Le dénominateur commun

L’avant navigue entre banc et coups d’éclats. Son principal regret : ne pas pouvoir copier Filippo Inzaghi.

E nfin une soirée Sterchele, titrait un journal après la victoire du Club sur le Cercle, dans le derby. L’attaquant des Blauw en Zwart y avait inscrit son quatrième but depuis le début du championnat. Il avait démarré en force, François Sterchele (25 ans), puisqu’il avait frappé à deux reprises dans le match d’ouverture face à Mons. Mais par la suite, il ne marqua plus que contre Charleroi (sur penalty, lors de la 7e journée) et face au Cercle, donc (13e journée).

Enfin une soirée Sterchele. Ça faisait du bien ?  » Oui, j’étais content de montrer aux gens que je vivais toujours, que je n’avais rien perdu. En plus, c’était au cours d’un derby dont tout le monde parlait ici « , précise Sterchele.

Jusqu’ici, on ne peut pas encore dire que le Liégeois ait marqué le jeu brugeois de son empreinte. Il y a des raisons à cela. Physiques, tout d’abord. Cela fait déjà un bout de temps qu’il souffre des adducteurs, une blessure qui lui a fait louper le match contre Genk. C’est aussi pour cela qu’il ne put accompagner l’équipe nationale en Pologne et en Azerbaïdjan.  » Je me suis présenté à Bruxelles mais j’avais trop mal « , dit-il.  » Quand on n’est pas à 100 %, il est insensé de vouloir prester. Après Genk, j’ai joué mais j’ai forcé et cela s’est vu au cours des ces matches. Je ne pouvais pas bien remiser ou tirer au but « .

Pour lui, le fait qu’on ait remis les blessures de plusieurs Diables Rouges en cause est typiquement belge :  » Notre football n’est déjà pas au top et voilà qu’on remet les meilleurs joueurs en question, qu’on dit qu’ils ne veulent pas jouer en équipe nationale. C’est fou « .

La deuxième raison qui explique ce qu’il appelle la période sèche, c’est la variété du jeu brugeois. Celui-ci n’est pas axé sur un seul joueur, sur un attaquant qui demande tous les ballons :  » Le danger vient de partout. Il n’y a pas que les attaquants qui marquent. Nous créons aussi le danger de la deuxième ligne. Je n’ai pas marqué mais ce n’est pas grave : nous avons tout de même gagné « .

Ce qui nous amène à la troisième raison : le changement de système de jeu. On a vu deux Bruges cette saison celui éliminé par Brann Bergen qui évoluait en 4-4-2 et celui qui, par la suite, joua en 4-3-3. Dans la première formule, Sterchele était associé à Dusan Djokic et, plus tard, à Wesley Sonck. Mais cela ne fonctionnait pas parce qu’aucun de ces deux joueurs n’avait encore le rythme de la compétition. Dans la deuxième formule, ils jouent tous les trois et cela marche.

Sterchele est le dénominateur commun entre les deux systèmes et peut les comparer :  » Avec le premier, nous avions des difficultés à adresser la dernière passe, à être concrets devant. Lorsque nous avons changé, nous avons eu plus d’occasions. Le jeu est peut-être moins beau mais nous sommes devenus terriblement efficaces « .

 » J’intériorise mais je ne suis pas frustré « 

Plus efficaces, peut-être. Mais pour les attaquants, les choses sont moins simples. Si le changement tactique a fait du bien à l’équipe, il ne permet plus aux individus de se mettre en évidence comme par le passé.  » Oui, j’ai rarement joué de la sorte « , avance Sterchele, un peu hésitant.  » Sauf à Charleroi. Mais si l’équipe tourne… Le foot est un sport collectif. Ici, c’est le sommet : seul le résultat compte. Si nous faisons zéro sur neuf, c’est la crise. Je préfère donc un système qui nous permet de l’emporter  » (il grimace).

Il se crée pourtant moins d’occasions :  » C’est une certitude. Nous jouons déjà beaucoup plus bas. Nous courons davantage, nous sommes moins présents dans le rectangle et moins frais en zone de conclusion. C’est beaucoup plus fatigant. Actuellement, j’ai une occasion par match. Pour un attaquant, ce n’est pas facile car nous sommes jugés sur le nombre de buts que nous marquons « .

Sterchele est moins démonstratif que Sonck mais il doit être tout aussi frustré.  » J’intériorise davantage mais je ne suis pas frustré. Disons plutôt embêté. Si l’équipe gagne, passe encore mais un attaquant a besoin de buts. Quand on ne marque pas pendant quatre ou cinq matches d’affilée, qu’on le veuille ou non, on se pose des questions. Tout le monde vous en parle, vous questionne. Et je suis bien obligé de répondre qu’il ne se passe rien. Quand on marque un but sur cinq occasions, on n’a pas d’excuse mais quand il faut attendre que le ballon arrive… Il n’y a pas longtemps, des journalistes m’ont demandé si je n’avais pas perdu confiance. Non, je suis en confiance. Seulement, je n’ai pas d’occasions et c’est ça qui me complique la tâche « .

