Le déclin américain

Le grand arrière central des Rouches donne l’impression de ne plus progresser. Mais est-ce la réalité ?

Depuis qu’il est revenu de son périple outre-Manche, Oguchi Onyewu suscite la critique. Toujours du bout des lèvres car l’arrière central est davantage sensible aux flatteries qu’aux véhémences verbales ou écrites des analystes. Susceptibilité pourtant mal placée de la part d’Onyewu tant ses prestations laissent les observateurs sur leur faim. Ainsi, en bord de Meuse, on murmure -plutôt que de crier- que le géant de Washington n’a plus trop ni la tête ni le c£ur à Liège. Dans l’émission Studio 1, Stéphane Pauwels a pourtant osé porter la main sur Onyewu.  » J’ai simplement dit que depuis le début de la saison, il n’évoluait pas à son niveau et qu’on attendait davantage d’un joueur de son acabit « , explique le preux chevalier. Crime de lèse-majesté. Quelques jours plus tard, Onyewu brocardait le consultant de la RTBF dans Le Soir en le traitant de  » raté du foot « .

Pauwels :  » Ce qui m’avait fait mal, c’est qu’il n’avait même pas regardé l’émission mais on lui avait dit que je l’avais critiqué. Or, j’avais simplement dit ces deux phrases. Je n’avais même pas affirmé que les deux buts encaissés par le Standard contre Malines étaient pour sa pomme, ni qu’il avait pété un câble en Coupe d’Europe en se faisant exclure contre Saint-Pétersbourg. Rien de tout cela. On ne peut rien lui dire. Il a ce côté un peu américain. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui ai dit que Mouscron avait tout fait pour que les ballons arrivent à Onyewu plutôt qu’à Siramana Dembele car il les balançait devant. Ces propos ont été tenus par Marc Brys « .

Une semaine plus tard, alors que Studio 1 montre des images d’Onyewu en train de balancer systématiquement de longs ballons inefficaces vers l’avant, Benoit Thans, autre consultant de la chaîne publique, nuance le trait en ajoutant que l’Américain est un défenseur de calibre international. Malgré ce revirement, le débat est posé. Onyewu est-il à son niveau ?

L’escapade en Angleterre

Tout part-il de son expérience anglaise ? Pas vraiment. Les trois premiers mois du défunt championnat n’avaient pas été davantage productifs. Onyewu, à qui on avait refusé un transfert en août, avait repris le collier sans motivation, poussant ses dirigeants à l’envoyer dans les Îles en janvier. Mais pourquoi Newcastle a-t-il transféré un élément qui, sur base de ses dernières prestations, n’avait pas sa place dans une équipe anglaise du top ?

 » Newcastle n’a jamais eu vraiment de flair concernant ses défenseurs. Comme si le club ne pensait qu’à soigner les transferts d’attaquant « , explique Luke Edwards, spécialiste de Newcastle United pour le quotidien local The Journal.  » Cependant, on pensait que la politique du club subissait un certain changement à ce niveau suite à la prise de fonction de Glenn Roeder au poste de manager. En janvier, il a fallu précipiter les choses car le noyau comportait de nombreux blessés. Onyewu possédait le profil adéquat pour prendre place derrière. Il était grand, encore assez jeune et avait chaque fois progressé lorsqu’il avait franchi un palier. Newcastle misait beaucoup sur lui mais était aussi un peu échaudé par les dernières prestations d’Onyewu en Coupe du Monde et au Standard. C’est pour cette raison que Roeder avait privilégié le prêt de six mois avec option d’achat « .

Onyewu fut directement jeté dans le grand bain de la Premier League mais son passage au nord de l’Angleterre finit en eau de boudin.  » Sans être mauvais, il n’était pas terrible non plus « , ajoute Edwards.  » Il ne s’est jamais montré meilleur que les joueurs déjà présents dans le noyau. Finalement, il n’était pas l’homme qu’il fallait pour stabiliser la défense. Il a notamment commis quelques erreurs qui ont coûté des points précieux. Le football anglais est très physique et très rapide. Onyewu avait du répondant sur le plan physique grâce à son gabarit mais il ne se faisait pas assez respecter même si, à ce niveau-là, on voyait des améliorations au fil des matches. Ce qui lui manquait cruellement, c’était de la concentration. Il n’avait pas non plus assez la vision du jeu. Je suis certain que si on lui avait donné davantage de temps avant de le lancer dans le bain, il aurait pu s’adapter. Une nouvelle signature a toujours besoin d’un petit temps d’adaptation « .

Au bout de six mois : retour à l’expéditeur.  » Rapidement, le manager Roeder n’a plus cru en lui. Son sort était scellé et son prêt ne fut pas renouvelé. Et quand Roeder fut limogé, c’était trop tard pour revenir en arrière. Peut-être qu’avec Sam Allardyce, le remplaçant de Roeder, Onyewu aurait reçu une nouvelle chance « .

De cette malheureuse expérience, peut-on tirer comme conclusion que l’Américain avait vu trop grand ? Edwards :  » Je pense qu’Onyewu a le niveau de la Premier League. Peut-être pas celui d’un club du top mais certainement d’une formation plus modeste « .

Est-il à son meilleur niveau ?

