Le foot, de + en +

L’accident a fait un mort et un blessé grave mais le joueur est sorti sans une égratignure d’une collision frontale à 90 km/h.

Stijn Haeldermans : « Aujourd’hui, au même endroit, un autre accident a eu lieu. Trois personnes sont mortes là en trois semaines. Je réalise la chance que j’ai eue, la chance que deux jeunes aient assisté à l’accident et qu’ils aient arrêté l’homme qui m’a coupé la route pour lui demander ses papiers. C’est en voulant l’éviter que j’ai changé de trajectoire. Sans témoins, on aurait pu m’accuser d’avoir roulé tout seul sur l’autre bande.

C’est un miracle si je n’ai rien eu. Je ne l’ai pas réalisé à chaud car je me suis occupé des autres accidentés. Quand j’ai appris qu’il y avait un mort et un blessé grave, j’ai compris que ça aurait pu m’arriver. J’ai été à un doigt de la mort alors que je n’ai pas eu une égratignure… Sur le moment, je me suis surtout adressé des reproches. N’aurais-je pas dû foncer sur la voiture qui venait de tourner devant moi au lieu de tenter de l’éviter et d’entrer en collision frontale avec le véhicule venant en sens contraire? Sans doute l’aurais-je percuté côté passager, où nul n’était assis. Peut-être…

Je revois encore cet homme tourner brusquement alors que j’essaie, dans un ultime réflexe, de l’éviter. Puis, il y a eu un éclair et le choc, métal contre métal. C’est une voie à 90 km/h et je roulais à cette vitesse, comme les autres. Les airbags se sont ouverts, dégageant une odeur de poudre à canon qui s’est incrustée dans mes vêtements. Les voitures ont volé à 100 mètres l’une de l’autre, la mienne s’écrasant contre un mur. Je ne sais plus ce que j’ai fait entre la collision et le moment où je suis sorti de l’auto, par la portière arrière droite. Ce matin-là, je n’avais pas ma ceinture. Ce fut ma chance: le moteur a reculé à l’emplacement de mes jambes. Celles-ci auraient été gravement blessées. Je sais que des études démontrent l’utilité de la ceinture mais peut-être ai-je été l’exception. Je ne sais plus où je me trouvais exactement quand l’auto s’est enfin arrêtée. J’en suis sorti le plus vite possible car le moteur fumait et je ne parvenais pas à l’arrêter.

J’ai accusé le coup quand un pompier m’a dit platement: -L’autre conducteur est décédé. J’ai vu qu’on arrachait le toit pour libérer cette femme, la coucher sur le sol et tenter de la réanimer. Jamais je ne l’oublierai. A cet instant, j’ai pensé: et c’est moi qui ai roulé sur eux! En un quart d’heure, il s’est passé tant de choses. J’ai assisté à la réanimation car je me trouvais dans une ambulance proche. Je n’avais rien mais je devais passer des examens pour déceler d’éventuelles blessures internes. Habituellement, quand je passe sur les lieux d’un accident, je ne veux rien voir. Je me sens mal dans les cliniques. Je n’aime pas voir les gens souffrir, même quand je ne suis pas concerné. Vous pouvez alors imaginer dans quel état j’étais. Je ne pouvais écarter mon regard. Mon ambulance restait, alors que d’autres étaient là. Comme si je devais subir ça.

Deux jours plus tard, j’ai réussi à obtenir le numéro de la famille, sans obtenir de réponse. Le lendemain, j’ai saisi mon courage à deux mains pour écrire une lettre de condoléances et expliquer ce qui s’était passé, selon moi. Le mercredi après-midi, avant le match de Coupe contre Bruges, la fille, un des cinq enfants de la victime, m’a téléphoné. Ce fut poignant. Au nom de sa famille, elle m’a dit apprécier le fait que j’avais recherché le contact et qu’elle n’avait rien à me reprocher. éa m’a ôté un fameux poids du coeur. Ne sachant pas si ma présence était souhaitée, je n’ai pas été à l’enterrement. J’avais envoyé une couronne. Cette femme a ajouté: -Vos fleurs étaient très belles. J’en ai eu les larmes aux yeux. Dans un tel moment, cette famille avait encore le courage d’apprécier une chose aussi anodine alors que le père venait d’être enterré et que la mère venait à peine de sortir du coma. Je suis très reconnaissant à cette famille. Elle m’a invité à passer, un jour. Le soir, quand j’ai marqué le but décisif, j’ai pensé à eux et j’ai de nouveau eu les larmes aux yeux ».

