Le Club des 5

Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Et pourquoi se retrouvent-ils conjointement dans le groupe pro, voire dans le onze de base brugeois ? Pleins feux sur les nouveaux venus Bleu et Noir.

L’histoire débute en mai 2007. Ou plutôt en octobre 2011. Cela fait alors près d’un an que Bart Verhaeghe est président et qu’il a placé toute sa confiance dans un duo de managers sportifs : Henk Mariman et Sven Vermant. Avant cela, Mariman a restructuré le centre de formation des jeunes et sa première décision est d’amener quelques joueurs dans le noyau A. Leurs noms : Zinho Gano,Nick Van Belle, Fries Deschilder,Jimmy De Jonghe, Jannes Vansteenkiste, Sven Dhoest. En octobre, Adrie Koster doit faire face à de nombreuses blessures. Ils ne sont pas mûrs et la tête du Hollandais tombe plus tôt que prévu.

Deux ans plus tard, seul Dhoest, le troisième gardien, est toujours là. Les autres ne sont toujours pas prêts et jouent surtout en D2 : Vansteenkiste à l’Antwerp, Gano à Westerlo, Van Belle à Alost ; Deschilder au FC Eindhoven. Seul Jimmy De Jonghe est encore en D1. Il jouait la saison dernière à Zulte Waregem et cette saison au Lierse, où il doit se contenter d’un rôle de réserviste.

Est-ce cela qui attend BjörnEngels, BrandonMechele, BirgerVerstraete, Tuur Dierckx ou BoliBolingoliMbombo ? Au Club Bruges, on pense que non et Henk Mariman, qui n’est plus là aujourd’hui mais suit toujours la formation des jeunes de près, est du même avis.

 » Au cours de ma première année comme manager, nous avons fait monter des jeunes mais c’était surtout pour voir comment ils allaient réagir. Cette fois, c’est différent. Il y avait du talent dans la première levée mais celle-ci est vraiment de qualité supérieure. De plus, contrairement à leurs prédécesseurs, ces jeunes peuvent profiter des changements opérés en matière de formation. C’est pour cela qu’il faut remonter à 2007 « .

Un souci d’ouverture

Lorsque Mariman signa au Club, il était très rare qu’un jeune Brugeois arrive dans le noyau A. Il amena son expérience du Germinal Beerschot (qui avait collaboré avec l’Ajax), analysa et restructura la formation. Le scouting, jusque-là limité à la Flandre-Occidentale, s’ouvrit à de nouveaux horizons, le contenu de la formation fut revu et on accorda davantage d’attention à la post-formation.

Philippe Clement (coach des Espoirs), Jannes Tant (travail individuel) et Dirk Laleman (préparateur physique) élevèrent le niveau. Dès 2008, on introduisit des séances d’entraînement par ligne et on travailla le physique de façon à ce que les jeunes qui arrivent dans le noyau A aient le même niveau que les pros.  » Il ne faut pas oublier que dans les grands clubs, la différence entre l’équipe première et les jeunes en matière de vitesse d’exécution et de maniement du ballon est énorme « , dit Mariman.

Bruges recruta en province d’Anvers, voire du Limbourg et profita du fait que, dans toute la Belgique, des gens ont un coeur blauw en zwart. Il a donc fallu renforcer toute l’organisation interne. Le transport, surtout, posait problème car les clubs n’aiment pas verser des indemnités de déplacement.

 » C’était davantage un problème organisationnel que financier « , dit Mariman.  » Souvent, les deux parents travaillent.  » On acheta donc des bus : d’abord un, puis deux, trois, quatre et cinq. Le concept des familles d’accueil fut élargi, on fit appel à des gens pour encadrer les études et s’occuper de l’accompagnement social des jeunes. Des problèmes inattendus surgirent, comme le harcèlement, la loi du plus fort. Quand on élargit le scouting, on s’expose à d’autres cultures.

 » Nous avons analysé en profondeur le contenu de la formation « , dit Mariman.  » Que manquait-il à nos jeunes pour qu’ils échouent tous ? Et nous avons constaté que nous devions chercher des joueurs plus flegmatiques, des gars qui avaient un genre, qui savaient ce qu’ils devaient faire pour y arriver. Boli Bolingoli et Tuur Dierckx sont comme ça, Engels et Mechele sont plus réalistes, plus travailleurs mais ce sont des défenseurs.  »

Un travail de longue haleine

Petit à petit, le niveau a augmenté. Mais la formation, c’est lent. Mariman parle en termes de travail de longue hameine. Il sait que, quand on change quelque chose, il faut six à huit ans pour en recueillir les fruits. Les recruteurs doivent être briefés différemment, il faut de meilleurs entraîneurs.  » Aujourd’hui, cent personnes doivent bosser pour que les jeunes percent « , dit-il.  » Il faut travailler les joueurs pendant quatre ou cinq ans pour qu’ils atteignent ce niveau. Les jeunes sortis plus tôt n’ont pas eu cette formation.  » Bruges n’y travaille que depuis cinq ans. Mariman est arrivé en 2007 mais les budgets étaient déjà attribués. Il n’a pu se mettre à l’ouvrage que l’année suivante.

Dire si ces jeunes vont réussir, c’est lire dans le marc de café mais quelques facteurs qui pourraient être décisifs ont été introduits dans la post-formation.  » Bruges a très bien fait de confier à Philippe Clement la responsabilité de la transition entre les équipes d’âge et le noyau A. D’autres clubs le font aussi. La présence de Stéphane Van der Heyden, un autre ancien joueur, était nécessaire également. J’ai souvent parlé de cette dernière phase avec des gens qui connaissent l’odeur du vestiaire.

