LE DRAGON NE CRACHE PLUS

Moins d’un an après sa relégation, le RAEC Mons est au bord de la disparition. Chronique d’une mort annoncée.

Longtemps, les pylônes lumineux du stade Tondreau ont ressemblé à des peupliers, courbés par le vent. A moins que ce ne soit par les tracas et le poids de ce stade. Ils risquent en tout cas dans le futur d’être privés de leur job : illuminer tous les quinze jours le spectacle de Dragons en feu, venus l’espace de trois fois trois saisons bousculer la D1. Le RAEC Mons est désormais mort, la faute à ce stade, tourment de la famille Leone depuis plus de dix ans, la faute à cette équipe incapable de fidéliser public, sponsors et joueurs. Incapable de grandir financièrement. Incapable de vivre sans les deniers de son président-mécène, DominiqueLeone. Il était écrit que ce club sous perfusion mourrait le jour où Leone débrancherait l’oxygène. C’est ce qui s’est passé, cette année. La saison 2014-2015 commencée en D2 a donc tourné au fiasco. Déclaré en faillite le 16 février, le club n’a pas su trouver de repreneurs à la date du 30 mars.

Restrictions budgétaires

Retour en début de saison. Le RAEC Mons est relégué au terme d’une saison calamiteuse. Dominique Leone en a marre. Marre de crier au loup en voyant ce chancre de stade, auquel il manque deux tribunes. Alors que le désert financier de la D2 se profile, il menace la ville de se retirer si celle-ci ne débloque pas des fonds pour terminer le stade. Alors en pleine campagne électorale, la ville décide de dégager un budget pour le RAEC Mons. Mais la descente en D2 vient une première fois bouleverser les plans.

Mons doit faire des économies et poser des choix de meilleure gestion. C’est ce qui se dégage de l’audit lancé par Pierre François. Cela se fait à tous les étages. Leone vire Dimitri Mbuyu et Alain Lommers, directeur général, auquel on dit que le club n’a plus besoin d’un directeur général en D2. Pourtant, son rôle sera repris par Pierre François, à un prix certainement pas moindre que celui de Lommers si ce n’est que François n’est pas salarié mais consultant free-lance. En quelques mois, le club enregistre également plusieurs départs, dont celui de trois commerciaux. Ceux-ci ne sont pas remplacés, le directeur de la communication, Gilles Barbera reprenant le titre de directeur commercial, sans hausse de salaire.

 » Dès l’entame de la saison, on a fait des restrictions budgétaires partout « , explique Gilles Barbera. Moins de stewards, moins d’hôtesses d’accueil, certains contrats deviennent des échanges.  » On avait déjà dû utiliser le parachute de la descente pour combler partiellement le déficit de la saison précédente « , explique Pierre François.  » On ne pouvait donc plus l’étaler sur la saison. Malgré cela, Dominique Leone a donné son feu vert pour débuter la saison mais en septembre, il a fermé les robinets.  »

François avait déjà compris au mois d’août. Sa campagne de transfert a pour but de faire fortement baisser la masse salariale (qui représentait quand même plus de 50 % du budget du club). Les gros salaires, comme Shlomi Arbitman ou Grégory Lorenzi, qui touchait 12.000 euros par mois (sans les primes) plus 100.000 euros de prime à la signature par an, doivent changer d’air. Ne restent au club que Brice Ntambwe, Jérémy Sapina (qui partiront en janvier) et Vuzamuzi Nyoni qui bénéficiait de 8.000 euros brut (plus les frais). Les 18 nouveaux joueurs sont logés à une autre enseigne. Au total, les 18 ne coûtent en masse salariale que 900.000 euros par mois, primes comprises !

La fuite des sponsors

Leone s’est montré soit naïf, soit présomptueux et très vite, il se rend compte que le club continue à perdre de l’argent.  » Mais ce n’était pas nouveau. Quand vous avez une perte de trois millions d’euros sur un budget de 6 à 7 millions d’euros, il y a un problème « , lâche François. Les sponsors ont lâché le club. Le main-sponsor maillot, Les Verandas Willems, qui avait un contrat de trois ans (300.000 euros par an) qui arrivait à échéance en juin ne l’a pas reconduit, autant à cause de la descente que du départ de Lommers et de Virginie Parijs, la directrice commerciale, avec lesquels Luc Willems, le patron, entretenait des bonnes relations.

D’autres sponsors ont revu à la baisse leur participation. Le groupe Gobert ne déboursait plus que 15.000 euros, soit 7 fois moins qu’en D1 ; les Assurances Fédérales 10.000 euros, soit six fois moins qu’en D1. Le City Mall avait arrêté son sponsoring. Une énorme différence par rapport à la D1 mais aussi par rapport aux deux précédents passages en D2 lors desquels le groupe Holcim payait encore 250.000 euros comme main-sponsor maillot ! Holcim, à l’époque où il était actionnaire, payait même 400.000 euros par an, avant finalement de décider de revendre ses parts à Dominique Leone et de baisser progressivement son investissement. Aujourd’hui, le groupe suisse ne paye plus que 40.000 euros pour l’école des jeunes.

