture du péroné. Mais en D2, j’ai réussi à retrouver toutes mes sensations. Je savais que j’étais totalement prêt pour le gros boulot un étage plus haut.  »

Si le présent est heureux et que le futur s’annonce rose, Wilmet n’oublie pas les moments plus difficiles.  » J’ai 24 ans et tout ce que j’ai vécu, négatif ou positif, m’est désormais très utile. Je me suis souvent interrogé : – Est-ce que tout cela en vaut la peine ? Je n’ai pas vécu comme un jeune de mon temps. Le football m’a tout donné mais il m’a tout volé aussi. Un jeune s’amuse, sort en boîte, etc. Moi, je ne sais pas ce que c’est. Je ne dis pas que cela m’a manqué mais, finalement, dans les centres de formation que j’ai fréquentés, j’ai été très surveillé. Repos, nourriture et tout le reste : rien n’était laissé au hasard et le jeune cède une partie de sa liberté. C’est finalement le football qui gère votre vie. Ce sont des sacrifices dont le grand public n’a pas idée. Maintenant, je peux dire que cela en valait la peine. Je récolte les fruits de mon travail.  »

Bourreau d’Anderlecht, comme le veut la tradition, Saint-Trond ne s’est pas contenté d’accrocher des scalps mauves à sa ceinture. Les Limbourgeois participent au bal des  » gens biens « . Ils sont les plus grands des petits. Et à ce rythme-là, on rêvera un jour de l’Europe en Hesbaye. Un peu fou, non ?  » Un peu… mérité « , rectifie-t-il.  » Tous les secteurs tiennent le coup. Mais il y a une évidence qui saute aux yeux : la défense est un fameux parapluie par temps d’orage. Mignolet a gagné beaucoup de points en signant des arrêts de très grande classe. Saint-Trond dispose du gardien de but le plus doué de D1. « 

Mais Saint-Trond a-t-il la taille de son aventure ? Le stade a pris une autre allure en quelques années mais les autres clubs savent que les joueurs n’y sont pas royalement payés. C’est ce qui éloigna Tom Soetaers, en été, et plus récemment, Jérémy Perbet, lors de leurs tractations avec Saint-Trond. Ils préférèrent signer respectivement à Courtrai (que Soetaers a quitté pour Malines) et à Lokeren. Et puis, de plus en plus de formations montrent leur intérêt. Comme le PSV Eindhoven qui suit attentivement Mignolet. Le beau conte de fées en jaune et bleu ne risque-t-il pas de se terminer dans des délais assez brefs ?  » Non, je ne crois pas car les fondations du club sont solides « , note Wilmet.  » Saint-Trond a fait un bond en avant et s’apprête à en faire d’autres. Il suffit de regarder le stade pour comprendre.  »

Peut-être mais le goéland a choisi de prolonger son vol sous d’autres cieux en 2010-2011. Il a déjà paraphé un contrat de trois ans pour le compte de FC Malinois. Quand la nouvelle fut connue, on le retrouva sur le banc… Il minimise un peu :  » En fait, j’avais des problèmes familiaux. Même si j’ai 24 ans, le divorce de mes parents m’a rudement secoué. Et il en va ainsi pour mes trois s£urs, Maureen, Kimberley et Beverly. Si les deux premières sont déjà installées dans la vie, Beverly n’a que 11 ans. J’ai mis du temps à digérer cela. Je suis très attaché à mes racines et ce fut un déchirement. Quand le coup est passé, j’ai tout de suite prouvé que l’équipe pouvait compter sur moi. Je me donne toujours à 100 %, que ce soit à l’entraînement ou en match. Le coach le sait bien, et il en sera ainsi jusqu’à ma dernière seconde à Saint-Trond. Je ne pense pas encore à Malines. Au-delà de cela, j’ai fait un choix important et bien réfléchi pour la suite de ma carrière. Je suis certain que Malines sera un virage très important pour moi. Sportivement et financièrement…  »

Maes n’est pas un tendre

Il n’en dira pas plus pour les petits sous. Pour lui, le moment est venu d’enfin rentabiliser ses talents de footballeur. Avec sa compagne, Leticia, et une petite Bilianna en juin, il s’installera dans la maison de leurs rêves, à Gembloux. Après deux ans et demi passés à Saint-Trond, la transition devrait s’effectuer sans problème. Si Brepoels est soutenu à fond par son directeur technique Guy Mangelschots à Saint-Trond, le duo Maes- Fi Van Hoof est au moins aussi solide.

Mais Wilmet devra relever deux défis importants. Sa place de prédilection est occupée par Joachim Mununga. Si ce dernier reste jusqu’à la fin de son contrat (2011), il y aura un bouchon sur l’autoroute de droite. Mais il ne se pose pas la question et peut se débrouiller à gauche ou plus en pointe.

Autre thème : Maes n’est pas le plus facile des coaches. Il exige un dépassement total de soi au profit du collectif. Maes pousse ses hommes à fond. Aad de Mos et Albert Cartier, dont on dit qu’ils agressaient presque leurs joueurs, ne seraient que des angelots à côté de lui. A Malines, certains joueurs ont carrément la haine pour leur coach mais c’est une formule gagnante. Cela ne fait pas peur à Wilmet. Brepoels sait faire passer 220 volts dans les fils électriques de son équipe. Wilmet n’est ni son chouchou ni son souffre-douleur et a découvert le courant continu au Stayen, Mais, à côté de Brepoels, Maes est une cabine électrique à haute tension. Si Wilmet s’adapte à son style Maes, son transfert pourrait être une réussite.

 » De toute manière, j’ai opté pour un club familial « , explique-t-il.  » C’était un élément important dans ma réflexion. Maintenant, cela ne signifie pas que le niveau d’exigence n’est pas important. Malines avance et, pour moi, c’est une progression dans ma carrière. Je veux réussir et, après trois saisons, à 27 ans, on verra si je peux viser plus haut. « 

par pierre bilic

« Mignolet est le gardien de but le plus doué de D1. »

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