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Björn Engels, nouveau patron défensif de l’Antwerp: « La Premier League est un championnat où on fait tout pour toi »

Après quatre ans d’exil, Björn Engels est de retour. Plus adulte. Plus fort. Plus rapide. Entretien avec l’homme qui doit devenir le nouveau patron de la défense de l’Antwerp.

Les Pays-Bas restent une destination prisée par les clubs belges et d’ailleurs pour leur préparation estivale. Après quelques escapades en Allemagne, l’Antwerp a également succombé à cette mode et y a planté sa tente. Des hôtels au calme, des bois, de la verdure, beaucoup d’oxygène, un terrain d’entraînement à deux pas, rien de tel comme décor. C’est donc à Horst que Brian Priske, le nouvel entraîneur, fait découvrir ses méthodes.

La séance collective de la première journée se fait sans les derniers transferts. On attend encore Michel-Ange Balikwisha, arrivé du Standard au bout d’un long soap. Björn Engels, venu d’Aston Villa, et Jelle Bataille, transféré d’Ostende, travaillent en salle. « Je ne m’attendais vraiment pas à ce que ça aille si vite », commence Engels. « Je reviens juste de vacances, alors s’entraîner à fond dès le premier jour du stage, ça n’aurait pas été une bonne idée. Donc je retrouve tranquillement la condition et je me joindrai au groupe à partir de la semaine prochaine. »

J’ai l’impression que tu as pris de la carrure!

BJORN ENGELS: Tu n’es pas le premier qui me dit ça (Il rigole). Je suis plus large et plus fort, je crois. Ça ne se voit pas bien parce que j’ai un pantalon, mais c’est surtout le haut de mes cuisses qui a pris. Le dessus du corps un peu aussi.

On attend que tu deviennes le boss de la défense.

ENGELS: C’est ce que tout le monde dit, oui. Et c’est le but, effectivement. J’ai joué quatre ans à l’étranger et j’ai tout vu. Des choses positives, des choses négatives aussi. Je reviens en Belgique avec cette expérience. Quand j’étais à Bruges, j’ai prouvé ce que j’étais capable de faire dans ce championnat. Je veux prolonger sur ma lancée en prenant un nouveau départ avec l’Antwerp.

Revenir, ça a été une décision difficile à prendre?

ENGELS: Je ne dirais pas qu’elle a été très difficile, vu le contexte familial. J’ai deux enfants en bas âge, l’aîné doit entrer à l’école. On s’est demandé si c’était le bon moment pour un retour. Soit il commençait l’école en Belgique, soit il le faisait en Angleterre, avec le risque que ce soit difficile pour lui plus tard, quand on serait revenus. J’étais heureux en Angleterre. La seule chose qui me manquait, c’étaient les matches. Et je ne vais pas te mentir, ça a facilité ma décision. Si tu joues tous les matches, ça ne te vient pas à l’idée de rentrer.

« À Reims, j’étais dans un fauteuil »

Qu’est-ce que tu as appris pendant tes deux années en Angleterre?

ENGELS: La Premier League est un championnat où on fait tout pour toi. Ce n’est même pas normal. J’y suis devenu plus adulte. Ce n’est pas un reproche, mais en revenant ici, je dois me réadapter à certaines petites règles. Pas de GSM, pas de ceci, pas de cela. En Angleterre, il faut se tenir à des règles générales, mais ça ne les embête pas si tu es au téléphone. Freedom. Et puis le football… J’ai découvert le sport pour lequel j’étais allé dans ce pays. Là-bas, on ne lève jamais le pied et aucun match n’est facile. Chaque joueur a des qualités exceptionnelles. Il est soit super costaud, soit super rapide, soit super bon dans les duels aériens. Et il n’y a aucun domaine dans lequel il n’est pas bon. Je ne pensais pas que je pourrais jouer directement, mais ça a été le cas pendant la première saison. Je me souviendrai toujours de mes débuts, à Tottenham. Directement, ça y allait fort. Alors, il faut plus de temps pour récupérer. Généralement, tu as du mal le lendemain d’un match, tu es encore un peu raide le jour suivant puis tu es de nouveau au top le troisième jour. Là-bas, non. En tout cas pas au début.

Quand j’étais à Bruges, j’ai prouvé ce que j’étais capable de faire dans ce championnat. » Bjorn Engels

Tu avais fait une saison complète en France avec Reims avant d’aller à Aston Villa, ça n’avait pas suffi comme phase de transition?

