Le décret sur le dopage

Le projet de décret du 20 février dernier relatif à la promotion de la santé dans le sport, à l’interdiction du dopage et à sa prévention en Communauté Française a mis fin à un vide juridique embarrassant. Dans notre communauté, le dopage était seulement visé par une loi nationale de 1965 et inappliquée en pratique!

Une situation qui contrastait avec les discours fermes des politiques wallons, prétendument soucieux de la bonne santé de leurs concitoyens… Le point majeur du texte est de dépénaliser complètement l’usage de produits dopants. Eu égard à l’objectif de lutte contre le dopage, cette mesure peut paraître a priori paradoxale. Pourtant, elle se justifie pleinement.

A l’instar du législateur français, les politiques belges francophones ont parfaitement situé l’origine du fléau. Le sportif dopé est une victime, souvent inconsciente des risques qu’elle fait supporter à sa santé, d’un véritable trafic aux enjeux financiers considérables tantôt mafieux, tantôt instigué par l’industrie chimique elle-même, qu’il faut interdire et punir.

Bien sûr, le compétiteur qui a faussé la bonne régularité d’une épreuve doit répondre de ses actes devant l’autorité sportive. Sanctionner pénalement une personne qui porte atteinte à sa propre intégrité physique ou psychique n’a aucun sens. Il faut au contraire protéger cette personne contre les tentatives de dopage dont son entourage, médical ou autre, est coupable.

En interdisant l’offre de produits dopants et en l’assortissant de sanctions pénales dissuasives (peines d’emprisonnement de cinq ans maximum et doublées en cas de récidive), nos politiques peuvent légitimement espérer une diminution progressive de la demande.

La seconde innovation amorcée par le décret pourrait être source de polémique sur le plan juridique. L’exposé des motifs du décret insiste sur la nécessité de création et d’organisation, par le pouvoir exécutif communautaire, d’un suivi médical de tout sportif, professionnel ou amateur, prenant notamment la forme d’un carnet de santé individuel permettant de responsabiliser le médecin sportif et de « tracer » le suivi thérapeutique.

Mais si la tenue d’un dossier médical est une obligation déontologique élaboré par l’Ordre des médecins et ne constitue pas matière à polémiquer, la problématique pourrait naître si le gouvernement de la Communauté Française n’assurait pas une totale confidentialité du carnet de santé individuel du sportif.

Classiquement, le secret médical empêche toute divulgation du contenu d’un dossier médical à une personne autre que le patient lui-même (article 458 du Code pénal, législation relative au traitement des données à caractère personnel et article 4 de la déclaration d’Amsterdam de l’Organisation Mondiale de la Santé).

C’est également le principe du secret médical qui exige que toute perquisition dont fait l’objet un médecin doit se faire en la présence d’un membre du Conseil de l’Ordre. Absolu et d’ordre public, ce secret ne tolère en droit belge que quelques exceptions légales.

Eu égard aux objectifs de prévention et de lutte pour un sport sain, il se pourrait que le gouvernement de la Communauté Française, dans un souci d’efficacité, soit tenté par un contrôle des carnets de santé individuels par des officiers de police judiciaire.

Aussi légitime qu’elle puisse a priori paraître, une telle mesure serait totalement préjudiciable au nouveau décret car elle créerait une violation des principes fondamentaux du droit à la vie privée et au secret médical, et des principes d’égalité et de non discrimination consacrés aux articles 10 et 11 de la Constitution. Ce serait de nature à provoquer l’introduction de recours en annulation, totale ou partielle, du texte légal lui-même. Puisse le gouvernement de la Communauté Française avoir ces éléments à l’esprit…

Luc Misson

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