Ce n’est pas la première fois qu’un attaquant qui rejoint un grand club se dit qu’il aura encore plus d’occasions mais constate que c’est l’inverse :  » Effectivement ! Moi aussi, j’ai vraiment cru cela. Aujourd’hui, je dois bien avouer que ce n’est pas du tout le cas. Presque toutes les équipes que nous affrontons bouchent les espaces et ne songent qu’à défendre. J’ai énormément de difficultés à trouver la faille « .

Il doit donc combiner, tirer, défendre, gêner… Et un attaquant qui travaille beaucoup perd de son rendement :  » Le meilleur exemple, c’est FilippoInzaghi. Il ne travaille pas défensivement, je ne l’ai jamais vu tackler. Il ne touche pas un ballon pendant 80 ou 85 minutes mais, au terme du match, il a inscrit deux buts. J’adore. Certains n’aiment pas et c’est leur choix. Les attaquants jouent à l’instinct et ont l’art de se faire oublier pendant 80 minutes, jusqu’à ce que le défenseur se dise qu’il a gagné la partie. Et à ce moment-là, ils surgissent « .

A Bruges, il est tombé dans une équipe de travailleurs :  » Cela n’enlève rien à ma joie de jouer. Quand les gens me disent que Bruges ne pratique pas un beau jeu, je réponds toujours que c’est peut-être vrai mais que, si cela nous permet d’être champions à la fin de la saison, je signe à deux mains. C’est vrai que ce n’est pas le style de jeu que j’aime bien. On l’a vu au Standard où je me suis ennuyé face à deux défenseurs centraux très solides. Dans ma ville, en plus, avec plein d’amis dans les tribunes (il rit). Je dois avouer qu’après coup, ils m’ont dit qu’ils avaient eu pitié de moi, tellement j’étais seul en pointe. Je ne pouvais rien faire. Avec Dusan dans l’équipe, c’est autre chose. Nous devons être prêts à saisir chaque opportunité. C’est ce qu’on appelle la complémentarité entre attaquants « .

 » Je suis un ouvrier qui change d’usine chaque année « 

Juste avant que Bruges ne change de système, il se retrouva sur le banc. Face aux vikings norvégiens de Brann Bergen, l’entraîneur opta pour Salou Ibrahim, un pivot. Sterchele monta au jeu et marqua. Son amie, le modèle Rachel Licata, déclara dans une interview :  » François est beaucoup trop gentil. Moi, j’aurais tout cassé « .

Cela le fait rire : » Il faut relativiser. Il ne s’agissait que d’un seul match. Je suis nouveau, je ne vais quand même pas mettre le feu à la baraque en arrivant. Les entraîneurs font des choix. Le noyau est grand et la concurrence est forte. Si le coach estime qu’un autre joueur a des qualités plus adéquates à certains matches… (il rit). J’essaye toujours de peser le pour et le contre, je ne suis pas quelqu’un d’impulsif. Je préfère réfléchir. C’est mieux, surtout dans le monde du foot. Je me sens très bien ici, même si je reçois trop peu de bons ballons. Quand je repense aux matches que j’ai joués, je ne me souviens pas avoir loupé deux ou trois occasions. Je pense que je n’ai pas grand-chose à me reprocher. Rien, même. Je suis un ouvrier qui change d’usine chaque année. Ce n’est pas facile. Il me faut une période d’adaptation. Je n’ai pas seulement changé de club mais de vie, de maison. Je me suis encore éloigné de ma famille, j’ai dû tout réorganiser. Au début, ce ne fut pas facile mais à présent, tout s’emboîte. Je réserve un jour à la famille, un jour à ceci, un autre à cela. « .

De plus, sa marge de progression se réduit. Il n’est plus le joueur qui passait de la D3 à l’équipe nationale :  » Maintenant, progresser, c’est être champion. Au Germinal Beerschot, j’ai inscrit 21 buts. Si je veux progresser individuellement, je dois en marquer 40 (il rit). Je ne pense pas que ce soit possible. Je ne me suis pas fixé d’objectif à ce niveau, ce serait très égoïste de ma part. Dois-je ignorer un équipier pour atteindre mon but ? Progresser, c’est aussi affronter plus calmement les circonstances et travailler, apprendre des choses de gens qui sont ici depuis plus longtemps et ont plus d’expérience que moi « .

par peter t’kint – photos: reporters

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