ENGELS: La Ligue 1, c’est déjà costaud au niveau physique. Mais on se dépense encore beaucoup plus en Angleterre. Avec Reims, c’était surtout tactique et l’équipe jouait plus bas que ce que j’avais connu avec Bruges et l’Olympiacos. À Reims, on avait un bloc bas et on essayait de surgir en contre-attaque. C’était plus facile, j’étais dans un fauteuil. À Villa, c’était complètement différent. L’entraîneur nous demandait de jouer haut et de faire le pressing. C’était un jeu sans répit, ça allait de l’arrière à l’avant et vice-versa, et ça allait beaucoup plus vite.

« En Angleterre, tous les joueurs sont des ours »

Tu as deux ex-coéquipiers qui font un carton à l’EURO: Mings et Grealish.

ENGELS: Mings, c’est un ours, il est incroyable. En fait, tous les joueurs là-bas sont des ours. Pendant la préparation, on faisait des séances collectives à la muscu, puis une fois que le championnat avait commencé, on travaillait moins le physique et chaque joueur pouvait aller de lui-même à la salle. Si tu veux devenir plus fort ou travailler une partie spécifique de ton corps, tu dois en parler à l’entraîneur et tu fais un programme avec lui. Moi, je voulais améliorer ma vitesse parce que ma façon de pivoter et ma vitesse ont toujours été des points à travailler. J’ai fait des entraînements pour renforcer le haut de mes cuisses, pour gagner en explosivité.

Grealish était au-dessus du lot?

ENGELS: Ce qu’il faisait à l’entraînement, ce n’était pas normal. C’est le meilleur coéquipier de ma carrière. Avec lui, tout était facile. Et c’est aussi un monument de Villa, il a grandi là-bas, il était supporter comme toute sa famille.

Qu’est-ce qu’il fait encore à Birmingham?

ENGELS: Il a le meilleur contrat du noyau, mais je comprends qu’il va un jour avoir envie de gagner des trophées, alors là il devra faire un choix et aller plus haut. Il n’a pas énormément joué à l’EURO, mais il a chaque fois fait la différence. Les grands clubs sont sur lui, il ira à City ou à United.

Tu n’as pas joué pendant ta deuxième saison. C’était quoi le problème?

ENGELS: La malchance, en fait. Deux jours avant le premier match de la saison, je me suis déchiré le quadriceps et j’ai été out pendant quatre ou cinq semaines. La préparation avait été corsée et en tirant au but, j’ai senti qu’il y avait un problème. L’équipe a bien commencé, elle a joué la tête du classement, et moi j’ai directement compris que ça n’allait pas être simple. J’ai peut-être repris un peu trop vite et je me suis refait la même blessure au même endroit. Ça a duré moins longtemps que la première fois, mais j’étais condamné à courir derrière les événements. En plus de ça, personne d’autre ne s’est blessé ou n’a été suspendu en défense centrale, ça n’arrive pratiquement jamais. Quand mes concurrents sont bons à ce point-là, je suis le premier à dire que je n’ai rien à réclamer. Et donc, j’étais condamné à bien m’entraîner, à m’installer sur le banc et à attendre. Normalement, dans ce cas-là, tu vises les matches de coupes parce que le coach y donne du temps de jeu à d’autres joueurs. Mais on a été éliminés de la League Cup au premier tour. À ce moment-là, j’étais blessé. Je devais donc attendre la FA Cup, mais on a tiré Liverpool. L’entraîneur m’a dit que j’allais commencer. J’étais excité, mais avant le match, on a eu trois ou quatre joueurs positifs au Covid. Il y a eu un nouveau test pour tout le monde le lendemain, et là, il y avait treize joueurs positifs et dix membres du staff. On a dû se mettre en quarantaine pendant deux semaines et nos Espoirs ont affronté Liverpool. Encore une occasion perdue pour moi. Je n’étais pas contaminé, mais j’avais évidemment été en contact avec des positifs et j’ai dû m’enfermer deux semaines à la maison. Là, tu te rends compte que ça va être une saison vraiment compliquée.

Tu n’es pas le premier à me dire que j’ai pris de la carrure… » Bjorn Engels

« Je ne jouais pas, je ne voyais pas mes amis, pas ma famille »

Ce qui est embêtant avec le championnat d’Angleterre, c’est qu’il n’y a pas de matches d’équipes réserves.

ENGELS: J’ai joué un match, mais ça ne vaut pas le coup, ce sont plus des matches d’équipes d’âge. C’est pour les U20 et trois joueurs plus âgés peuvent être alignés. Ce jour-là, dans notre équipe, il y avait aussi Wesley qui revenait d’une blessure au genou. C’est effectivement un problème de la Premier League, tu t’entraînes avec le noyau, puis tu dois te contenter de t’installer sur le banc, donc tu n’as aucun rythme. Tu te demandes parfois comment ça risque de se passer si tu dois monter subitement. Je n’avais pas peur mais j’y pensais.

