» Le départ d’Abbas Bayat est une délivrance « 

Le capitaine carolo, sorti blessé face à OHL, dresse un premier bilan mitigé du renouveau de Charleroi sans cacher ses ambitions pour le futur.

En tant que capitaine et élément le plus expérimenté du noyau carolo avec ses 100 matchs en D1 belge et 50 avec le Sporting, Ederson Tormena a accepté de faire le bilan du début de saison, qu’il estime correct compte tenu des circonstances, sans plus.

Ederson, revenons un peu sur le début de saison chahuté de Charleroi. Comment le jugez-vous ?

Les débuts ont été mentalement difficiles parce que nous ne savions pas qui allait être président, on n’avait pas d’entraîneur, pas de préparateur physique, pas de vrais renforts non plus. On a effectué du bon boulot avec Mario Notaro mais les doutes étaient logiquement présents. On savait qu’il y aurait un entraîneur parce que, comme dans une entreprise classique, il faut un boss qui vous encadre, vous fait progresser. J’estime qu’on a perdu au moins un mois par rapport à nos concurrents, qui ont eu une véritable préparation physique. Or, on sait combien c’est important sur la durée. J’espère qu’on ne le payera pas à la fin de la saison.

Il fallait aussi se réadapter à la D1 ?

Bien sûr ! L’an passé, on a effectué une excellente saison après des débuts pourtant délicats. On s’est adapté, on a joué de manière moins technique. En D2, c’est juste du combat physique. Quand on est montés, il a fallu retrouver nos marques, rehausser notre niveau de jeu mais les joueurs étaient les mêmes. Dans la tête, ça cogitait ferme. Les résultats, dans un premier temps, ont été catastrophiques.

L’arrivée de quatre renforts de poids (Aoulad, Badibanga, Diandy et Rossini) n’a-t-elle pas été trop tardive ?

Si, probablement, mais on ne peut pas savoir si on aurait pris plus de points avec eux. Le fait est que leur arrivée, consécutive au changement de direction, a amené du sang frais, a renforcé la concurrence à des postes problématiques. Cela ne sert à rien de tenter de refaire le monde, les défaites, nous les avons concédées et il faut aller de l’avant.

 » On a peut-être trop de joueurs inexpérimentés « 

Samedi, vous avez joué votre 100e match en D1, ce qui fait de vous le Carolo le plus expérimenté. Le manque de planche au sein de l’équipe n’a-t-il pas été problématique ?

Peut-être. C’est sûr que l’expérience, en football, est capitale et qu’il est parfois plus aisé de jouer avec des garçons qui ont un plus gros bagage. Maintenant, les jeunes doivent jouer pour acquérir cette expérience, ce sens du placement, cette gestion des moments délicats. Chez nous, ils ont du talent mais il y a peut-être trop de joueurs inexpérimentés à la fois, oui.

En parlant d’expérience, comment jugez-vous le travail de Yannick Ferrera, qui n’a au final que six ans de plus que vous ?

Quand il a débarqué, c’était étrange, mais ce sentiment s’est vite dissipé quand on a commencé à travailler, à parler. Il n’avait peut-être pas beaucoup d’expérience en tant que T1 en débarquant ici mais c’est un jeune gars qui connaît le milieu via sa famille, qui bosse énormément et est près de ses joueurs. On doit l’aider aussi. La petite différence d’âge ne me dérange pas, j’ai déjà vu défiler un tas d’entraîneurs de tous âges depuis mon arrivée ici. Un peu trop sans doute.

Ces changements incessants, c’est pesant ?

Oui, l’ancien président, quand il décidait quelque chose, c’était quand et comme il le voulait, un point c’est tout. Il virait les coaches sans ménagement et parfois, c’était douloureux pour nous. Bien sûr, il y a des moments où cela s’avère nécessaire, quand le message ne passe plus mais avec M. Bayat, c’était souvent prématuré. Il n’avait pas de patience. Quand il a viré Jos Daerden la saison passée, on l’a mal pris parce que c’était un excellent entraîneur qui devait s’adapter à la D2. Pareil avec Jacky Mathijssen, il y a trois ans : son limogeage était excessif et il aurait pu encore nous apporter énormément. Le nouveau président semble agir de façon inverse. Il connaît la manière de bosser de Ferrera et le laisse faire, sans lui mettre trop de pression. Ainsi, il ne descend jamais au vestiaire après un match, quand tout le monde est encore à vif mais il nous encourage avant, nous reçoit dans son bureau en semaine pour parler,  » sentir  » le groupe.

