Le cogneur de l’Albert

Le Gambien a été assez présent dans les journaux depuis son arrivée en Belgique, en 2006. Il rebondit sur ce qui a été écrit à son sujet.

La semaine dernière, les Montois étaient en stage à 3 minutes du parc d’attractions Bobbejaanland, mais ce n’était pas de la rigolade. Philippe Saint-Jean a mis le turbo, le rythme de travail était plus que soutenu et les mines paraissaient fatiguées.  » C’est long et c’est dur « , signale le coach.  » Tout le monde souffre. Mais c’est comme ça dans tous les clubs à ce stade de la préparation et cela se remarque d’ailleurs dans les résultats de certains matches amicaux : des équipes de D1 se font battre par des clubs de divisions inférieures « .

Il y a eu pas mal de mouvement dans le noyau de Mons depuis la fin du dernier championnat. Parmi les nouveaux venus, Mustapha Jarju (22 ans). Attaquant. Buteur. Gambien. Arrivé du Lierse.  » Beaucoup de qualités et une palette complète « , signale Saint-Jean.  » Pied droit, pied gauche, jeu de tête, vitesse, buts, assists, centres, intelligence, bon sens tactique, excellente mentalité. Le défi sera de l’amener le plus vite possible à la réalité de la D1. Il y a déjà goûté lors de sa première saison au Lierse, mais il sort d’une année de D2 « . Pour faciliter l’intégration de Jarju, l’entraîneur utilise une formule bien à lui : le parrainage. Il faisait déjà cela à Mouscron et à Tubize : un joueur qui débarque passe sous l’aile d’un ancien qui est censé le mettre au plus vite dans le bain. C’est Hocine Ragued qui a été désigné pour parrainer le Gambien.

Jarju n’est en Belgique que depuis l’été 2006. En deux saisons avec le Lierse (D1 puis D2), il a bien frappé : 26 buts. On l’a applaudi là-bas, il a été convoité ici et à l’étranger, les journaux ont régulièrement parlé de lui. Qu’a-t-on écrit à son sujet ? Qu’en pense-t-il ? Embarquons pour la revue de presse de Mustapha.

Gambie, petit frère du Sénégal

Depuis hier, les Gambiens Mustapha Jarju et Assan Jatta s’entraînent avec le Lierse. Jarju est un médian de 20 ans, international Espoir. Jatta est un attaquant de 22 ans, international A. Ils viennent tous les deux du club de Steve Biko. Le Lierse envisage de leur offrir un contrat d’une saison. (Juillet 2006).

La Gambie est un pays de foot ?

Mustapha Jarju : C’est le sport numéro 1 là-bas. Le président est complètement fou de football. Tous les Gambiens sont très fiers de leur équipe nationale même si elle n’a encore rien réussi de valable. Nous ne sommes jamais allés à la Coupe d’Afrique des Nations, c’est trop haut pour nous. Mais en ce moment, nous réalisons un bon parcours éliminatoire pour le Mondial 2010 : nous sommes toujours dans la roue du Sénégal et de l’Algérie. Moi, j’étais habitué des sélections nationales chez les jeunes. Depuis l’année dernière, je suis international A. Aussi bien politiquement que sur le plan sportif, nous sommes condamnés à vivre dans l’ombre de notre puissant voisin : le Sénégal. Les Gambiens se considèrent comme les petits frères des Sénégalais. Nous avons le même dialecte, la même mentalité. Cela se passe très bien, la région est calme et la Gambie ne connaît pas la guerre.

De quel genre de milieu provenez-vous ?

J’ai trois frères et une s£ur. Mon père était manager dans un hôtel. En 1996, il est subitement décédé dans son sommeil. La veille, il était encore en pleine forme. J’avais 10 ans. C’est la vie, c’est le destin, il a fallu faire avec. I kept on fighting.

Steve Biko, c’est un grand club ?

Un des plus grands du pays, mais pas le plus titré. C’est Wallidan qui a gagné le plus de titres : j’ai été formé là-bas, ce club m’a lancé en D1 gambienne et m’a permis de jouer des matches de la Ligue des Champions africaine.

Comment vous êtes-vous retrouvé au Lierse ?

Steve Biko avait des contacts avec un Belge qui cherchait des joueurs en Afrique. J’ai d’abord passé des tests à West Bromwich, à Portsmouth, à Plymouth et à Auxerre, avant de débarquer au Lierse. L’Angleterre me faisait triper mais je n’ai pas reçu de permis de travail. J’ai cru que j’allais signer à Auxerre mais les clubs n’ont pas pu se mettre d’accord. Et donc, ce fut la Belgique. Comme il n’y avait plus d’argent au Lierse pour nous offrir un contrat, des investisseurs privés ont mis la main au portefeuille.

Lierse : on ferme les yeux

Mustapha Jarju est le seul Lierrois à s’être mis en évidence face à Anderlecht. C’est d’ailleurs lui qui a sauvé l’honneur.  » Mais ça ne sert pas à grand-chose à partir du moment où on perd le match « , dit-il.  » Nos chances de maintien sont de plus en plus minces. Nous devrons gagner 5 de nos 7 derniers matches pour rester en D1 « . (Avril 2007).

Vous aviez débarqué dans un club très malade suite au scandale du Chinois. On vous en a parlé, là-bas ?

Très peu. Je savais qu’il y avait eu des trucs bizarres mais je n’ai jamais posé de questions. Quand un Africain reçoit une chance de démarrer dans un club pro en Europe, il ferme les yeux sur tout l’extra-sportif.