Quels ont été les effets du confinement sur ta vie?

ENGELS: Pendant ma première saison, je me sentais très bien en Angleterre. Mais le Covid a tout foutu en l’air. Ma famille a encore pu venir une fois, pour Noël. Alors qu’avant ça, elle venait tous les quinze jours, pour nos matches à domicile, et aussi souvent à Londres vu qu’on jouait beaucoup de matches en déplacement là-bas. Pendant des mois, je n’ai plus vu personne. Ma fille est née en janvier et la famille l’a vue pour la première fois en mai. Mentalement, c’est difficile. On avait reçu des consignes claires du club: après l’entraînement, on devait directement rentrer à la maison. On devait avoir le moins possible de contacts. La priorité des priorités était que le championnat puisse continuer. En résumé, je ne jouais pas, je ne voyais pas mes amis, pas ma famille et je pouvais à peine quitter mes quatre murs. Pourquoi j’ai toujours rêvé de l’Angleterre? Pour l’ambiance dans les stades. Ça te procure une adrénaline incroyable. Là, j’étais condamné au banc et c’était mort.

Björn Engels:
Björn Engels: « En Grèce, tu as l’impression d’être en vacances pendant tout l’été. »© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Tu as pu profiter de la Grèce?

ENGELS: Oui, quand même. J’ai joué de bons matches en Ligue des Champions et j’ai été bon aussi en championnat. Mais le club n’arrêtait pas de changer d’entraîneur. J’en ai eu cinq en tout. D’abord Besnik Hasi, puis deux Grecs, un Espagnol, un Portugais. Ils amenaient tous leurs joueurs et je jouais donc un peu moins. Là, j’ai demandé à mon agent de me trouver autre chose.

Tu avais l’impression d’être en permanence en vacances à Athènes?

ENGELS: Il y a un peu de ça, surtout en été. Quand il fait quarante degrés, tu es libre toute la journée, tu ne t’entraînes que le soir, de 20 heures à 21h30, jusqu’à 22 heures pendant la préparation. En journée, les joueurs allaient à la plage. On ne pouvait de toute façon pas faire grand-chose d’autre. Il faisait très chaud dans les maisons, donc on cherchait un peu de fraîcheur. À certains moments, j’ai eu l’impression d’être en vacances, c’est vrai. On s’entraînait, mais c’était à la fin d’une journée libre.

« Reims, je ne le sentais pas au départ »

Pourquoi tu es parti à Reims? Pour le champagne?

ENGELS: Je ne suis pas fan de champagne, désolé… J’avais plusieurs possibilités et, je dois être honnête, je n’avais pas envie d’aller à Reims au début. Le championnat de France ne m’avait jamais vraiment intéressé. Je ne parle pas un mot de français et je me disais que ce n’était pas pour moi. Mais l’entraîneur et le patron de Reims me voulaient absolument et ils n’arrêtaient pas de m’envoyer des messages. Ils me demandaient d’aller voir sur place, ils me disaient d’aller voir un match, que ça ne m’engagerait à rien. Finalement, j’y suis allé pour un match contre Lyon, un match que Reims a gagné. On y est restés un week-end, on a mangé en ville, ils m’ont fait visiter le complexe, la région, et j’ai eu un très bon feeling par rapport aux gens et au club. On a réfléchi et j’ai fini par signer. Je me suis senti très bien là-bas pendant un an. L’avantage, c’est que l’entraîneur était un ancien défenseur central. J’avais sous-estimé la Ligue 1, c’est un très bon championnat. Il y a des nouveaux stades partout. Lille, Marseille, Lyon, Bordeaux, Montpellier, j’ai beaucoup aimé. On a eu la troisième meilleure défense derrière le PSG et Lille, c’était tout bon pour un nouveau joueur. En qualités pures, on n’avait pas la meilleure équipe, mais l’esprit de groupe était très fort.

En Angleterre, il faut se tenir à des règles générales, mais ça ne les embête pas si tu es au téléphone. Freedom. » Björn Engels

Au final, ta carrière à l’étranger t’a apporté ce que tu espérais?

