Le flou total

Indiscrétions et révélations sur un club à la recherche d’une nouvelle identité.

Seuls les amnésiques ou les gens de mauvaise foi vous diront que tout fut rose durant le règne de Luciano D’Onofrio entre 1998 et 2011. Il suffit de se rappeler les nombreuses tensions entre supporters et direction qui ont entouré son règne long de 13 ans.

Ceci étant, l’ex-homme fort du Standard avait réussi son pari : ramener un titre (même deux) que beaucoup ne pensaient plus revoir en bord de Meuse. La reprise du club en juin dernier par RolandDuchâtelet marque une rupture totale avec l’ère Luciano. Celle-ci était inévitable tant les deux personnages semblent aux antipodes. D’Onofrio, c’était un réseau foot de dimension internationale mais aussi pas mal de zones d’ombres et quelques belles casseroles judiciaires. Duchâtelet y oppose des multiples réussites dans les affaires, de la transparence dans ses décisions et une ouverture en termes de communication…mais aussi une totale inexpérience à diriger un club de haut niveau. Un virage pris par la nouvelle direction à 180°. Pour le meilleur ? Ou pour le pire ? Enquête.

1 : un coach qui n’a pas les pleins pouvoirs

José Riga a sans conteste sa part de responsabilité dans la campagne décevante du Standard, notamment en raison d’un onze de base continuellement modifié (des remaniements à sa décharge souvent dictés par de nombreuses blessures ou suspensions) ou un équilibre rarement trouvé. Et pourtant le président l’a publiquement affirmé : Riga sera bel et bien le coach la saison prochaine.

Peut-être pour avoir fait jouer le Standard de façon séduisante à quelques reprises ? Peut-être pour avoir conduit les Liégeois en huitièmes de finale de l’Europa League ? Peut-être aussi pour ne pas être un coach trop gênant vis-à-vis de sa direction. Car hormis durant le mercato d’hiver où Riga réclamait du renfort, dont un attaquant qui n’est jamais venu, l’ex-entraîneur de Mons n’est pas du genre à taper du poing sur la table concernant le matériel mis à sa disposition. Ou alors mollement ?

Il n’est ni le premier ni le dernier coach belge à devoir composer avec les moyens qu’une direction lui consent. Mais là où le travail du coach se complique, c’est quand la direction lui dicte certains choix. Comme d’imposer Michy Batshuayi lors de sa montée au jeu à Genk alors que Riga aurait davantage été tenté par lancer Serge Gakpé mieux à même de garder le ballon alors que le score était de 0-2 à la pause.

Mais l’objectif des dirigeants du Standard est clair : mettre en vitrine les jeunes du cru et ainsi de faire fructifier leur valeur. Sur ce point, Luciano D’Onofrio ne fonctionnait pas autrement les dernières années, lui qui a su tirer profit d’une jeune génération dorée ( Steven Defour, Marouane Fellaini, Axel Witsel, Mehdi Carcela, Eliaquim Mangala). Celle-ci était cependant aidée par quelques joueurs chevronnés. Malheureusement – quoi de plus logique – le Standard ne semble pas disposer d’une relève aussi exceptionnelle.

2 : un directeur général devenu calife à la place du calife

Sous D’Onofrio, le fonctionnement du Standard était plutôt simple : un seul décideur, tant au niveau sportif que financier. Le directeur général, Pierre François, venait apporter son savoir-faire dans divers dossiers (Ligue pro, contrats, médias, etc.) mais n’avait pas de prise directe sur le sportif. Le changement de propriétaire a modifié la donne et assis l’influence de François sur le club.

Régulièrement présenté comme le bras droit de Duchâtelet ou homme de confiance, certains le désignent désormais comme le véritable homme fort du Standard.  » Tout passe par lui « , nous explique un membre du club.  » C’est lui qui donne l’accord pour le salaire, c’est lui qui négocie les primes, ce qui n’était pas le cas sous D’Onofrio. S’il assistait aux négociations, il n’avait jamais le dernier mot. Aujourd’hui bien. Plus étonnante est son influence totalement nouvelle dans la gestion sportive « .

3 : un directeur technique en difficulté

Le Standard a perdu beaucoup de joueurs l’été dernier, et rebâtir dans la précipitation n’est jamais évident. S’il faut se montrer indulgent par rapport au mercato d’été, les transferts hivernaux n’ont pas rassuré : BirkirBjarnason (que le club aurait pu signer dès août), Gakpé, Imoh Ezekiel, c’est plutôt court pour un effectif dont ont été amputés Aloys Nong, MbayeLeye et Franck Berrier. Le directeur technique, Jean-François de Sart, ne possède pas non plus le réseau de D’Onofrio (dont on doit aussi rappeler ses multiples échecs en matière de transferts).

 » De Sart a des connaissances mais on ne voit rien venir. Jonathan Blondel, qu’il a connu chez les Espoirs, qui était dans le creux à Bruges, voilà un gars pour le Standard. Mais on préfère faire venir des footballeurs qui ne connaissent rien au championnat et pour qui un temps d’adaptation est nécessaire « , estime un membre du club.

A l’image de Riga en termes de coaching, il semble que de Sart n’ait pas non plus les coudées franches concernant la politique sportive. Dernier exemple en date : le futur rouche, Ghoochannejhad Reza n’aurait pas été jugé suffisant par le directeur technique mais imposé par le duo Duchâtelet-François.

