LE DERNIER FLANDRIEN

Pour justifier l’existence du Futurosport, il serait bon que le gamin de Renaix réussisse à s’imposer.

Il n’y a pas si longtemps, les Flandriens étaient légion au Canonnier. YvesVanderhaeghe, StefaanTanghe et KoenDeVleeschauwer, pour ne citer qu’eux, ont fait les beaux jours de l’Excelsior. En remontant un peu plus loin, on retrouve aussi des joueurs comme GeertBroeckaert et ClaudeVerspaille, aujourd’hui repris dans le staff. Désormais, le jeune DaanVanGijseghem (18 ans depuis le 3 mars) est le dernier représentant de la communauté néerlandophone.  » Cela ne me pose aucun problème « , assure-t-il.  » J’habite à Renaix, sur la frontière linguistique. A l’école, là-bas, on apprend déjà le français en troisième année, alors que les cours débutent en cinquième année dans les autres régions des Flandres. A Mouscron, j’ai aussi l’occasion de pratiquer régulièrement le français avec mes partenaires. Je me débrouille donc très bien dans la langue de Molière. Lorsque Koen De Vleeschauwer s’en est allé, l’an passé, je reconnais que j’ai un peu dû chercher mes marques : j’avais perdu le seul interlocuteur avec lequel je pouvais converser dans ma langue maternelle. Mais je m’y suis fait. Pour le reste, je ne fais pas de politique : l’essentiel est de s’exprimer sur le terrain « .

Si Daan est le dernier Flandrien de l’Excel, il est aussi le jeune sur lequel le club fonde le plus d’espoirs, en tenant compte du fait que PacoSanchez est déjà une confirmation. On peut même aller plus loin en affirmant que, pour justifier le travail effectué au Futurosport, il serait bon que Van Gijseghem parvienne à s’imposer. GilVandenbrouck a en tout cas effectué un choix courageux en le titularisant lors des deux premières de championnat, au détriment de joueurs expérimentés comme AlexTeklak ou OlivierBesengez, en sachant que le gamin commettra sans doute encore des erreurs mais aussi que c’est en tirant les leçons de ces erreurs qu’il apprendra le métier.

 » Je savais que j’avais de bonnes chances d’être titularisé cette saison « , confie Daan.  » Le tout était de voir à quelle date j’allais revenir de Pologne, où j’étais parti avec l’équipe nationale des -19 ans. Si la Belgique avait atteint la finale, j’aurais encore été là-bas au moment où le championnat débutait. Mais comme nous avons été éliminés après trois matches, j’étais de retour à Mouscron le lundi 24 juillet. Le lendemain, je m’entraînais déjà avec l’Excel, et le samedi, j’entamais le match face au Cercle Bruges « .

Oublier la Pologne

Les Diablotins ont vécu une élimination cruelle en Pologne. Tout avait pourtant débuté de la meilleure manière, avec une victoire 4-2 face à la République Tchèque. On les voyait déjà en demi-finales, mais des deux défaites 4-1 face à la Pologne et à l’Autriche les ont relégués à la quatrième et dernière place du groupe. Doublement dommage, car même avec une troisième place, ils auraient participé au Championnat du Monde 2007 au Canada !

 » Je n’ai pourtant pas l’impression que la Pologne et l’Autriche nous étaient à ce point supérieurs « , assure Daan.  » On avait affronté les Polonais à deux reprises en matches amicaux, et on avait obtenu une victoire et un partage. Certes, pendant ce Championnat d’Europe, ils jouaient à domicile, mais cela n’explique pas tout. Les Autrichiens aussi étaient largement à notre portée. Peut-être les a-t-on sous-estimés ? Je crois aussi que plusieurs joueurs importants du groupe étaient en balance pour une place de titulaire dans leur club et n’avaient pas envie de s’absenter trop longtemps. A la limite, un retour précoce les arrangeait. En ce qui me concerne, je suis en avance d’un an et j’aurai encore l’occasion de jouer avec les -19 ans cette saison-ci. Pour d’autres, la carrière à ce niveau est sans doute terminée. On avait une très bonne génération, avec beaucoup de talent, mais sans doute pas assez de caractère. Lorsque le Championnat du Monde se disputera l’an prochain au Canada, on aura sans doute des regrets. D’ici là, mieux vaut oublier cette désillusion. Se lamenter ne changera rien, de toute façon « .

En équipe nationale, comme autrefois en club, Daan joue comme défenseur central. Mais c’est en position de demi défensif qu’il a commencé le championnat avec Mouscron.  » Je n’ai pas de préférence, pourvu que je joue. Je crois que je suis toujours plus à l’aise comme défenseur central, parce que je suis plus habitué à cette place. Jouer dans l’entrejeu, c’est nouveau pour moi. Gil Vandenbrouck a déclaré que je réagissais encore trop comme un défenseur, mais c’est logique puisque j’ai été formé à ce poste. Dans l’entrejeu, j’essaie surtout de me mettre au service de l’équipe. Je cours beaucoup, j’essaie de boucher les trous et de récupérer un maximum de ballons. Ce n’est pas très spectaculaire, et tant pis si je passe inaperçu, mais si c’est utile, je ne demande rien d’autre. J’ai aussi SteveDugardein à côté de moi pour m’aider. Cela ne pouvait pas mieux tomber : c’est le joueur le plus expérimenté de l’équipe. Si je commets des erreurs, il peut me corriger « .