ENGELS: J’avoue que je ne m’attendais pas à me retrouver en Grèce et en France. Mais en passant par ces étapes, j’ai réalisé mon rêve qui était de jouer en Premier League. Si je devais revenir en arrière, je n’irais sans doute plus à l’Olympiacos. En même temps, j’ai beaucoup appris de cette expérience. Finalement, le niveau de l’équipe était intéressant. C’était beaucoup moins bon dans les petits clubs grecs. Les stades, les vestiaires, c’était catastrophique. Par contre, les derbies et les matches de Ligue des Champions, je prends. J’ai fait une très bonne saison en France, j’ai tout joué et ça m’a permis d’aller en Angleterre. Là-bas, la première saison a été bonne, la deuxième catastrophique. Mais assez parlé du passé. Je regarde vers le futur désormais.

Tu as 27 ans, tu n’es pas sûr de pouvoir repartir.

ENGELS: Il ne faut jamais dire jamais. Mais ce n’est pas mon ambition. Je veux me focaliser sur l’Antwerp, jouer le plus vite possible et essayer de devenir important. Et regarder vers le haut.

Tu seras prêt pour le début du championnat?

ENGELS: Je n’ai pas joué pendant un an, j’en suis conscient. J’ai encore besoin d’un peu de temps pour retrouver le rythme. Il y aura aussi des matches européens au mois d’août, il s’agira de gérer, de ne pas tout donner trop vite. La saison va être super longue. Mais mon envie est très grande, je suis positif.

Björn Engels, nouveau patron défensif de l'Antwerp:
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Le top 5 de ses adversaires

Björn Engels a affronté du beau monde, des attaquants du plus haut niveau mondial. On lui a demandé de composer son classement.

1. LionelMessi

Neymar
Neymar© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Il ne venait pas souvent dans ma zone parce qu’il se repliait régulièrement dans l’entrejeu, mais tout ce qu’il faisait… Plusieurs fois, je me suis dit que j’étais bien dans mon match et qu’il pouvait venir. Mais il passait le ballon par la gauche, par la droite, ou il me faisait un petit pont. Il voyait des choses que je ne voyais pas.

2. Neymar

Il venait plus dans mon secteur. La façon dont il provoque, je trouve ça beau. C’est super d’aller au duel avec lui.

Jamie Vardy
Jamie Vardy© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

3. HarryKane

Lionel Messi
Lionel Messi© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

C’est un attaquant difficile. Tu as l’impression que tu le contrôles mais si tu lui donnes un seul petit moment pour tirer, il en profite. Pour moi, il symbolise la Premier League. La qualité est incroyable, Kane n’a besoin que d’une fraction de seconde, il est toujours au bon endroit et il sait tout faire: jouer de la tête au premier ou au deuxième poteau, tenter sa chance au but de n’importe quelle position.

4. SergioAgüero

Harry Kane
Harry Kane© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

5. Jamie Vardy

Sergio Agüero
Sergio Agüero© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Je n’aimais pas jouer contre lui. J’en ai déjà parlé ici avec Ritchie De Laet. Vardy était toujours à la limite, c’est un attaquant emmerdant. Et il est super rapide. Et ce que je détestais, c’est qu’avec lui, quand on avait le ballon, on ne pouvait jamais construire. Il te rentrait dedans, il taclait. C’était fou. Un Kane et un Agüero te laissent jouer au foot quand tu es en possession. Entre-temps, j’ai compris que le foot moderne consistait aussi à presser sur les défenseurs. Mais la façon dont Vardy le faisait, c’était dingue.

« L’EURO était le dernier de mes soucis »

Il y avait déjà eu des contacts avec l’Antwerp en janvier. Je croyais que tu allais rentrer à ce moment-là parce qu’il y avait l’EURO en ligne de mire.

BJORN ENGELS: Non, l’EURO était le dernier de mes soucis. Je voulais surtout rejouer. Mais à ce moment-là, j’estimais qu’un retour en Belgique n’aurait pas été une bonne chose. Je ne suis pas fan des transferts en janvier. D’accord, j’avais une possibilité pour revenir en Belgique, mais je ne le sentais pas parce que je ne voulais pas tout chambouler au milieu d’une saison. J’aurais dû gérer un déménagement et m’adapter à un nouveau club. Je me suis dit que si les gens de l’Antwerp étaient intéressés en janvier, ils le seraient encore en fin de saison. Et en effet, tout est allé très vite à la fin du championnat. Dès la première semaine de vacances, j’ai rencontré Sven Jaecques et le président. Ils ont été très convaincants, ils m’ont expliqué où ils voulaient en venir. Ils m’ont dit que je ne serais pas le seul transfert, qu’ils allaient encore faire venir d’autres bons joueurs. Il y a beaucoup d’ambition ici.

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