Le CUL dans l’eau

De la débâcle de Mouscron au match remis face à Anderlecht, la dernière semaine avant la trêve ne fut pas de tout repos.

Lorsqu’un pétrolier coule en pleine mer, les habitants de la côte se mobilisent pour nettoyer leur littoral souillé de galettes d’or noir. Une fois la journée terminée et la plage purifiée, les bénévoles savent qu’ils devront tout recommencer le lendemain lors du retour, avec la marée, des nappes pétrolifères. A Mons, un pétrolier a bien coulé il y a quelques mois. On a tenté de nettoyer une première fois le club gangrené par le licenciement de Sergio Brio. Mais on a oublié qu’il faudrait inlassablement rendosser le bleu de travail des mois durant pour effacer les stigmates de la crise.

Jos Daerden a repris les rênes du RAEC Mons mais il se rend compte, chaque jour, de l’ampleur de la tâche qui l’attend. Avec un bilan d’un point sur 24, il s’est demandé après la débâcle de Mouscron (5-1) s’il fallait continuer ou pas. Le club a désormais hérité de la lanterne rouge et attend avec impatience le mercato. Pourtant, avant la trêve, il fallait encore prester une semaine qui promettait d’être capitale puisque le dernier invité du stade Tondreau se nommait Anderlecht. Retour sur ce qui pouvait s’apparenter à un suspens sans nom mais qui devint une semaine à la fois rude, triste et qui n’a rien résolu avant la bataille du mercato.

Dimanche

Mons se déplace à Mouscron. Les Hurlus restent sur une probante victoire 6-0 face au Cercle Bruges mais demeurent encore quelque peu convalescents. Les Dragons offrent un visage séduisant lors de la première mi-temps marquée par le but d’ouverture de Nicolas Goussé. Jos Daerden avait une nouvelle fois modifié ses batteries avec le format de poche argentin Miguel Martin Cortes en soutien de la ligne d’attaque et avec un flanc gauche new look composé du Sénégalais Cheikh Gadiaga et Marco Ingrao. Dans le milieu du jeu, Hocine Chebaiki travaille sans relâche. La défense est bien en place et en front de bandière, Goussé décroche sans cesse, laissant souvent les flancs mouscronnois dans l’embarras. Pourtant, après le meilleur premier acte montois de la saison, les Dragons s’effondrent suite à l’égalisation de Gregory Lorenzi et encaissent cinq buts en 37 minutes. A la sortie des vestiaires, les mines sont renfrognées. L’entraîneur Jos Daerden encaisse le coup, refusant de livrer ses commentaires  » de peur de dire des conneries  » et se demande  » comment on peut s’écrouler de cette façon après avoir pris un but « .

Lors du trajet de retour, le silence est pesant et à quelques encablures du stade Tondreau, Daerden prend la parole en disant qu’il ferait passer le groupe avant son cas personnel et que si la démission pouvait constituer une solution, il y réfléchirait. Déjà abattus par ce qu’ils avaient vécu au fin fond du Hainaut occidental, les joueurs sont consternés par les propos de leur entraîneur. Pourtant, certains réagissent en se montrant solidaires avec le coach limbourgeois.

Dans la soirée, Daerden discute avec le président Dominique Leone et lui fait état de ses réflexions. Mais le président arrive à infléchir la décision de son entraîneur.

Lundi

Le groupe est encore un peu groggy à l’entraînement. Mais Jos Daerden est toujours là. Disparu le coup de blues. Les dirigeants gardent confiance en leur entraîneur et ce, malgré le bilan comptable inférieur à celui de son prédécesseur, démis de ses fonctions après cinq points sur 24. Depuis le match inaugural à Genk, où Mons avait pris un point, la besace hennuyère reste désespérément vide.

 » On peut prendre le meilleur entraîneur de la terre, il n’aurait pas pu expliquer ce qui s’est passé lors de la 2e mi-temps à Mouscron « , explique le capitaine Olivier Suray.  » La situation n’est pas comparable avec celle de l’ère Brio. Avec l’entraîneur italien, il existait un véritable problème relationnel. Je le dis en toute sincérité et sans hypocrisie, Daerden dispense les plus beaux entraînements de ma carrière. Maintenant, tout se joue dans nos têtes et il ne peut changer ce qui s’y trouve. Le noyau manque de qualités. On en est conscient mais le mental constitue également une qualité. Et pour évoluer en première division, il faut avoir du caractère « , rajoute Suray.