Alors qu’on les croyait définitivement éliminés de la course au tour final, les Lierrois se sont replacés en battant suc- cessivement Beveren et Eupen. Jarju fut une nouvelle fois l’homme du match. Le Gambien est par ailleurs sur le point de signer un nouveau contrat.  » Je souhaite vraiment rester ici. Je me sens bien au Lierse et je veux aider ce club à retrouver très vite la D1 « . (Avril 2008).

Le Lierse voulait absolument remonter après une seule saison en D2 : raté !

Nous avons complètement loupé notre début de championnat. Il y a eu de bons transferts en janvier mais c’était trop tard. Le Lierse est un club fait pour la D1 : ça sent l’histoire et la tradition dès qu’on entre dans ce stade. Je suis persuadé qu’il ne va pas s’éterniser en D2. La direction vient de faire beaucoup de transferts et on m’a dit que certains de ces joueurs étaient vraiment très bons.

Pourquoi êtes-vous parti alors qu’on pensait que vous alliez prolonger ?

Le président exigeait que je signe pour 5 ans, je ne voulais que 3 saisons. Il a finalement accepté, puis nous ne nous sommes plus entendus sur le salaire.

Le club a dit que votre manager avait joué un drôle de jeu.

C’est faux. J’ai moi-même tout décidé, je ne suis plus un gosse. A partir du moment où le club ne me donnait pas ce que je demandais, j’avais le droit de refuser et de partir.

Imiter Akpala

Alors qu’on était prêt à le chasser au premier tour, Mustapha Jarju est devenu indispensable au Lierse. Le Gambien incarne la métamorphose subie par cette équipe depuis quelques semaines. Il n’en touchait pas une en première partie de championnat mais il en est aujourd’hui à 11 buts. (Février 2008).

Vous avez marqué 10 buts pendant votre première saison au Lierse, puis 16 la saison passée en D2. Vous êtes un vrai buteur !

Je suis content du bilan de la première partie de mon séjour en Belgique. It was a good start. Maintenant, je dois confirmer avec Mons. Je veux faire partie des meilleurs buteurs à la fin du championnat qui va commencer. Mon exemple, c’est Joseph Akpala. Un Africain qui était inconnu au moment où il est arrivé ici. Comme moi.

Le plus beau but de la soirée est venu des pieds de Jarju. Après s’être débarrassé de Sven Vermant et Jonathan Blondel, il a expédié un obus des 25 mètres en pleine lucarne. Son commentaire :  » A beauty. Tirer de loin, c’est une de mes spécialités « . Mais Vermant était furieux, estimant que le Gambien lui avait donné un coup de coude avant d’armer.  » C’est scandaleux « , a hurlé le Brugeois  » Où va-t-on si on ne siffle pas de faute sur une action pareille ? » (Décembre 2006).

Vous êtes un attaquant violent ?

J’ai revu plusieurs fois les images : il n’y avait rien de grave. Ma main est arrivée au visage de Vermant mais ça se produit dans tous les matches. Je ne sais pas si on peut dire que je suis un attaquant agressif. Par moments, oui, je suis dur. Mais tous les bons attaquants doivent être comme ça : jouer des coudes pour être au bon endroit, au bon moment. Il faut que tout aille très vite. La vitesse moyenne des footballeurs de D1 est élevée, alors je dois être encore plus rapide pour m’imposer.

Les buts spectaculaires, c’est votre truc ?

J’en ai marqué pas mal qui valaient le détour, oui. J’adore frapper à distance, j’ai toujours beaucoup travaillé cet aspect de mon jeu, j’ai beaucoup de puissance dans les jambes. Et je cherche toujours à soigner le spectacle.

Convoité

Roda JC est tombé sous le charme de Mustapha Jarju.  » Nous discutons effectivement d’un transfert avec les dirigeants hollandais « , reconnaît le président du Lierse. (Mai 2007).

Plusieurs clubs se sont informés des conditions pour un transfert de Jarju. (Août 2007).

Jarju, le meilleur buteur du Lierse, suscite l’intérêt des Suédois de Djugardens. (Mars 2008).

Mons n’était pas le seul club sur la balle !

J’ai failli quitter le Lierse plus tôt, c’est vrai. Mais la direction a chaque fois tout fait pour me conserver. Djugardens, ça me tentait beaucoup. Il y a pas mal de Gambiens en Scandinavie, les championnats du nord de l’Europe nous attirent.

Pourquoi êtes-vous finalement venu à Mons ?

Ce club s’intéressait déjà à moi la saison dernière, mais j’ai préféré attendre avant de répondre. Je voulais me concentrer sur la fin de championnat avec le Lierse. Et puis, j’ai quand même eu directement un bon feeling quand on m’a contacté. J’ai vu la saison passée que Mons jouait bien au foot et j’ai l’impression que c’est un club sain.

A peine entré au jeu contre le Club Bruges, Jarju a marqué le premier but du match. Leko a ensuite égalisé sur penalty, puis c’est à nouveau Jarju qui a offert la victoire aux Montois. (Juillet 2008).

Vous avez réussi des débuts de rêve avec Mons.

Le jour où ce match-là était programmé, on ne me connaissait pas encore ici. J’avais raté le début de la préparation à cause de matches avec l’équipe nationale gambienne. Marquer ces deux buts et offrir la victoire à Mons contre une équipe comme Bruges, c’était ma façon de dire au coach : -Voilà, je suis de retour en Belgique, il faudra compter avec moi. Mais je sais que ce ne sera pas simple. Il faudra être au top physiquement et mentalement pour faire partie de l’équipe quand le championnat commencera. Pour nous, il n’y aura pas de phase de rodage, avec le calendrier qui nous attend. Gand, Genk, Cercle et Anderlecht pour débuter : difficile de trouver plus corsé.

par pierre danvoye

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