 » Je n’ai jamais songé à quitter le Mambourg « 

Quel souvenir gardez-vous de la présidence d’Abbas Bayat ?

Pour les supporters, c’était une période noire quand il était ici. Ils ne l’aimaient pas, certains le haïssaient carrément et nous le ressentions. Par rapport à nous, il était distant, pas à l’écoute. C’était terriblement frustrant et je ne vous cache pas que son départ a été un soulagement. C’était difficile parce qu’il faut une certaine unité pour progresser. Avec lui, je suis parti une fois au clash quand il a voulu virer Tibor Balog après un partage face à Boussu alors qu’on restait sur 8 victoires en 10 matchs. Incroyable !

Quel a été votre meilleur entraîneur ?

Harm van Veldhoven, qui m’a appris beaucoup de choses, quand je suis arrivé du Brésil au GBA.

Oui, mais à Charleroi ?

Ah ok ! Franchement, c’est difficile à dire parce que j’estime que tous m’ont apporté quelque chose à leur manière, à des degrés divers. J’ai bien aimé bosser avec Daerden et Mathijssen. Balog aussi.

Quand Charleroi est descendu en D2, ça ne vous a pas effleuré l’esprit de vous en aller ?

Non, jamais. Dès qu’on est descendu, j’ai dit à ma femme que j’allais m’accrocher et qu’on allait remonter directement. Même quand on a été secoué par des querelles internes, j’ai toujours dit que Charleroi méritait de jouer en D1. Maintenant qu’on y est à nouveau, on va tout faire pour y rester. La D2, je l’ai pris comme une expérience, avec un jeu fait de longs ballons, on jouait sur des terrains tout petits, parfois en très mauvais état. En plus, j’ai failli involontairement provoquer la perte de points parce que certains clubs ont estimé que je ne pouvais être assimilé à un Belge, suite à une erreur de la Fédération. Cela m’a fait peur mais, au final, tout s’est arrangé. J’en retire des éléments positifs… même si je ne veux pas connaître cela à nouveau. Quand j’étais au Beerschot ou à Genk, on avait peur de venir à Charleroi. Ce n’est apparemment plus trop le cas à l’heure actuelle mais on doit faire changer cela. On doit pouvoir se faire respecter à domicile.

 » Je bourlingue depuis mes 14 ans « 

Vous êtes dans notre pays depuis cinq ans maintenant. Vous considérez-vous comme à moitié belge ?

Non, pas vraiment mais je sais parfaitement ce que la Belgique m’a apporté et je ne l’oublierai jamais. Quand j’ai débarqué au Beerschot, je ne parlais même pas l’anglais mais Daniel Cruz m’a pris sous son aile de manière remarquable.

L’éloignement de la famille ne vous pèse pas trop ?

Par moments, bien sûr, mais je m’y suis fait pour ma carrière. J’ai quitté le cocon familial à l’âge de 14 ans pour jouer au foot au Brésil, donc je me suis habitué très tôt à cette autonomie. Seule ma grand-mère, qui a toujours tout fait pour moi, a du mal avec cela. Avant, quand je ratais mon bus, elle était prête à faire 200 kilomètres pour me déposer où je devais aller. Il y a un an et demi, elle est venue en Europe pour me voir jouer en hiver. C’était fantastique même si elle restait prostrée dans l’appartement tellement elle avait froid.

Vous faites désormais partie des meubles ici à Charleroi. Avez-vous encore d’autres ambitions ?

Bien sûr, c’est humain non ? Dans mes veines coule du sang italien, via mes aïeux qui ont fui la guerre pour rejoindre le Brésil. J’ai aussi un peu de sang allemand. Mais c’est le football italien qui m’attire le plus. Je n’ai jamais eu d’opportunité là-bas mais qui sait, un jour ? C’est un rêve que je ne veux pas abandonner même si je me sens très bien ici.

PAR VINCENT JOSÉPHY – PHOTO: IMAGEGLOBE

 » On a perdu au moins un mois par rapport à nos concurrents, qui ont eu une véritable préparation physique. « 

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