» Le foot belge a perdu beaucoup dans l’affaire Hazard « 

La fratrie Hazard, les agents dans le foot, les dessous des transferts, qui d’autre que John Bico pour répondre à nos questions… ?

Agent historique d’Eden Hazard, John Bico est longtemps resté dans l’ombre, loin de toute agitation médiatique. Son clash avec Johan Vermeersch lors de ta tentative de reprise du Brussels, celle réussie au White Star, l’histoire du brassard cet été avec Thorgan Hazard, le transfert avorté du même Thorgan vers Anderlecht lors du dernier mercato l’ont forcé à sortir de l’ombre. Officialisé manager général du White Star depuis décembre dernier, John Bico nous reçoit dans le club house de la Rotonde, sur les hauteurs de son club propret de Woluwé, autour d’un carbonara, menu quasiment devenu classique. L’entretien, d’environ deux heures, sera lui plus épique…

Votre club, le White Star, avait de grosses ambitions en début de saison. Est-ce une lourde déception de vous retrouver non loin d’une place de barragiste ?

Non, absolument pas. Nous n’avions pas prévu de gagner la Ligue des Champions cette année… Je dirais que, comme 70 % des clubs de D2, l’ambition est de rejoindre l’étage supérieur mais si ce n’est pas cette saison, ce sera la suivante. Nous sommes dans la deuxième partie de tableau mais j’ai la prétention de penser qu’on est à l’abri de la relégation, malgré tout. Je serais inquiet si, avec moins de qualités, nous aurions eu plus de points parce que je pars du principe que la position au classement ne reflète pas tout le temps la valeur d’une équipe. Surtout pour un club en phase de transition.

Et si le White Star venait à descendre, arrêteriez-vous ?

La question ne se pose même pas. Demandez aux autres coaches ce qu’ils pensent de nous et si nous allons descendre. J’ai l’une des meilleures défenses de la série et si on en est là, c’est parce que nous avons l’une des moins bonnes attaques. La saison passée, Eupen et Westerlo avaient quasiment la meilleure équipe sur papier et ils ne sont pas montés. Aujourd’hui, ces deux équipes jouent les premiers rôles. Mes joueurs auront accumulé un an d’expérience et l’année prochaine, sans aucun problème, nous serons dans les 5 meilleures équipes du championnat.

Quelle était l’ambition en début de saison ?

La montée, clairement. Il ne faut pas, maintenant, renier ce qui a été dit en début de saison. Et ce n’est pas parce qu’on ne l’a pas obtenue qu’il y a une remise en cause. C’est du sport de haut niveau et il est fait d’échecs et ceux-ci construisent souvent les réussites futures. Nous avons trois ans pour atteindre la D1.  »

 » Pathétique de s’accrocher à un club pour exister  »

Sinon ?

Je trouve que les gens qui s’accrochent à leur club pour une question d’ego ou pour continuer à exister dans le monde du foot sont pathétiques. L’humilité, c’est de se dire que si l’on ne sait pas faire quelque chose, d’autres le feront peut-être mieux. Je n’ai aucun problème à dire qu’actuellement, nous faisons dix fois mieux que l’ancienne direction parce que le White Star est un club sain et qu’au niveau structurel, il est déjà un club de l’élite.

Le White Star de la saison dernière avait gagné la première tranche…

Ce qui veut dire que vous avez gagné la Ligue des Champions ? Non simplement que vous êtes en tête après dix matches. A ce moment-là, Ostende faisait partie des derniers et aujourd’hui, ce club fait bonne figure en D1. Les résultats de la saison dernière étaient davantage dus à la force d’un groupe qu’aux qualités individuelles. Ce qu’a fait le White Star à l’époque, en passant de la P2 à la D2, est remarquable mais à quel prix l’a-t-il fait ? Un club qui, sans notre arrivée, était en faillite à deux jours près. J’ai récemment découvert le club d’Hoogstraten et celui de Heist qui ont aussi connu une progression spectaculaire mais restent raisonnables. L’ancienne direction a pris des risques, a joué avec le bonheur des gens, a brisé des vies. C’était de la mégalomanie pure. Quand nous sommes arrivés, il a fallu réparer les erreurs et faire le ménage. Les joueurs de cette période étaient marqués psychologiquement, il était impossible de repartir avec eux.

