Le discours de la méthode

Voici ce que le nouvel entraîneur a déjà changé à Anderlecht… et ce qu’il compte encore améliorer à l’avenir.

Six sur six pour Anderlecht après les matches contre Westerlo et Malines. Au Parc Astrid, chacun est rassuré. Hugo Broos, lui, n’a jamais été inquiet. On peut le comprendre. Il savait, mieux que quiconque, que la période de préparation servait à… préparer l’équipe. Pas à la faire démarrer d’emblée au quart de tour. Ses principes sont efficaces lorsqu’ils sont bien assimilés. Mais, avant d’en arriver là, il convient d’apporter les réglages nécessaires. Hugo Broos n’a jamais tout modifié d’un coup de baguette magique. C’est le travail qui, à la longue, a fini par payer. Et, pour l’instant, il n’en est qu’au début.

Vous êtes à Anderlecht depuis un mois et demi. Hormis de bons joueurs, qu’avez-vous découvert?

Hugo Broos: Ce qui m’a frappé en premier lieu, c’est que beaucoup de joueurs n’étaient pas prêts. Certains étaient en phase de revalidation, comme Ivica Mornar. D’autres étaient des blessés de longue date, comme Davy Oyen ou Manu Pirard. Deuxième chose: le programme de préparation qui avait été établi comprenait un entraînement par jour et le week-end libre. Je me suis empressé de le modifier. Troisième détail qui m’a interpellé: lorsque nous avons commencé à travailler, j’ai clairement ressenti que les échecs de la saison dernière avaient laissé des traces. Les joueurs étaient toujours en proie au doute. Les hésitations étaient monnaie courante. J’ai dû tenir compte de tous ces paramètres pour préparer la nouvelle saison, un travail qui comportait deux phases. D’une part, je devais mettre en place un nouveau système de jeu. Chacun sait que je suis un adepte du 4-4-2. Certains prétendent qu’un entraîneur doit adapter son système de jeu aux joueurs. J’estime qu’à Anderlecht, c’est aux joueurs à s’adapter au système de jeu que préconise l’entraîneur. D’autre part, je devais trouver les meilleurs hommes pour chaque place. Et, dans cette optique, j’étais aussi confronté à la suspension de six matches d’Aruna Dindane alors que l’autre alternative sur le flanc droit, Ivica Mornar, était blessé. « En Belgique, les footballeurs ne s’entraînent pas assez »

Vous avez donc, dans un premier temps, modifié le programme de préparation établi. Beaucoup de joueurs se sont plaints de la longueur et de l’intensité des entraînements.

Je partage l’avis de ceux qui affirment qu’en Belgique, les footballeurs ne s’entraînent pas assez. A l’étranger, des entraînements d’une heure et demie ou deux heures n’ont rien d’exceptionnel. Les joueurs d’Anderlecht n’y étaient peut-être pas habitués. On peut être fatigué pendant la période de préparation, l’essentiel est d’être prêt pour la reprise et de ne pas subir de creux pendant la saison. J’ai confié la responsabilité de la préparation physique à David Gevaert, un ancien d’Ingelmunster, comme je l’avais confiée à Gil Vandenbrouck à Mouscron. Il connaît son métier et a déjà bien travaillé. A l’exception d’Ivica Mornar, qui n’a pas suivi la préparation normale, tout le monde tient 90 minutes. Reste maintenant à entretenir cette condition.

Vous n’étiez pas davantage satisfait par le programme des matches amicaux. Mais là, des engagements avaient déjà été pris.

J’estime, en effet, qu’Anderlecht a disputé beaucoup trop de « petits » matches. On peut rencontrer des équipes de Promotion ou de Provinciale lors des 15 premiers jours de préparation, mais ensuite il faut affronter des adversaires plus costauds. On n’apprend plus rien en jouant 90 minutes contre un mur. J’estime aussi que deux matches par semaine, le mercredi et le samedi par exemple, suffisent. Lorsqu’on joue les mardis, jeudis et samedis, on ne peut plus travailler convenablement à l’entraînement. Et, lorsqu’on gagne 1-2 à Bornem après avoir eu un entraînement très sévère quelques heures auparavant, les supporters font la fine bouche.

Après avoir fait l’évaluation de votre noyau, vous avez rapidement réclamé un arrière gauche et porté votre choix sur Michal Zewlakow.