Dans le sillage du paternel

Si Daan habite aujourd’hui à Renaix, c’est à Horebeke, un tout petit club de la banlieue d’Audenaerde, qu’il a signé ses premiers exploits.  » Horebeke est, à ma connaissance, la plus petite commune fusionnée de Belgique « , explique WouterVanGijseghem, son papa qui travaille au ministère des Finances à Bruxelles.  » J’y ai joué comme gardien de but. Je n’avais pas un talent particulier, mais comme j’étais affilié à ce club, Daan et son frère aîné Tim ont suivi la même voie. A vrai dire, Daan n’était pas spécialement attiré par le football à son plus jeune âge. Il voulait s’amuser, rien d’autre, mais n’avait pas de préférence pour une discipline particulière. Rapidement, on a découvert qu’il avait certaines aptitudes, physiques surtout : il était rapide et endurant. Au point qu’il a suscité l’intérêt de Renaix, qu’il a rejoint après deux années, tout comme Tim. Mes deux fils ont tous les deux évolué à Mouscron également. Tim a joué une année en Juniors, puis une année en Espoirs, avant de se décider à effectuer un pas en arrière pour mieux se concentrer sur ses études : il a passé deux ans à Eine, en Promotion, et cet été, il a été transféré à Audenaerde, qui vient de monter en D3. Tim est aussi un défenseur central, mais un peu moins doué : techniquement, il se débrouille, et il est plus grand que Daan, mais il est moins rapide et moins endurant « .

 » J’ai commencé comme attaquant « , se souvient Daan.  » Puis, j’ai progressivement reculé dans le jeu, jusqu’à devenir défenseur central. Aujourd’hui, je remonte de nouveau, puisque je joue dans l’entrejeu « .

Après Horebeke et Renaix, ce fut Gand.  » Mes passages à Renaix et à Gand ne m’ont pas particulièrement marqué « , affirme Daan.  » Je ne retourne pour ainsi dire plus jamais voir Renaix, alors que je pourrais me rendre au stade à pied. Parmi les joueurs que j’ai côtoyés à Gand, certains évoluent aujourd’hui en Réserve, mais aucun en équipe Première. Quand ai-je pris conscience que je pouvais réussir ? C’est venu progressivement. A 16 ans, j’ai disputé quelques matches de Réserve avec Mouscron, où je côtoyais parfois Olivier Besengez, qui avait déjà dépassé la trentaine. Cela me paraissait étrange, mais en même temps, j’ai beaucoup appris à son contact car il a énormément d’expérience « .

 » Il y a aussi eu les premières convocations en équipe nationale qui m’ont ouvert les yeux sur le talent de mon fils cadet « , ajoute Wouter.  » Et puis, l’intérêt d’autres clubs se faisait de plus en plus précis « .

Bolton ? Non, merci !

Malgré les appels du pied de clubs puissants, Daan a toujours bâti sa carrière échelon par échelon. Bruges et Anderlecht auraient aimé l’attirer. Daan a refusé.  » Sans regret « , assure-t-il.  » Et les événements actuels me donnent raison. Si j’étais parti à Bruges ou à Anderlecht, je serais aujourd’hui dans le noyau B « .

 » A 15 ans, il est même allé passer un test à Bolton, en Angleterre « , se souvient son père.  » On a passé deux jours là-bas, le contrat était prêt, puis Daan a dit : – Non, merci !  »

 » C’est vrai « , acquiesce Daan.  » Qu’aurais-je été faire là-bas à 15 ans, seul dans un pays étranger, sans pouvoir rentrer chaque week-end à la maison ? »

Daan est sous contrat à Mouscron jusqu’en juin 2008.  » Cela ne signifie pas qu’il ne partira pas déjà l’an prochain « , affirme son père.  » Car il continue à être suivi. C’est logique, c’est le cas d’à peu près tous les internationaux, je pense « .

 » Si je continue à progresser, je ne pourrai pas continuer éternellement à refuser les offres venues d’ailleurs, mais pour l’instant, je ne pense pas à partir « , précise Daan.

Le premier à avoir évoqué le talent de Daan Van Gijseghem, à Mouscron, fut GeorgesLeekens.  » Je jouais à l’époque en Réserve et il aurait voulu me convoquer pour un match de l’équipe Première, mais je me trouvais alors en Irlande avec l’équipe nationale des -17 ans « . Ce ne fut que partie remise : Daan a débuté en D1 à la fin de la saison 2003-2004, lors d’un match à domicile contre Westerlo.  » Un match qu’il fallait à tout prix gagner, car le compteur de l’Excel était encore vierge. On a gagné 1-0 et je me suis plutôt bien débrouillé. J’ai joué quelques matches, mais une erreur grossière commise à Charleroi a scellé le glas de mes espérances. J’avais été remplacé après 19 minutes de jeu. Sur le coup, ce fut dur à avaler mais j’ai été soutenu par mes partenaires et par l’entraîneur, et aujourd’hui c’est oublié. J’espère, désormais, qu’on ne me remplacera pas par un joueur d’expérience à la première erreur venue. Cela dépendra aussi des résultats de l’équipe lors des cinq premiers matches. Lorsque l’équipe est plus à l’aise au classement, l’entraîneur peut plus facilement prendre certains risques avec des jeunes « .