4 : un Standard trop gentil

Ces dernières années, le public du Standard a été habitué aux fortes têtes ( Runje, Sarr, Conceiçao, Jovanovic, etc.). Cette saison, tout est plus calme dans le vestiaire, les entraînements plus apaisés. Avec des répercussions inévitables en match et une équipe souvent incapable de se rebeller quand ça ne tourne pas rond.

 » Il y a une superbe ambiance dans le groupe mais j’aimerais plutôt que l’équipe fasse corps sur le terrain et se montre parfois plus vicieux, plus professionnel « , nous explique une autre source.  » A l’entraînement, l’équipe est trop gentille, ça ne se bouscule pas. A certains moments-clés, comme avant les play-offs, il faut sortir les machettes. Vouloir gagner sa place à l’entraînement. Or, ce n’est pas le cas ou très rarement. « 

L’an dernier – en schématisant -, la règle avec Dominique D’Onofrio était : zéro risque en défense, à l’attaque amusez-vous. Un autre joueur :  » Aujourd’hui, si tu fais un petit pont dans ton rectangle, le joueur pense qu’il va être augmenté. Il y a une autosatisfaction individuelle et non collective.  »

5 : absence de compétiteurs

Hormis la campagne 2009-2010 quelque peu sauvée par le beau parcours en Ligue des Champions et en Europa League, le public du Standard a été gâté ces quatre dernières années avec deux titres et une Coupe. Il est apparu très vite que le Standard 2011-2012 ne lutterait pas avec le sommet. Et la direction s’est bien gardé d’ambitions démesurées.

 » Le problème, c’est que j’ai le sentiment que les défaites sont désormais trop facilement acceptées par les joueurs « , poursuit l’une de nos sources. On ne peut pas toujours remettre la faute sur l’entraîneur, c’est ridicule. Au haut niveau, c’est aux joueurs à être en mesure de se prendre en mains. Être un bon joueur de foot c’est pas difficile, mais être un compétiteur l’est bien plus. Et aujourd’hui, il n’y en a pas assez dans le groupe. L’an dernier, ce sont les joueurs qui se sont pris en mains pendant les play-offs. Et qui ont su inverser la tendance alors qu’en saison régulière on piétinait.

Le Standard est cette saison incapable de gagner en jouant mal. Je l’explique en partie par le manque d’expérience dans le groupe. Être capable de gagner sans bien jouer, c’est ce qui donne de la confiance à toute l’équipe. Les victoires amènent une concurrence plus accrue, le niveau des entraînements s’élève et les attaquants ont moins de pression et marquent plus facilement… « 

6 : un capitaine chahuté

L’arrivée en janvier 2011 de Jelle Van Damme s’avéra être un véritable coup dans le mille. Dans le jeu très direct imposé par Dominique D’Onofrio, l’ex-Anderlechtois a rapidement apporté toute sa hargne et détermination. Avec Witsel, il fut l’un des éléments déterminants de play-offs menés tambour battant. Cette saison, l’apport de Big Jelle est moins concret, le jeu plus construit sous Riga est une des explications. Que ce soit sur son flanc gauche ou dans l’axe, Van Damme n’a pas été capable de rééditer les prestations de la saison dernière. La question du capitanat se pose également. Au sein du groupe, ils étaient plusieurs à estimer que le brassard aurait dû échouer à un ancien, autrement dit Sébastien Pocognoli, RéginalGoreux ou Sinan Bolat.

7 : des nouveaux bien payés

Sous D’Onofrio, le Standard n’a jamais été réputé pour grassement payer ses joueurs. Onyewu ou Sarr, par exemple, ont perçu à leur arrivée des émoluments bien en-deçà de ce que pouvaient gagner des joueurs moyens d’Anderlecht, Bruges ou Genk. La devise était qu’il fallait prester avant de mériter un salaire à la hausse. Seules les veilles gloires sur le retour échappaient à cette règle.

Cette saison, les nouveaux arrivants sont mieux lotis. Surtout la paire sud-américaine : Nacho GonzalezLuis Seijas dont les salaires sont bien plus conséquents que la grande majorité du noyau.

8 : un effectif mal balancé

La saison du Standard n’aura pas été épargnée par la poisse comme en témoigne cette fin de championnat où le jeune et frêle Ezequiel doit occuper à lui seul le front de l’attaque. Reste que le match face à Genk a prouvé par l’absurde l’utilité d’un Christian Benteke dont c’était pourtant, l’été dernier, le troisième retour au Standard.

Surtout quand le staff médical connaît parfaitement la fragilité d’un Gohi BiCyriac et que Batshuayi, malgré un talent indéniable, n’avait encore aucune planche en D1. A l’image du transfert de Benteke, on peut s’étonner également du départ de Pape Camara qui était, certes, à côté de ses pompes en début de championnat mais dont on se rappelle aussi qu’il fut la révélation de la fin de saison dernière. Une altercation musclée avec Van Damme semble être la cause principale de sa mise à l’écart qui l’a conduit à Valenciennes. Rayon sorties, le club principautaire doit s’attendre à un nouvel exode.

Oparé, Tchité, Bolat, et Kanu (dont le départ est motivé par des problèmes personnels mais aussi pour des raisons financières : le joueur étant apparemment surpris par la différence entre le brut et le net en Belgique….) sont quasiment partants certains. Il va donc falloir trouver du sang neuf qui allie qualité et expérience, ce qui a lourdement manqué aux Rouches cette saison.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Tout passe par François. C’est lui qui donne l’accord pour le salaire, c’est lui qui négocie les primes. « 

Difficile le travail de coaching quand la direction dicte certains choix de joueurs.

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