J’avais besoin d’un arrière gauche, car je n’avais qu’Olivier Deschacht pour ce poste. Je ne faisais pas une fixation sur Michal Zewlakow, mais à partir du moment où l’option Christensen s’avérait trop onéreuse, j’ai demandé à mes dirigeants de se pencher sur l’opportunité d’engager le défenseur polonais. Je me suis porté garant de son rendement. Il n’a pas la classe mondiale, mais c’est un très bon joueur pour Anderlecht. En outre, il est habitué à ma façon de travailler: son adaptation sera donc rapide. D’aucuns me disent que j’aurais pu utiliser Marc Hendrikx à l’arrière gauche. C’est vrai qu’il peut évoluer à cette place, mais je ne me satisfais pas d’un joueur qui « peut se débrouiller »: je veux des joueurs dont c’est la place de prédilection. Zewlakow est droitier, tout comme Hendrikx, mais il a toujours évolué à gauche en équipe nationale. Et son pied gauche vaut presque son pied droit. Lorsque Hendrikx avait joué comme arrière gauche à Genk, c’était dans une défense à cinq: en perte de balle, on ne lui demandait pas de couvrir son stoppeur comme je le fais.

En ce qui concerne le système de jeu, vous avez semblé hésiter entre le 4-4-2 et le 4-3-3.

Disons que ce n’est pas un 4-4-2 rigide. Le quatre arrière demeure immuable. Pour les autres lignes, je suis souple. Je peux opter pour un 4-3-1-2 ou d’autres formules en fonction des circonstances.

Pour la composition de l’équipe-type, la lumière a surgi du dernier match amical contre Everton. Quatre jours avant ce déclic, vous aviez joué à Tilburg contre Willem II, dans une autre composition, et vous aviez été battus 4-0.

Les lacunes étaient trop évidentes à Tilburg. Comme déjà, précédemment, à Sedan. Il était inconcevable de continuer de la sorte. Avant le match d’Everton, j’ai précisé le rôle de chaque joueur et apporté quelques changements. En attaque, j’avais besoin d’un joueur recherchant davantage la profondeur: je l’ai trouvé avec Seol. Sur le flanc droit, j’avais aussi besoin de plus de perçant. J’ai récupéré Mornar juste à temps. Conséquence du retour du Croate: Hendrikx a reculé à l’arrière droit, ce qui me permet de disposer dorénavant d’un arrière latéral plus offensif que Crasson, qui est plus spécifiquement défenseur. Enfin, dans le centre de la défense, j’ai récupéré Tihinen qui, blessé, n’avait pas encore pu être aligné jusque-là. David Gevaert l’a bien mis en condition à l’entraînement, mais je voulais qu’il évite les contacts lors de petits matches. Tous ces facteurs ont influencé mes choix pour le match amical contre Everton. Et, puisque le résultat autant que la manière m’ont donné satisfaction, j’ai renouvelé ma confiance dans ces hommes-là pour les premiers matches de championnat. Avant de trouver le bon équilibre, il est exact que j’ai beaucoup cherché. Mais c’est à cela que servent les matches de préparation. Le problème est qu’à Anderlecht, un mauvais résultat est mal accepté. Pas par la direction ou par mes proches collaborateurs, qui comprennent les essais que j’effectue, mais par l’entourage: les supporters et les journalistes comprennent difficilement que l’équipe puisse être battue en match amical. La compétition officielle n’avait pas encore commencé que d’aucuns parlaient déjà de crise.

A Mouscron, le passage d’une défense à cinq (sous Georges Leekens) à une défense à quatre en zone (sous votre direction) avait pris plusieurs mois pour être assimilé. Combien de temps pensez-vous que cela prendra à Anderlecht?

Je suis déjà assez loin, sur ce plan-là. A Mouscron, aucun défenseur présent n’avait encore évolué dans une défense à quatre en zone. Ils devaient tout apprendre. A Anderlecht, c’est très différent. Michal Zewlakow connaît mes principes sur le bout des doigts, Hannu Tihinen a toujours joué de cette façon en Scandinavie et Glen De Boeck a souvent évolué de la sorte en équipe nationale. Il n’y a que pour Mark Hendrikx que ce système de jeu est nouveau. Il est encore hésitant, mais dans quelques semaines, il sera beaucoup plus à l’aise.

Anderlecht a envisagé l’engagement du Tchèque Vaclav Kolousek pour pallier le départ d’Alin Stoica. Dans votre système de jeu, avez-vous réellement besoin de ce joueur?

