Le concurrent

Le jeune défenseur français doit apporter plus de stabilité à la défense et être difficile à déraciner.

J érémy Sapina, 22 ans, arrivé de Nancy, était sur le banc lors du match inaugural face à La Gantoise, mais a été titularisé lors de la deuxième journée de compétition au Staaienveld où il a, d’emblée, fait forte impression.  » En fait, je m’étais occasionné une entorse juste avant le début de championnat « , explique-t-il.  » Je n’étais pas totalement rétabli pour la venue de Gand et j’avais déjà été étonné d’être appelé sur le banc. Le coach a fait ses choix, il en a fait d’autres pour le deuxième match et je suis persuadé qu’il lui arrivera encore de modifier ses batteries à l’avenir. Rien n’est acquis, qu’on se le dise « .

Marc Brys avait effectivement remanié sa défense pour le deuxième match de championnat. Parce qu’elle avait pris l’eau ou parce que l’état des blessés l’exigeait ? Un peu des deux, sans doute. Daan Van Gijseghem était toujours handicapé par un hématome au pied, Alexandre Teklak avait été relégué sur le banc et l’Espagnol Berna, opéré du tendon d’Achille en mars, n’était pas encore tout à fait opérationnel. Lorsque ce sera le cas, la concurrence sera rude en défense centrale. Cela vaut d’ailleurs également pour les autres secteurs de jeu. Certains voient dans cet effectif pléthorique une future source de problèmes pour Brys, dont les choix provoqueront immanquablement des grincements de dents.  » Mais il vaut mieux être confronté à ce problème-là qu’au problème inverse : la concurrence fait partie du football, et lorsqu’elle est saine, ne peut faire que du bien « , estime Sapina.

40 % le terrain, 60 % la tête

Sapina s’est d’emblée senti chez lui au Canonnier :  » J’ai directement senti une équipe soudée. Sur le terrain, nous sommes des travailleurs. Autant on peut déconner entre deux entraînements, lorsque les circonstances s’y prêtent, autant on retrouve le sérieux lorsque l’heure est au travail. Le premier match fut, je pense, une… erreur. Cette lourde défaite contre La Gantoise nous a fait mal. Mais elle fut peut-être salutaire. Elle nous a obligés à nous remettre en question. A Saint-Trond, on a davantage montré notre vrai visage. Le groupe avait à c£ur de se ressaisir et on s’est serré les coudes. Cela dit, cette belle réaction demande évidemment confirmation : le championnat est une remise en question permanente « .

Tout en restant modeste, Sapina est satisfait de son entrée en matière :  » Cela fait plaisir d’entendre des commentaires positifs, mais ce n’est qu’un début. Ce que je pense pouvoir apporter ? Sur le plan sportif, sans doute mes qualités physiques et mon placement, qui constituent mes points forts. Sur le plan extra-sportif, on verra dans quelques semaines ou quelques mois, en fonction de mon évolution. Je ne vais pas, d’emblée, m’ériger en leader. Cela pourrait, peut-être, devenir mon rôle à l’avenir. Pour l’instant, d’autres joueurs sont plus aptes que moi à le remplir. Je songe, en particulier, aux anciens Geoffray Toyes et Steve Dugardein. Lorsque je me serai davantage affirmé dans l’équipe, et que je sentirai la confiance de mes partenaires autour de moi, j’endosserai sans doute des responsabilités. Je suis prêt à les assumer, c’est dans mon tempérament. A Nancy, j’étais le capitaine de l’équipe Réserve. Je n’ai jamais hésité à donner des conseils. A Mouscron, il est encore tôt. Je viens à peine de débarquer « .

Sapina voit néanmoins plus loin que les limites du terrain.  » L’extra-sportif est très important « , estime-t-il.  » La réussite d’une carrière de footballeur dépend à 40 % de ce qu’il montre sur le terrain et à 60 % de ce qu’il cogite. En France, on voit beaucoup de joueurs sortis de CFA qui parviennent à accrocher une place en Ligue 1, grâce à leur volonté de ne rien lâcher et à leur capacité à résister à la pression. Le mental joue un rôle essentiel. Dans les centres de formation, en France, on nous parle beaucoup de cela. En ce qui me concerne, je sais d’où je viens et je pense avoir déjà acquis une certaine maturité qui me permet de faire face à cette situation « .

Lyon, Louhans et Nancy : une formation en trois étapes

A Saint-André-de-Corcy, une petite localité de l’Ain, au nord de Lyon, son père fut son premier entraîneur :  » Il n’a pas été joueur, mais il m’a néanmoins appris beaucoup de choses. Là où d’autres effectuaient des frappes au but, il me faisait jongler avec le ballon lorsque je rentrais à la maison « .

