Le coup de fil de Keshi

C’était en 1985. Une époque où Foot Magazine était encore un mensuel. Une époque aussi où le film Out of Africa faisait un tabac. Vu la mode naissante aux joueurs de ce continent, au sein de notre football, on s’était dit, à la rédaction, que ce serait sympa de réaliser un reportage en 3 volets sur les footballeurs africains. Le premier concernerait le repérage de tous ces talents sur place, le deuxième leur intégration en Belgique et le troisième, l’exemple concret du succès de l’un d’entre eux, symbolisé par le Sénégalais JulesBocandé qui, après être passé par le FC Seraing et Metz, venait alors d’être transféré au PSG.

Dans le cadre du deuxième reportage, j’avais rencontré le défenseur nigérian Stephen Keshi, actif à Lokeren à ce moment-là. Considéré comme l’un des meilleurs arrières africains, celui-ci ne comprenait pas pourquoi il était snobé à Daknam par l’entraîneur, Aimé Anthuenis. Pour l’encourager, je lui avais conseillé de persévérer, convaincu qu’il finirait bien par obtenir sa chance un jour. Le hasard a voulu qu’après la publication du reportage, l’intéressé a eu droit à ses premières minutes de jeu avec les Waeslandiens en déplacement à Beveren. Et qu’il s’était montré à ce point souverain, cette fois-là, qu’il n’allait plus quitter l’équipe. Après coup, je m’étais d’ailleurs empressé de lui passer un petit coup de fil pour le féliciter.

En juin, le téléphone sonne un beau jour chez moi à 1 h 30 du matin. C’est le genre d’appel où, vu l’heure, on s’attend inévitablement au pire. Eh bien non, c’est le Kesh qui m’annonce qu’il vient d’être transféré à Anderlecht. Et qui tient à me remercier personnellement pour être intervenu en sa faveur. J’ai eu beau lui expliquer que je n’y étais pour rien, et que c’était son talent seul qui expliquait cette belle mutation, pour lui, j’étais classé à jamais comme ami. Ce qui n’était pas peu dire, croyez-moi. Grâce à lui, bon nombre de portes se sont ouvertes pour moi. Non seulement avec d’autres Nigérians, débarqués ultérieurement chez nous, tels Daniel Amokachi ou Victor Ikpeba. Mais aussi avec d’autres représentants du foot africain.

En 1992, à l’occasion de la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations, au Sénégal, l’ami Kesh avait ainsi obtenu que je puisse loger avec la délégation nigériane à l’hôtel Diarama à Dakar. Comme l’infrastructure hôtelière était limitée, en ce temps-là, dans la capitale, d’autres sélections, et non des moindres, y séjournaient. Comme la Zambie de Bwalya Kalusha, le Cameroun de Roger Milla ainsi que le Ghana cher à Abedi Pelé. Inutile de dire que, dans la corporation des journalistes, j’avais fait pas mal d’envieux sur ce coup-là. Merci Kesh ! C’était bien à mon tour de te renvoyer l’ascenseur un jour…

PAR BRUNO GOVERS

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