Pourquoi s’être séparé de Felice Mazzu, qui fait du bon boulot à Charleroi ?

Je vais rétablir les choses une bonne fois pour toutes. A entendre certains, Mazzu c’était Che Guevara ou Jean Moulin. Quand le club a été repris le 18 avril, nous avons décidé le soir même de ne plus continuer avec lui car il avait déjà signé sa résiliation pour la fin de saison. C’est la preuve que vous, les médias, vous vous laissez endormir parce que vous écoutez ceux qui vous murmurent à l’oreille plutôt que d’enquêter. Nous ne l’avons pas mis dehors : nous avons simplement souhaité ne pas continuer avec quelqu’un qui avait déjà démissionné du club. Je n’ai aucun doute sur les compétences de Mazzu, je n’ai rien de personnel contre lui, mais c’était une simple question de bon sens. Il faut quand même dire qu’il a entretenu le mystère alors qu’au fond de lui, il voulait s’en aller. Mais je lui souhaite de la réussite. D’autant qu’il travaille dans un club qui m’est cher.

 » Qui dirige ? Le Pape François !  »

Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il y a trop d’instabilité au White Star ?

Et un club au bord de la liquidation, ça donne une image de club structuré ? Il vaut mieux être soi-disant instable que mort. Aujourd’hui, le club est vivant. Nous avons septante salariés et tout le monde est payé à heure et à temps. Il n’y a pas la moindre once de dette et le stade Fallon est un magnifique lieu de vie sportive.

Afin de formuler la question autrement, pensez-vous prendre des décisions un peu hâtives ?

Quand vous êtes sur une route et vous vous rendez compte que ce n’est pas la bonne, il y a deux solutions : soit vous continuez tout droit mais c’est de la stupidité, soit vous faites demi-tour et c’est une preuve d’intelligence. Changer quand les résultats et la méthode sont mauvais, est-ce de l’instabilité ? C’est vrai qu’il y a déjà eu trois coaches mais être entraîneur c’est, par définition, être un intérimaire permanent.

Quel est le but d’investir dans le mouroir de la D2 ?

Simplement parce que nous avons un défi et un objectif : monter en D1.

Qui dirige réellement le White Star, parce que de nombreuses choses ont été écrites ?

Le Pape François ! … Il est dirigé par Charles Simar, un conseil d’administration et John Bico, le manager général.

Combien d’argent avez-vous investi au club ?

Ce serait indécent de parler d’argent alors qu’on mise sur le long terme. Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons tout fait pour rendre une meilleure image au club et pour que les jeunes puissent s’y identifier. On a beaucoup parlé du fait que nous avons cinquante joueurs sous contrat mais en incluant la réserve, c’est normal. C’est une chance pour ces jeunes éléments de pouvoir jouir d’un contrat pro, parce que nous leur permettons de travailler dans les meilleures conditions. Nous croyons en eux. On est fier d’avoir les meilleurs jeunes de Bruxelles après Anderlecht, évidemment.

 » Impossible de collaborer avec la direction du Brussels  »

Pourquoi cela n’a pas fonctionné au RWDM ?

Pour la même raison que Didier Beugnies a été viré de ce club alors qu’il faisait des miracles avec des joueurs non payés. C’est impossible de collaborer avec la direction en place.

Johan Vermeersch vous réclame toujours 800.000 euros…

Et nous lui réclamons 3 millions. Il y a déjà eu trois décisions de justice et le président molenbeekois a perdu les trois… Et ma cousine ne travaille pas au Tribunal de Bruxelles. Il y en a encore deux autres en cours. Les gens ne sont pas dupes et a posteriori, en comparant la situation du Brussels et celle du White Star Bruxelles, ils voient qui disait la vérité dès le début.

Qui est Jamal Bin Ferah, dont on a dit qu’il était l’homme fort de la Gulf Dynamic Challenge, la société qui a investi au White Star ?