Jérémy a quitté Mouscron

Aujourd’hui, lorsque Daan a une journée libre et souhaite assister à un match de football, il se rend plutôt à Audenaerde, où évolue désormais son frère Tim, ou chez les Réserves du… Club Bruges, où joue actuellement son meilleur ami, JérémyBrogniez.  » Je n’ai pas de véritable ami à Mouscron « , dit-il.  » Plutôt des collègues avec lesquels je m’entends bien. Mon meilleur ami, c’est Jérémy. On se connaît depuis la 4e année d’humanités. On a joué ensemble en Réserve à Mouscron, on a été à l’école ensemble, à l’internat ensemble. Pendant les vacances, je vais souvent dormir chez lui, car il habite à la mer « .

 » L’an passé, j’étais Espoir et je jouais avec les Réserves de Mouscron « , explique Jérémy.  » Mais, comme le club n’était pas au mieux d’un point de vue financier, je n’étais pas certain qu’on allait pouvoir me proposer quelque chose. J’ai donc accepté l’offre du Club Bruges. C’est plus proche de chez moi, je bénéficie d’un encadrement très professionnel et j’ai la chance de m’entraîner sous la direction d’un monument comme GertVerheyen « .

 » C’est tout de même dommage qu’il soit parti « , regrette Daan.  » Mouscron veut jouer la carte de la jeunesse, mais je constate qu’à l’époque de Leekens, les jeunes qui jouaient en Réserve recevaient un petit contrat. Ce n’est plus nécessairement le cas aujourd’hui. Certes, RomainHaghedooren a été intégré au noyau A, et deux ou trois autres jeunes ont suivi ces derniers jours, mais c’est tout « .

 » Dans les équipes d’âge, Daan a toujours été plus fort que ses compagnons du même âge « , se souvient Jérémy.  » Il a toujours joué dans une catégorie supérieure, a rapidement été appelé en équipe nationale. La première fois que je l’ai vu partir, cela m’a fait une drôle d’impression : il s’est absenté de l’école pendant cinq jours pour aller jouer en équipe nationale, a logé dans de beaux hôtels. Cela me faisait rêver. Physiquement aussi, Daan a toujours été au-dessus du lot : rapide et endurant. Et puis, il est très calme et affiche une très bonne mentalité. Il ne rechigne jamais à l’effort. Personnellement, j’éprouve toujours des difficultés à me lever le matin pour aller faire un footing, mais lorsqu’on partage la même chambre, c’est Daan qui me réveille et il m’entraîne dans son sillage. Il faut pouvoir mordre sur sa chique pour réussir, et Daan a toujours su le faire « .

Tim se concentre sur ses études

Tim, son frère aîné, tentera l’aventure de la D3 cette saison.  » C’est un peu inespéré, mais j’entends y progresser sportivement « , précise-t-il.  » Ce n’est toutefois pas mon premier objectif : je souhaite avant tout terminer mes études en management et en communication à Courtrai, où je suis en deuxième année. Après, je verrai quel niveau je peux atteindre sur le plan sportif. Je suis sans doute meilleur élève que Daan, mais il est meilleur footballeur. Et depuis qu’il fréquente le noyau A à Mouscron, ses progrès sont encore plus notoires. Personnellement, comme j’évoluais en Promotion – avec des entraînements adaptés à ce niveau -, j’ai un peu stagné. Je ne suis pas jaloux, au contraire : je suis son plus grand supporter et… son manager « .

 » Il veille à ce que mes papiers soient en ordre « , rigole Daan.

 » Je ne peux pas dire que Daan était un très bon élève, mais il a tout de même réussi à combiner sport et études pour obtenir son diplôme d’humanités « , précise son père.

 » Ce n’était pas toujours évident « , affirme Daan.  » Pendant une année, je suis allé à l’école à Bruges. Je logeais à Mouscron, et le bus de l’internat me conduisait à la gare de Courtrai, d’où je prenais le train pour Bruges. Avec le chemin inverse au retour. Je rentrais à l’internat vers 21 h 00, et il fallait encore faire commencer les devoirs « .

 » Daan continue tout de même à suivre des cours du soir en informatique « , ajoute fièrement Wouter.

Ce que Daan attend de cette saison ?  » Je vais peut-être en étonner beaucoup, mais je ne répondrai pas que je veux jouer les 34 matches. Sûrement pas : je ne tiendrais pas le coup. Il y a un moment où j’accuserai une baisse de régime, où il faudra me ménager. J’ai bien débuté, et c’est encourageant. J’espère surtout continuer à apprendre le plus possible, à l’entraînement comme en match « .

DANIEL DEVOS

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