Le fédéraliste

Le président du club de Daknam a lancé quelques pavés dans la mare professionnelle.

Le boss de Lokeren estime que le football professionnel doit se mettre en phase avec les réalités politiques du pays: « Je prône une fédéralisation administrative, rien de plus. Cela se fait dans d’autres sports. Le plan du président fédéral Jan Peeters ne le prévoit que pour le football amateur et notre idée nous permettra de mettre les politiciens au pied du mur et de demander les subsides dont nous avons grand besoin pour nouer les deux bouts. Je ne vois pas pourquoi la fédéralisation ne commencerait qu’au niveau de la D3 ».

Roger Lambrecht est pessimiste à propos de l’avenir du foot professionnel en Belgique.

« Anderlecht tente de nous voler Zitka »

Comment un club comme le vôtre noue-t-il les deux bouts?

Roger Lambrecht: Nos dépenses varient entre 3,7 et 4 millions d’euros pour des recettes de 2,8 à 3 millions. Il faut combler un déficit d’un million chaque saison. Grâce au boulot de Willy Verhoost, Lokeren déniche du jeune talent en Afrique, partout en Europe, réalise un bon « mix » et quand un talent éclate, on le vend en cas d’offre intéressante. On a été critiqué mais tout le monde en fait autant. Anderlecht, le Standard et d’autres clubs ont aussi leurs bons joueurs africains. Tout bénéfice est le bienvenu dans un pays comme la Belgique handicapé dans ses autres revenus (droits de télé, marketing, nombre de spectateurs) par la petite taille de son marché. Malgré cela, Anderlecht, qui songe, dit-on, au bien de tout le foot belge, tente de nous voler Daniel Zitka. Je ne suis pas opposé du tout à un projet de transfert car un professionnel a forcément envie de militer dans un grand club où il sera beaucoup mieux payé. Lokeren a dépensé de l’argent pour trouver Zitka, l’acheter, l’entretenir et le faire progresser.

Après trois ans, mon club a jusqu’en avril de cette année pour lever une option via un versement équivalent de 26.000 euros. Anderlecht a proposé un contrat à Zitka avant la date d’échéance de l’option. Ce n’est pas correct: nous avons introduit une plainte à l’Union Belge. C’est dire si les petits clubs comme le nôtre doivent se méfier de tout pour survivre.

Difficile d’y arriver seul, non?

A long terme, Lokeren devra fusionner avec Gand ou Beveren: si on y arrive, ce club resterait longtemps en D1 avec un potentiel de 12 à 15.OOO spectateurs issus non pas d’une ville mais d’une région de 600.000 habitants dans notre cas. L’économie dictera le ton car on ne peut perdre éternellement de l’argent. Par rapport à cela, la Ligue Pro n’a pas de projet. Mais il y a le plan Peeters, le président de l’Union Belge, qui fédéralise le foot belge des Provinciales à la D3, soit le monde amateur qui aura droit ainsi à des subsides des gouvernements régionaux. C’est très intéressant et nous demandons que cette fédéralisation administrative se fasse aussi au niveau professionnel, soit en D1 et en D2. Pas question du tout de scission, de deux D1 ou que sais-je encore.

Le gouvernement flamand n’accorde pas de subsides aux clubs faisant partie d’une fédération ancien style. Il traite avec les ailes des sports fédéralisés. Je ne vois pas où se situe le problème: nous avons besoin de cet argent pour notre trésorerie, pour les installations. Cela ne changera rien à la structure de nos championnats de D1 et de D2 qui resteront évidemment nationaux comme c’est le cas dans d’autres sports fédéralisés depuis longtemps et où tout se passe bien. Chaque région a ses problèmes et ses solutions spécifiques. La fédération aurait une coupole nationale regroupant les deux ailes, la Ligue Pro et l’équipe nationale. Je ne suis pas un séparatiste: l’équipe nationale est aussi un sujet de fierté pour moi. J’y tiens, je prône la fédéralisation, pas du tout la scission du football professionnel.

« Je ne crache pas sur 100.000 euros »

Est-ce que la fédéralisation vous rapportera gros, honnêtement?

Quand on dispose d’un budget limité comme le nôtre, 75.000 ou 100.000 euros (mais ce sera plus à long terme), je ne crache pas dessus: ça compte et cela responsabilise le « politique » à l’égard du sport et des clubs qui assument un rôle social. 12 clubs flamands partagent le même point de vue, c’est important, cela a du poids. J’ai bien expliqué notre intention au Standard, au RWDM, à Charleroi, à Mouscron et à La Louvière: ils n’ont absolument rien contre le projet et ils pourront aussi demander des subsides à leur région.