C’est un ami qui permet au club d’être en vie. Mais je n’en dirai pas plus parce que les gens s’en fichent pas mal de savoir qui est le patron d’un club ou qui ne l’est pas. Les supporters d’Anderlecht, de Genk ou de Malines ne posent pas la question de savoir qui est dans l’ombre des dirigeants et qui détient combien de parts. Si vous souhaitez parler d’argent, prenez le Wall Street Journal, ce sera plus simple parce que moi, cela ne m’intéresse pas !

Actuellement, quel est votre statut exact ?

Je suis le manager général et sportif du club.

L’intérêt d’investir dans un modeste club de D2 sans le moindre fan n’est tout de même pas évident à saisir…

Si, au contraire, c’est simple : je crois en ce projet même s’il n’affole pas les supporters actuellement. Je suis toujours parti du principe que tout ce que tu veux dans la vie, tu peux l’obtenir. On va donc mettre sur pied un projet que l’on veut appliquer à la lettre. Je connais d’autres clubs qui ont vécu la même transition par le passé. Le Stade de Reims n’était plus rien jusqu’à la venue du président Jean-Pierre Caillot. Le stade était champêtre, le club était bas dans la hiérarchie et l’enceinte était vide. Et regardez maintenant. D’une autre façon, Lille aussi a franchi les marches quatre à quatre. Vous allez me demander pourquoi à Bruxelles et pas ailleurs en Belgique ? Parce qu’il y a de meilleurs restos ici (il rit) ! La capitale de l’Europe doit avoir deux clubs en D1 et je rêve d’être pour Anderlecht ce que l’Espanyol est pour Barcelone.

 » Dois-je m’abstenir de conseiller des gens ?  »

Pourquoi avoir arrêté le métier d’agent de joueur ?

Parce qu’après tant d’années, j’avais fait le tour de la question et je n’avais plus envie de continuer. Avec l’évolution des mentalités, les valeurs disparaissent à petits feux et c’est usant. Ça peut paraître un peu vieux con mais les valeurs étaient différentes à l’époque.

Vous gardez toutefois un rôle auprès d’Eden et de Thorgan ?

Je le dis clairement, je ne suis plus agent. Ça fait en réalité belle lurette que j’avais tourné la page. Je ne conseillais que ceux dont j’étais proche. Si je dis que je suis le conseiller de Vossen ou de Mitrovic, je me fous vraiment de la gueule du monde. Mais dois-je pour autant m’abstenir de conseiller des gens qui, avant d’être des sportifs, sont surtout des amis intimes de très longue date ? Seuls des fous peuvent le penser. Nous avons au moins le mérite d’être clairs et transparents.

Vous avez donc conseillé Thorgan lors du dernier mercato…

Oui, parce que je m’occupe de lui depuis qu’il a 14 ans. Nous avons toujours fait les choses clairement. Je tiens aussi à rappeler qu’un joueur n’est pas contraint d’avoir un agent. Tout comme aucune loi n’interdit à des amis de donner des conseils.

Thorgan a néanmoins déclaré, dans une interview, que vous étiez son  » agent  » !

Il a peut-être utilisé ce mot et même, qu’est-ce que cela signifie ? Il y a plus de dix millions de Belges dans ce pays, n’y a-t-il rien de plus important que de savoir où se trouve la virgule entre agent et conseiller ? Surtout que la FIFA va supprimer le système des agents. Il n’y a donc plus de débats.

Une enquête a été ouverte pour tenter d’empêcher des managers de diriger des clubs et votre nom a été cité. Qu’y répondez-vous ?

C’est normal. Tant qu’un règlement existe, il faut l’appliquer. S’il n’est pas contraire à la loi. Car en Belgique, jusqu’à preuve du contraire, c’est encore la loi belge qui compte… De toute façon, le White Star n’est pas concerné. Je suis affilié à l’Union Belge et enregistré comme dirigeant responsable. Cela prouve bien que les choses sont faites réglementairement.