 » Cela fait deux ans que les revenus de sponsoring baissaient « , se souvient Virginie Parijs.  » A cause de la conjoncture économique mais aussi à cause du manque de stabilité du club en D1 qui fatiguait les entreprises.  » A cela s’ajoutait une baisse de la fréquentation.  » On ne jouait certains matches que devant 1.500 spectateurs « , explique Barbera.

Au mois de novembre, Dominique Leone sort du bois et lance son cri de détresse. Mais cette sortie n’a pas l’effet escompté. Que du contraire ! Un article sorti dans Sport/Foot Magazine dans lequel il s’en prend à Elio Di Rupo est mal perçu du côté de la ville. Di Rupo intime l’ordre de ne pas bouger tant que Leone est président. Jadis complices, les deux hommes ont vu leur relation se refroidir au fil des ans. Et Di Rupo a peu apprécié la sortie de Leone.

Le timing de la sortie de Leone est désastreux. La ville n’a que faire du club de foot : elle n’est pas en période électorale et a d’autres chats à fouetter à un mois du lancement de Mons2015, capitale européenne de la culture. Déjà obligé d’injecter 300.000 euros en sponsoring pour boucler ce budget-là, Leone consent une avance sur salaire de 170.000 euros en novembre. A partir de là, Pierre François s’ingénie à placer des rustines à gauche et à droite, tout en cherchant des repreneurs potentiels.

L’épisode Curaba

Le 16 février, en même temps que l’aveu de faillite, un nom sort du bois : celui de SalvatoreCuraba.  » J’avais soumis le dossier le 12 à mon comité de direction après avoir été contacté quelques jours plus tôt « , explique Curaba.  » A 8 voix contre 15, on avait décidé de se lancer dans une analyse approfondie du dossier.  » Pierre François lui demande s’il peut donner son nom aux médias. Une manière de chasser une mauvaise nouvelle par l’espoir d’une bonne. Curaba donne son feu vert sans se douter du tourbillon dans lequel cela va le plonger.

 » Avec le recul, je ne trouvais pas cela malin d’annoncer tout le même jour, car je ne voulais pas qu’on associe mon nom à la faillite. L’idéal aurait été de laisser deux-trois jours entre les deux annonces. Après votre article, il y a eu un certain engouement « . Et des doutes commencent à assaillir le fondateur d’EASI.  » J’ai eu peur du dossier. Financièrement, c’était un gouffre. On m’a dit qu’il y avait 1,3 millions de dettes avec un déficit annuel de 900.000 euros mais comme rien n’avait été fait au niveau sponsoring cette saison, je me disais qu’il y avait la possibilité de le réduire. Après analyse, on a vu que la dette s’élevait à 2,6 millions d’euros.  »

Pierre François lui avait pourtant bien dit que Mons avait encore besoin d’1,3 millions pour boucler la saison, cette somme ajoutée à la dette aboutissant bien au chiffre de 2,6 millions.  » Ce n’était pas clair même si Pierre François a bien dit qu’il y avait un besoin de trésorerie d’1,3 millions jusqu’en fin de saison. Cependant, je ne veux pas m’étendre là-dessus car malgré cette mauvaise surprise, j’espérais encore parvenir à une reprise. Je me suis laissé prendre au jeu et j’ai demandé une mobilisation pour le match contre Tubize. Je me suis dit qu’il y avait moyen de trouver des partenaires, de s’arranger avec l’ONSS, la ville et Dominique Leone.  »

Le président montois réclame en effet 850.000 euros de créances. Une somme sujette également à interprétation et palabres. Curaba lui propose 250.000 euros (100.000 et 150.000 en cas de montée en D1). Mais Leone refuse.  » Les petits fournisseurs étaient d’accord de laisser tomber leurs dettes mais la ville n’avait pas les moyens de m’aider car elle était en restrictions budgétaires ; je n’ai pas trouvé de partenaires pour m’aider et Leone est resté sur sa position. Je ne le juge pas. Chacun a ses raisons.  » Quant à l’ONSS, il reste inflexible sur les dettes de 300.000 euros. Avant même le match contre Tubize, Curaba décide de jeter le gant.  » J’ai été choqué de voir comme on m’a fait passer de sauveur à fossoyeur du club. Ce n’est pas moi qui ai mis le club dans cette position.  »

Un dossier vide

La piste Curaba écartée, Pierre François planche sur une autre. Des investisseurs ukrainiens et géorgiens se déplacent au stade Tondreau pour visiter les installations. Sans succès. Suite à ce nouvel échec, Leone accepte d’abandonner ses créances. Ce week-end, Matthew Benham,le propriétaire de Brentford, club de Champion-ship, qui a fait fortune dans les jeux de paris sportifs, montre un intérêt et rencontre les bourgmestres de Mons et de Dour, Elio Di Rupo et Carlo Di Antonio. Sans succès là aussi. En date du 30 mars (date de notre bouclage), le curateur se retrouvait donc avec un dossier vide. Il ne lui restait plus qu’à officialiser la mort du RAEC Mons. ?

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS : BELGAIMAGE

 » J’ai été choqué de voir comme on m’a fait passer de sauveur à fossoyeur. Ce n’est pas moi qui ai mis le club dans cette position  » Salvatore Curaba

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