Protégé par un ange gardien

« On parle ici de vie et de mort. Or, dans notre culture, la mort, c’est la fin. Quelles que soient les convictions des gens, je pense qu’au fond, ils se disent tous que ce n’est pas la fin mais c’est quand même vécu comme ça.

J’ai reçu une éducation catholique et j’ai été enfant de choeur à Zonhoven jusqu’à 18 ans. Mais l’irrationnel m’a toujours intéressé. Les idées et les expériences des autres sur ce thème m’interpellent. On en fait ce qu’on veut. J’aime vivre mes propres expériences avant de porter un jugement. Un mois et demi avant l’accident, j’ai fait la connaissance d’une femme qui pratique le shiatsu et s’intéresse à la méditation, à la peinture intuitive et ces chose-là. Lors d’une des premières manipulations, j’ai eu le sentiment de sortir de mon enveloppe charnelle, l’impression qu’il y avait quelque chose autour de moi. Elle l’a ressenti aussi. Elle m’a d’ailleurs dit que j’étais très protégé, par une sorte d’ange gardien…. A Liège, un jour, une tzigane m’a prédit beaucoup de bonheur. Elle a ajouté que si j’avais des enfants, ce seraient des jumeaux.

Je me suis fait faire un tatouage, avant la Noël par une femme rencontrée à Ibiza. C’est le tatouage des dieux de Tahiti. Il aurait un rôle protecteur. Les cercles symbolisent l’oubli des expériences passées. Je suis au centre. On voit aussi le dieu de la combativité. Sur le côté, on distingue un front, une oreille, un nez, une bouche et des mains. Ces sont les dieux qui protègent l’autre dieu et moi-même. Des gens m’entourent, symboles de l’ouverture d’esprit à l’égard des autres. Les dents de requin sont aussi un symbole de protection.

Quand on est à la recherche d’explications ou de solutions, il n’y a pas qu’un chemin, qu’il s’agisse de spiritualité ou de traitement. Récemment, en l’espace de quelques semaines, j’ai fait faire une prise de sang par un labo normal, j’ai envoyé des cheveux en Amérique, pour analyse, j’ai consulté un acupuncteur et cette femme qui travaille avec ses mains. Tous les quatre sont arrivés à la même conclusionsur ce dont mon corps avait besoin. Avant de connaître cette femme, je ne trouvais pas le repos. J’ai mûri et je comprends à quel point le football est important pour moi et que je peux en obtenir davantage en vivant de manière plus raisonnable. Je suis sur la pente ascendante. Les gens qui ne savent pas ce que je fais pour cela me disent spontanément que je rayonne. Je veux vraiment prouver ce dont je suis capable et ne plus me laisser écarter à cause de bêtises, de moi-même ou des autres. Le football m’apporte de plus en plus: il n’est plus seulement mon travail, c’est un plaisir, qu’il s’agisse des entraînements ou des matches. Je ne suis plus tendu. C’est comme si je disputais une partie avec des copains, dans une plaine de jeux.

J’ai acquis la sérénité nécessaire. Je ne me demande pas ce qui arrivera à la fin de la saison. Ce sera le résultat de mes efforts. J’ai confiance en moi. Dès que ma concentration diminue, je retourne chez cette femme. J’en ressors nettoyé, avec l’esprit clair. Je consulte également un kiné et un ostéopathe ouverts aux nouveautés. Je pratique enfin des exercices respiratoires. Je prends conscience de mon corps et de mon âme. J’ai trouvé un dentiste qui remplace mes vieux plombages par d’autres, plus sains pour le corps, car les examens réalisés avaient démontré que je souffrais d’une intoxication au mercure. Plus on en apprend, plus on réalise qu’on peut reculer ses limites. Parfois, je me demande comment j’aurais réagi à cet accident, avant. Je n’ose y penser ».

Christian Vandenabeele

« L’irrationnel m’a toujours intéressé »

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