C’est évidemment la question que tout le monde se pose.  » Je l’ai vu tous les jours à l’entraînement quand j’étais entraîneur adjoint. Et cette année, je l’ai régulièrement regardé depuis les tribunes « , explique l’entraîneur adjoint des Diables Rouges, Stéphane Demol.

 » Pour moi, il a un énorme potentiel physique mais j’ai l’impression que celui-ci pourrait être encore meilleur. Il a atteint un certain niveau mais il doit encore comprendre qu’il lui faut franchir un palier. Depuis trois, quatre ans, j’ai la sensation qu’il n’a plus beaucoup progressé. Pour la Belgique, c’est suffisant mais pour l’étranger, il doit réaliser beaucoup plus de bonnes prestations d’affilée. Il faut qu’il fasse l’effort, dans sa tête, de se dire qu’il a l’obligation de s’améliorer. Il doit en être conscient. Car pour un jeune joueur, c’est normal de se remettre en question. Ce serait dommage qu’il ait déjà atteint son maximum. Mais je me refuse à croire cette éventualité « .

Mais comment expliquer ce relâchement ?  » Son rêve anglais n’a pas vraiment bien tourné. Et les Américains ressentent très mal l’échec « , continue Demol.  » Ce n’est jamais facile de rebondir après un mauvais transfert. Mais arriver au sommet, ce n’est jamais facile non plus ! Sans doute a-t-il fourni beaucoup d’effort pour s’imposer dans le championnat belge lorsqu’il est arrivé mais il doit remettre l’ouvrage sur le métier et ne pas se laisser décourager « .

 » Il a eu l’immense mérite de se remettre en question après son échec à Metz. Je ne comprends pas pourquoi il n’agit pas de la même manière aujourd’hui. Il verse un peu dans l’autosatisfaction « , ajoute Pauwels.

Souffre-t-il d’un problème physique ?

Onyewu a récemment affirmé qu’il ne faisait plus de musculation. De là à perdre de la puissance musculaire ?  » On ne peut pas dire cela « , corrige le préparateur physique du Standard, Guy Namurois,  » Il a d’abord souffert d’une tendinite à l’épaule et s’est ensuite cassé un ligament au niveau du pouce. Il n’arrive toujours pas à réaliser le mouvement de pince entre le pouce et l’index. Il ne sait pas prendre le ballon à deux mains et c’est pour cette raison qu’on ne le voit plus faire les rentrées en jeu. Il a donc arrêté de soulever des barres lourdes mais il a toujours un programme musculaire. En dehors du stade, Gushi fait pas mal d’activités annexes de lui-même car les Américains ont cette culture de la musculation. Son potentiel physique demeure largement au-dessus de la moyenne. Il suffit de voir la musculature du haut de son corps « .

Pourtant, l’Américain semble moins souverain sur le terrain :  » C’est bizarre ce que vous me dites car à l’entraînement, comme il fait moins de musculation, je le trouve, ces derniers temps, plus mobile et plus agile. Ce n’est pas parce que cela ne se vérifie pas toujours en match qu’il faut croire qu’il est moins rapide qu’avant. Ce n’est certes pas un modèle de changement de direction mais il est très vif sur les 15 premiers mètres. On ne peut certainement pas constater de régression physique « , conclut Namurois.

Restera-t-il au Standard ?

D’un côté, on voit mal le Standard conserver un élément qui ne joue plus qu’à 50 % et qui n’a plus sa tête à Sclessin. D’un autre côté, le Standard ne va pas brader un élément qui peut rapporter gros, vu son potentiel et son âge.  » Il a prolongé son contrat d’un an avant de partir en Angleterre. Il est donc lié au Standard jusqu’en juin 2009 « , explique Dominique D’Onofrio, le directeur technique du club.  » Mais on connaît l’intérêt du joueur à viser plus haut. Or, le Standard n’a jamais mis de bâtons dans les roues de ceux qui souhaitaient partir. Onyewu a voulu goûter au championnat anglais et on a répondu à ses désirs « .

Mais Onyewu intéresse-t-il encore des clubs de standing ?  » Depuis qu’il est en Belgique, il a pris de l’ampleur. Il a progressé au point de devenir international américain et de participer à la Coupe du Monde en Allemagne. Comme celui de tout international, son nom va revenir dans le circuit lors du prochain mercato. De plus, il dispose d’un profil que beaucoup de clubs recherchent : un arrière central moderne au physique impressionnant et qui a pris de l’ampleur et de l’expérience au niveau international « .

Donc, le niveau d’Onyewu ne pénalisera pas le Standard lors de prochaines négociations.  » Cela reste un des cinq meilleurs stoppeurs de Belgique. On peut considérer depuis quelques mois qu’il vit sur ses acquis mais je reste persuadé qu’il a encore une énorme marge de progression « , analyse D’Onofrio.  » Dans notre tête, on n’envisage pas son départ mais on se doit d’anticiper. Cependant, on ne lâchera pas notre Américain n’importe quand ni comment. En août, on a refusé une offre de six millions pour Milan Jovanovic car on ne savait pas se retourner. Onyewu est un élément premier de notre effectif. Nous comptons sur lui « .

Dans l’ombre, on s’active déjà pour lui trouver un remplaçant et le nom du stoppeur de Lokeren, Joao Pinto Chaves a déjà été évoqué.

par stéphane vande velde

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