Anderlecht est embêté car ce club, qui a des supporters partout, n’a pas envie d’opter pour l’une ou l’autre communauté, ce que je peux comprendre. Mais c’est le problème d’Anderlecht, pas le mien. On peut prévoir une exception, la création d’une aile bruxelloise, ou autre chose, mais on ne peut pas nous empêcher, parce qu’un club est coincé, de nous aligner sur la réalité du pays afin d’obtenir des subsides. A 12, on peut l’expliquer plus facilement à ceux qui ne veulent rien entendre.

C’est un moyen de pression?

On pèse plus…

Certains dirigeants du nord ne disent-ils pas qu’ils pourraient se passer des clubs francophones?

Je le dis fermement: ce n’est pas vrai.

Pourtant, c’est ce qui ressortait d’un entretien que vous avez accordé avec le président de Gand au Het Laatste Nieuws.

Je n’ai jamais rien dit ou entendu allant dans ce sens-là.

Vraiment, vous êtes formel?

Nous voulons obtenir les subsides auxquels nous avons droit et dont nous avons besoin: le reste, ce sont des mensonges orchestrés par ceux qui ne veulent pas entendre parler d’évolution. On peut toujours jeter de l’huile sur le feu et déformer des propos. On a même expliqué que le projet était dirigé contre le Standard, qui rue parfois dans les brancards à la Ligue Pro. Faux. Il n’y aura jamais unité totale dans les projets car la différence est beaucoup trop grande entre les géants et les petits clubs. Je me bats pour 125.000 ou 250.000 euros de subsides. Cela peut faire 5 ou 10% de mes revenus. Anderlecht et le Standard: qu’est-ce qu’ils s’en foutent de 250.000 euros?

Les clubs grattent tellement qu’ils ouvrent la porte à n’importe qui: est-ce normal?

Non. Malheureusement, c’est comme dans d’autres secteurs de la vie économique: quand la mort rôde, on tente d’y échapper par tous les moyens. La Ligue Pro ne peut pas tout contrôler. Son rôle est de nous tenir au courant de ce qui se dit et se passe, en Belgique mais aussi à l’UEFA et la FIFA.

Ses affirmations sont parfois erronées comme quand elle affirme que le finaliste de la Coupe de Belgique ne sera pas européen…

L’essentiel est de nous maintenir dans un cadre commun demain. Pour le reste, nous sommes des concurrents. C’est dur en Belgique. En France, la Coupe et la Coupe de la Ligue sont soutenues par des sponsors événementiels, les clubs ne jouent par avec leurs maillots habituels. Difficile chez nous car chacun tire la couverture à soi. Deux sponsors sont prêts à investir plus d’un million d’euros pour la Coupe de Belgique organisée par l’Union Belge. Je suis curieux de voir ce que cela donnera. A mon avis, les grands clubs vont refuser.

« La licence fait bouger les choses »

VRA Quand est-ce que la Ligue Pro sera mue par un beau et grand projet?

Il n’y aura jamais un grand projet. Il y aura la mort économique de beaucoup de clubs. Certains tentent tout: le GBA se sauve avec l’aide d’Ajax, l’Antwerp avec celle de Manchester United. Notre D1 sera le banc d’essai de clubs étrangers. Pas mal de décisions se prendront hors de nos frontières. Les refus de licence sont le reflet de la réalité économique mais un descendant sportif, comme ce sera peut-être le cas de Beveren, ne pourrait pas tirer profit de cela pour éviter le plongeon.

La Belgique est à peine aussi grande que le nord de la France où trois clubs de D1 se partagent tout de la Picardie à la Lorraine. Chez nous, il y a 18 clubs pour la même surface géographique. Je ne négocie avec personne mais l’hinterland des clubs professionnels doit être plus grand. Il y a des régions qui sont encombrées. C’est l’étouffement en Campine, à Anvers, même dans le Limbourg.

Et demain dans le Hainaut si l’AEC Mons monte en D1…

Tout à fait. Le retour de Malines ne fera pas du bien aux clubs anversois. Je n’avance rien de nouveau. Des tas d’études l’ont prouvé. Il y a 70.000 spectateurs par journée de championnat en D1: est-ce suffisant pour nourrir 14 clubs? Je n’en suis pas sûr. La licence fait heureusement bouger les choses. Sans cela, on n’aurait pas avancé d’un centimètre.

Pierre Bilic,

Dia 1

« Je me bats pour 125.000 euros. Mais Anderlecht ou le Standard n’en ont rien à faire de cette somme »

« Des sponsors veulent investir plus d’un million d’euros dans la Coupe de Belgique mais les grands clubs voteront contre »

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