A 9 ans, Jérémy est parti à l’Olympique Lyonnais :  » Mais j’étais encore très petit. En France, à cet âge-là, on insiste déjà beaucoup sur la coordination neuromusculaire et à la compréhension du geste. Je suis resté à l’OL jusqu’en -13 ans. Pas mal de joueurs que j’ai côtoyés sont devenus pros, mais à un niveau moins élevé. Je faisais partie d’une génération intermédiaire : la grosse équipe, emmenée par SidneyGovou, était plus âgée, alors que les nouveaux talents comme KarimBenzema et HatemBen Arfa sont plus jeunes « .

Ensuite, direction Louhans-Cuiseaux :  » Un club de Ligue 2 qui, malheureusement, a coulé. C’est là que j’ai reçu l’essentiel de ma formation, que je me suis émancipé, que j’ai dû me plier aux règles. On avait chacun sa chambre, on mangeait tous les jours à la même heure. La discipline était de rigueur. C’est là, aussi, que j’ai commencé à jouer des matches importants et que j’ai commencé à être sollicité par des agents, par des clubs « .

A 17 ans et demi, direction l’AS Nancy-Lorraine :  » L’entrée dans l’âge adulte, en quelque sorte. Même si, dans un premier temps, j’ai intégré l’équipe des -18 ans. J’y ai côtoyé un international Espoir portugais, qui joue aujourd’hui au PSV Eindhoven et qui est devenu un bon copain : Manuel Da Costa. A cet âge-là, on sent qu’on pénètre dans un autre monde. Un monde où la concurrence fait rage, même si on y a déjà été confronté avant. On se rend compte que le copain qu’on côtoie est bien gentil, mais qu’il n’hésitera pas à prendre votre place s’il en a l’occasion. Il faut donc être fort. J’ai signé mon premier contrat pro à 20 ans. Depuis mon plus jeune âge, on n’a jamais cessé de me répéter que c’était le contrat le plus important. Que les contrats que l’on avait signés avant n’étaient, somme toute, qu’accessoires. J’ai signé pour trois ans, je suis resté deux ans. Avec quelques apparitions en équipe Première, mais souvent en équipe Réserve « .

Retrouvailles avec Toyes

Qu’est-ce qui a amené Jérémy à Mouscron ?  » C’est simple : l’envie de connaître autre chose qu’une équipe Réserve. Il me restait une année de contrat, mais la concurrence est très rude à Nancy. J’ai souffert d’une entorse, qui m’a embêté à un moment où l’on commençait à me faire confiance. Mouscron est venu me voir à deux ou trois reprises. Le club cherchait, apparemment, un défenseur et mes prestations furent convaincantes. J’avais également quelques touches aux Pays-Bas, mais lorsque j’ai découvert le Canonnier, je suis tombé sous le charme. Les infrastructures étaient de qualité, les gens étaient sympas. Je ne regrette pas mon choix « .

Sapina ne débarquait pas totalement dans l’inconnu :  » Lorsqu’on est footballeur, on s’intéresse à son sport, y compris aux clubs étrangers. On feuillette des magazines, on se tient informé. Alors, bien sûr, j’avais déjà entendu parler de Mouscron, même si ce n’est pas le club le plus médiatisé. Je me souviens avoir affronté Anderlecht au Parc des Princes avec Lyon, lors d’un tournoi de Benjamins, alors que j’étais tout petit. C’est un souvenir qui m’est toujours resté en mémoire, car Anderlecht est un grand club. Aujourd’hui, beaucoup de joueurs français ont pris la direction de la Belgique et je retrouve, forcément, des garçons que j’ai affrontés lorsque j’étais plus jeune : MickaëlNiçoise, FrançoisZoko ou JulienGorius « .

Sapina a même retrouvé, sous le maillot de l’Excel, une vieille connaissance avec laquelle il forme désormais l’axe de la défense :  » Eh oui : j’ai joué avec Toyes à Nancy, il y a trois ans, juste avant son départ pour La Louvière ! Le monde du football est petit. J’espère qu’on va former une bonne paire. C’est important, lorsqu’on est encore jeune, d’avoir un joueur expérimenté à ses côtes. Geoffray parle beaucoup, il rassure. Lorsque je suis arrivé, j’avais presque l’impression qu’il… m’attendait « .

par daniel devos – photos: reporters

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