Non. Walter Baseggio est capable de remplir ce rôle. Je n’ai pas besoin d’un véritable numéro 10 à l’ancienne, qui se contente d’attendre les ballons et de distribuer le jeu. Je n’insisterai pas pour l’engagement de Vaclav Kolousek, car j’estime disposer d’une solution au sein de mon noyau. Je préfère que le Sporting économise son argent pour, peut-être, engager un joueur de réelle classe mondiale dans l’avenir. Ce joueur-là coûtera plus cher, mais je préfère un joueur de grande classe que deux joueurs moyens. Dans le passé, Anderlecht a trop souvent paniqué et a engagé des joueurs qui, en cours de saison, se révèlent inutiles ou font double emploi. C’est parfois difficile à faire admettre, car la patience n’est pas la qualité première des personnes qui gravitent autour du club bruxellois. »De Bilde n’est plus un attaquant de pointe »

En période de préparation, vous aviez songé à aligner Seol sur le flanc gauche. Parce que Said était blessé et Kolar parti au Championnat d’Europe des -19 ans, ou parce que vous estimiez que c’était sa meilleure place?

Les absences de Said et de Kolar ont influencé ce choix, mais je pensais également que le Coréen était une bonne solution sur ce flanc. L’expérience pourrait être renouvelée, comme elle l’a déjà été en deuxième mi-temps à Westerlo et contre Malines.

En attaque, on retrouve finalement un duo De Bilde-Seol alors que beaucoup d’observateurs s’attendaient à une paire Jestrovic-Zane.

Nenad n’est pas encore prêt. Il subit toujours les conséquences de tous les problèmes qu’il a connus la saison dernière. Il travaille bien et progresse au fil des semaines, mais je ne peux pas me permettre de lui laisser retrouver le rythme en équipe Première. Il doit le faire en équipe Réserve. Clayton doit encore s’adapter à la compétition belge. Pendant la période de préparation, il a eu les jambes coupées par l’intensité des entraînements. En Norvège, on commence la préparation en février pour entamer le championnat au début avril. Il pouvait faire en huit semaines ce qu’ici il a dû faire en six semaines. C’est aussi un joueur qui a besoin d’un équipier explosif à ses côtés. Ce que De Bilde n’est plus et Jestrovic pas encore. Le Yougoslave pourrait le redevenir lorsqu’il aura retrouvé la plénitude de ses moyens physiques.

Vous voyez davantage Gilles De Bilde comme attaquant en retrait que comme attaquant de pointe.

Effectivement. Lors de certains matches, il évoluera peut-être encore à la même hauteur que Seol, mais je pense qu’il n’est plus un véritable attaquant de pointe comme autrefois. Il doit encore trouver ses marques dans ce rôle d’attaquant en retrait, nouveau pour lui, mais cela vient. En fait, tous les joueurs peuvent – et doivent – encore s’améliorer dans tous les secteurs.

Vous avez la réputation de rester fidèle à une équipe-type lorsqu’elle vous donne satisfaction. N’est-ce pas difficile de faire accepter un statut de réserviste à des joueurs comme Crasson, Jestrovic ou Zane?

C’est plus facile à Anderlecht que ce ne l’était à Mouscron. Au Sporting, les joueurs savent que la concurrence est énorme et qu’ils risquent de se retrouver sur le banc. Ceux qui signent à l’Excelsior s’attendent à un peu plus de certitude quant à leur statut de titulaire.

A Anderlecht, ces dernières années, il était fréquent qu’une dizaine de joueurs se retrouvent simultanément à l’infirmerie. Avez-vous découvert la raison de ce phénomène?

Pour l’instant, il n’y a plus que trois blessés à l’infirmerie. C’est un chiffre très acceptable. J’ai l’impression que, dans le passé, les joueurs faisaient un peu trop facilement l’impasse sur les entraînements. L’excuse d’un petit bobo était vite invoquée. Aujourd’hui, les joueurs en délicatesse avec leur musculature passent chez le kiné ou s’entraînent individuellement sous la direction de David Gevaert. On ne peut pas obliger un joueur souffrant d’une déchirure à s’entraîner: Olivier Doll, par exemple, est exempté. Mais le cas des autres est différent. Et, souvent, lorsque le kiné leur dit: -Vous pouvez aller vous entraîner avec David Gevaert!, les joueurs soi-disant blessés répondent: -Dans ce cas, on préfère s’entraîner avec le groupe!

Daniel Devos

« Je préfère que le Sporting engage un joueur de grande classe que deux éléments moyens »

« Dans le passé, certains joueurs faisaient trop facilement l’impasse sur les entraînements »

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