Mis à part Jos Daerden, personne au sein du cercle dirigeant ne semble accorder du crédit au noyau en place. Depuis plusieurs semaines, la stratégie du club s’élabore en fonction du mercato. Avec le risque, alors que le premier tour n’est pas encore terminé, de brûler mentalement certains joueurs indécis quant à leur futur.

 » On a encore commis une grosse erreur en écrivant des tartines (sic) sur le mercato « , analyse Suray.  » Pour former un groupe, cela ne facilite pas les choses. A Mouscron, on a senti que le groupe n’était pas soudé comme il l’aurait fallu. Mais quel groupe ne baisserait pas la tête après un tel bilan ? ».

Mardi

Comme Mons dispute son dernier match du premier tour vendredi, le jour de congé, ordinairement le mercredi, a été avancé d’un jour. Alain Lommers, le directeur général, en profite pour, une nouvelle fois, manifester la confiance du club envers Jos Daerden.  » Tout le monde était déçu, dimanche, après le déroulement du match, mais le coup de blues de l’entraîneur s’est vite dissipé. Il est là pour construire avec nous. Il n’avait pas d’objectif autre que celui de nous sauver à la fin de saison. Son contrat arrive à expiration fin juin et en cas de maintien, on renégociera avec lui une éventuelle prolongation. Il faut bien remettre son arrivée dans le contexte de l’époque. Personne ne voulait plus de Brio. Ni le staff, ni les joueurs, ni les sponsors, ni les supporters. Daerden a dû composer avec le noyau en place. Tactiquement, on se rend compte immédiatement qu’il possède une meilleure approche. Mais tout s’écroule à partir du moment où on encaisse « .

Comme tous les dirigeants, Lommers £uvre pour faire du mercato un marché animé en niant le fait que l’approche de cette échéance ait pu paralyser certains joueurs plus assez désirés.  » Un joueur doit être conscient de la situation. Ceux qui font partie du noyau A ont eu leur chance. Ils avaient tout en main pour forcer une place dans le onze de base. Le joueur doit se rendre compte que si on ne peut pas compter sur lui, on devra compter sur d’autres footballeurs « .

Le manager sportif, Geo Vanpyperzeele, confirme que de nombreux joueurs devront se trouver un nouvel acquéreur.  » Daerden ne pourra décemment pas entraîner un noyau de 30 éléments. La décision tombera après le match contre Anderlecht et le noyau devrait être réduit à 23-24 pions « .

Mercredi

L’entraînement se déroule à Havré sous l’£il des caméras de Be. tv Daerden renvoie les cameramen qui empiètent sur la surface de jeu. On peaufine les automatismes en jouant sur un quart de terrain et les contacts sont rugueux. A la fin de la séance, chacun s’en retourne vers les autos, laissant un seul joueur et l’entraîneur partir à la recherche des ballons manquants. Seul Goussé se propose d’aller les aider. Après le décrassage, tout le monde s’en va sans s’occuper du matériel, faisant dire à l’entraîneur adjoint Michel Wintacq  » que si on ne désignait pas quelqu’un, personne ne s’en occuperait « .

 » C’est difficile de continuer si dans les têtes, on n’y est pas « , commente Goussé à l’issue de l’entraînement.  » Il faut s’accrocher. Quand on voit ce dont on est capable, je me demande à quoi est due cette fragilité. Il faut être plus costaud dans la tête. Quand on prend un but, on a tendance à reculer. On n’arrive pas à sortir les ballons et il y a un grand trou au milieu de terrain. Cela ne m’est jamais arrivé d’avoir seulement six points à la trêve. On ne peut pas descendre plus bas. Il faut donc se lâcher par rapport à cela. Quand on monte sur le terrain, il faut se montrer. Si on ne veut pas le ballon et qu’on se cache, on déjoue. Tout le monde attend le début du second tour et le retour des équipes dites faciles. Mais il n’y a plus d’équipes faciles puisqu’elles se situent toutes au dessus de nous au classement « .

Jeudi

Jos Daerden décide en dernière minute de dispenser son entraînement au stade Tondreau. Après la partie tactique, tout le groupe foule ce qui reste d’herbe.  » On voulait se mettre en situation de match « , explique Suray.  » Et il faut bien admettre que notre terrain d’entraînement ne possède pas la dimension exacte « , ajoute Vanpyperzeele. En alourdissant le terrain sans l’admettre, la tactique consiste à le transformer en champ de patates pour rendre la tâche difficile pour les artistes anderlechtois.