 » Fous la merde et tu auras ce que tu veux  »

Etes-vous déçu que Thorgan Hazard ne soit pas à Anderlecht ?

Je suis surtout navré de l’attitude de Zulte Waregem et du manque de classe de ses dirigeants. Thorgan, lui, est resté très pro depuis le début. Il a répété à son coach, lors du stage, qu’il voulait s’en aller. Puis après le premier match. Mais il a toujours continué à prester à son meilleur niveau, notamment en éliminant le Cercle en Coupe de Belgique. Il est pro de A à Z et même après Z. Mais son club n’a pas été réceptif et la morale de cette histoire est simple : Comporte-toi le mieux possible, sois correct avec tout le monde et tu n’auras pas ce que tu veux. Par contre, comporte-toi mal et fous la merde dans le club, casse ton contrat en utilisant la loi 78 et tu auras ce que tu veux. Conclusion : la correction ne paie pas. Ne vous inquiétez pas. Ou plutôt, si, inquiétez-vous. Les joueurs ont bien compris le message. Le foot belge a perdu beaucoup dans cette histoire. L’avenir nous le démontrera.

Vous estimez que Zulte Waregem n’a pas été correct dans une affaire où le joueur ne lui appartient pas ?

Zulte Waregem a eu Thorgan pour 0 €. Pas de frais de location à Chelsea. Pas de commissions à Bico. Alors que Zulte a gagné beaucoup d’argent en finissant deuxième et est certain de faire les PO1. C’est aussi simple que ça. Nous avons négocié avec Patrick Decuyper en quinze minutes lors des Jeux olympiques de Londres. Après une très bonne saison, tout le monde a conseillé à Thorgan de s’en aller mais moi je lui ai dit de rester au moins six mois de plus et regardez où ça l’a mené. Une fois encore, cela n’a rien coûté au club. Moi-même, je n’ai pas réclamé le moindre euro de commission. J’avais espéré qu’un moment, la direction flandrienne soit correcte et dise : –Nous souhaitons te garder mais vas-y Thorgan. Merci pour tout et bonne chance. Mais ils ont manqué de classe et de reconnaissance. Tout le milieu du foot, agents et clubs, connaît désormais la philosophie de Zulte. Vous, à Foot Mag, qui aimez donner votre avis sur tout, où est la morale ?

A la place de Thorgan, Anderlecht a mis plus de deux millions € pour David Pollet…

Oui, mais David leur appartient pour plus de quatre ans alors que cela n’aurait pas été le cas de Hazard. La différence est là.

Si vous l’aviez voulu, Thorgan aurait pu casser son contrat, non ?

Oui, mais depuis mes débuts dans le milieu, c’est une pratique que je n’ai jamais utilisée. Je me suis toujours dit qu’une direction serait correcte avec ceux qui l’ont été avec elle mais dans ce cas-ci, j’ai pris des pies pour des aigles.

En début de saison, vous avez joué de votre influence en faveur de Thorgan Hazard concernant le brassard de capitaine, les botters de penalties, les coups francs, etc. Cela avait mis en lumière certaines pratiques…

Le numéro 10 est une fausse histoire. Quant aux coups francs, il faisait déjà partie des tireurs derrière Leye et Berrier. Je devais tout faire dans son intérêt puisque mon devoir était de le représenter et j’ai en effet demandé qu’il soit utilisé dans sa meilleure position, à savoir dans l’axe du jeu. Dans l’histoire du brassard, les médias ont été manipulés car c’est désormais lui qui est capitaine quand De fauw n’est pas là mais plus personne n’en parle… Pourtant, Colpaert, D’Haene ou Bossut sont-ils moins légitimes que De fauw ?

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS

 » A entendre certains, Mazzu c’était Che Guevara ou Jean Moulin.  »

 » Un entraîneur c’est, par définition, un intérimaire permanent.  »

 » Si vous souhaitez parler d’argent, prenez le Wall Street Journal, ce sera plus simple parce que moi, cela ne m’intéresse pas !  »

 » Je rêve d’être pour Anderlecht ce que l’Espanyol est pour Barcelone .  »

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