Daerden essaie un schéma tactique inédit : une défense à trois avec deux ailiers supplémentaires (Marco Ingrao à gauche et Philippe Billy à droite). Jusqu’à présent, Daerden n’a jamais aligné la même formation. Seule l’attaque demeure immuable (avec Goussé et Aliyu Datti). Ni la défense, ni le milieu de terrain ne furent reproduits à l’identique deux fois d’affilée. La palme revient cependant au flanc gauche. Ainsi, Roberto Mirri, Marco Ingrao, Dieudonné Londo, Marco Casto et Olivier Suray ont été essayés au poste d’arrière gauche alors qu’un cran plus haut se sont succédé Hany Saïd, Hocine Chebaïki, Cheikh Gadiaga et Dieudonné Londo.

Par ailleurs, le club annonce la signature pour six mois de l’Argentin de 28 ans, Rodrigo Hernan Vilarino, un médian qui évoluait en D2 à Defensores Belgrano. Alors que les intentions étaient de ne plus acheter un chat dans un sac, personne ne semble connaître cette nouvelle acquisition.

 » Je ne le connais pas du tout « , explique Daerden.  » C’est le président qui l’a fait venir par une connaissance « . Vanpyperzeele, pourtant en charge de tous les dossiers sportifs, ne tient pas d’autre discours :  » C’est le président qui est à la base de ce dossier. Je ne peux pas vous en dire plus « . Lommers clarifie les choses en précisant que  » personne ne l’a vu jouer puisqu’il évolue en Argentine. Mais ce n’est pas un joueur sans contrat. Il disputait encore les rencontres voici peu de temps. Il nous a été proposé par le manager de Cortes et ce qu’on nous a donné avec le petit Argentin n’est pas négatif. On réfléchira avant d’effectuer chaque transfert mais sur sept-huit acquisitions, il s’agira de notre seul coup de c£ur « .

Pourtant, des voix s’étaient déjà élevées lors de l’achat du gardien français Cédric Berthelin qui constitue avec Marc Schaessens les premiers renforts hivernaux de l’Albert. Beaucoup se demandaient pourquoi investir dans un dernier rempart lorsque l’on en possédait déjà quatre sous contrat. Depuis lors, Daerden a expliqué qu’il lui fallait un gardien qui gagne des points, ce qu’il n’avait pas dans son noyau. Echaudés par de tels propos, Vincent Schmidt et Kris Van De Putte sont partis chercher fortune ailleurs, l’un retournant en Uruguay, l’autre trouvant refuge à Courtrai. Olivier Werner, pourtant impressionnant lors des entraînements, attend toujours sa chance alors qu’ Ivan Willockx tente de faire abstraction de toutes ces considérations.  » On m’a expliqué que quand Berthelin sera qualifié, c’est lui qui jouera. Dans ce contexte-là, ce n’est pas évident de se concentrer mais je préfère que l’on soit honnête avec moi « , raconte Willockx,  » On ne peut pas vraiment dire que j’ai vraiment eu ma chance cette saison puisque je me retrouve dans les buts seulement à la suite de circonstances spéciales. Dès le début, Daerden m’a dit que si quelqu’un voulait s’attacher mes services, je pouvais partir. Et il me le répète après chaque match « .

Vendredi

Le labourage par les crampons des joueurs le jour précédent ainsi que les trombes d’eau de la journée ont eu raison du terrain. A 18 h, l’arbitre Frank De Bleeckere décide de la remise.  » Avec le vent, la tempête et l’eau, on aurait pu trouver des alliés face à la technique des Anderlechtois « , analyse Vanpyperzeele. De plus, lorsque le match sera rejoué, le club montois ne pourra aligner que les joueurs qualifiés ce vendredi. Pas question donc de disputer cette partie avec tous les renforts du mercato. Une tuile qui pourrait sauver certains joueurs jugés trop vite inutiles.

Samedi

Les joueurs sont en vacances. Partagés entre le soulagement de ne pas avoir connu une nouvelle désillusion face à un adversaire revenu à son plus haut niveau et la déception d’aborder les fêtes dans cette position de lanterne rouge. L’occasion de voir certains visages sans doute pour la dernière fois. Ange Kouyo, Amadou Touré et Akin dos Santos doivent en effet se trouver un nouvel employeur.

Stéphane Vande Velde

 » Quand on monte sur le terrain, il faut se montrer. SI ON SE CACHE, on déjoue  » Nicolas Goussé

 » On a encore commis une grosse erreur en écrivant DES TARTINES SUR LE MERCATO  » Olivier Suray

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