J’en conclus qu’après le travail académique, on a besoin de gens qui expliquent ce qu’est le réalisme, le stress du résultat, la pression. La différence ne se fait pas sur le plan physique mais au niveau des choix. La pression rend ceux-ci plus difficiles et, dans les grands clubs, elle est encore plus forte. C’est là-dessus que les clubs doivent miser.  »

Il pense que le fossé peut encore se rétrécir si les clubs arrivent à trouver des arrangements avec les écoles.  » L’idéal, c’est que les joueurs puissent s’entraîner en journée. J’ai souvent parlé de cela mais je constate qu’on n’avance pas. Il faut accorder plus d’importance au contenu footballistique, notamment en analysant davantage, en permettant aux Espoirs de jouer en D3 et en organisant de plus longues séances d’entraînement pendant la journée.  »

Défense

Björn Engels. Né le 15/09/1994. Clubs précédents : FC Lembeke, Lokeren OV. Au Club Bruges depuis mai 2007. Brandon Mechele. Né le 28/01/1993. Club précédent : KS Bredene. Au Club Bruges depuis mai 2002.

Mariman :  » Bjorn Engels est arrivé en U14, dans un 3-4-3. A partir des U16, on joue en 4-3-3. C’est un choix qui est effectué pour sortir les défenseurs du confort, augmenter leur résistance. En 4-3-3, quand on commet une erreur, il y a toujours quelqu’un pour couvrir. Brandon Mechele est un défenseur très dur, rigoureux et qui, au niveau technique, va encore progresser. Engels est plutôt du genre à réclamer tout le temps le ballon, à jouer long et à prendre des initiatives à la relance. En formation, quand l’équipe était sous pression, on lui donnait le ballon. A son arrivée, il était en pleine croissance, ses muscles ne suivaient pas et il était très lent. Les gens commençaient déjà à dire que nous avions effectué un mauvais choix. Il faut faire attention à cela. La progression est lente. On voit l’importance de Philippe Clement dans le cheminement de ces deux-là. Comme c’est un ancien défenseur, il leur a encore apporté un plus au moment crucial.  »

 » Chez les jeunes, Mechele était certainement le meilleur au point de vue du talent intrinsèque. Mais c’est quoi, le talent ? Lorsque l’Ajax est venu chercher Thomas Vermaelen au Beerschot, l’ancien responsable de la formation du club hollandais a dit : –Notre recruteur s’est trompé mais celui-là finira à Arsenal. Le talent, c’est aussi savoir ce qu’on va faire avec l’information que l’on reçoit. Mechele a du talent et de la marge. Les joueurs rigoureux peuvent aller très loin.  »

Entrejeu

Birger Verstraete. Né le 16/04/94. Club précédent : KV Ostende. Au Club Bruges depuis mai 2009.

Mariman :  » Birger, c’était une fois oui, une fois non. Un bon petit joueur de l’école de sport de haut niveau. Quand on analysait son jeu, il était impossible de ne pas déceler son talent. Mais on pouvait toujours dire qu’il était trop petit ou penser qu’il allait grandir. Birger est un joueur de rue, intuitif, qui va toujours trouver sa voie. A Anvers, il y a des joueurs qui, dans le vestiaire, disent : on va faire comme ci ou comme ça. Birger est un des leurs. On peut prôner la discipline mais avec ces gars-là… Boli est un peu comme ça aussi… Parfois, il faut fermer les yeux car c’est leur côté flegmatique qui leur a permis d’être là où ils sont. Birger a beaucoup de concurrence dans l’entrejeu. Il peut jouer arrière droit mais je n’aime pas car il a besoin de toucher le ballon. Il pourrait le faire là aussi mais alors, il faut qu’il sorte du lot. Dans l’entrejeu, il lui faudra un peu plus de temps car il faut être solide pour prendre la place de gars comme Victor Vazquez, Vadis ou TimmySimons. Il doit profiter de chaque étape pour élever son niveau : monter au jeu, jouer à l’arrière droit… Tout cela doit se faire de façon minutieuse. On pourrait le louer mais alors, on perd toujours un peu d’impact sur le joueur sans avoir la certitude qu’il jouera davantage ou qu’il sera bien suivi. Si Ostende était resté en D2, on aurait pu le prêter et exiger qu’il s’entraîne avec nous deux fois par semaine.  »

Attaque

Boli Bolingoli Mbombo. Né le 01/01/95. Clubs précédents : Berchem Sp, SK Beveren, Antwerp et Germinal Beerschot. Au Club Bruges depuis mai 2010. Tuur Dierickx. Né le 09/05/95. Clubs précédents : KFC Broechem, Germinal Beerschot, Lierse et Westerlo. Au Club Bruges depuis mai 2009.

Mariman :  » A l’origine, Boli est un attaquant de pointe, un Beerschotman. Il m’a fallu des heures pour l’amener au Club Bruges et l’y conserver. Sa famille est fantastique. C’est un joueur très flegmatique, entêté, un vrai Anversois et il n’est pas facile, avec cette culture, de s’intégrer à un internat brugeois. Mais le déclic s’est produit parce que c’est un bon gars et qu’il a fait de gros progrès dans la dernière phase. Le choc des mentalités se produit aussi au Standard, à Charleroi, à Anderlecht. On parle souvent de harcèlement mais souvent, c’est aussi la loi du plus fort.  »

 » Tuur Dierckx, c’est autre chose. Il est très exigeant avec les autres. Il nous a dit : -Vous me voulez ? A vous de me convaincre ! La plupart du temps, ce sont les parents qui disent cela… Tuur est d’abord venu voir comment nous travaillions et il a opté pour le Club après avoir pris part à un entraînement individuel. Une fameuse attitude ! Ce genre de gars pose aussi d’autres exigences dans d’autres matières et est très dur envers soi-même. Il est allé taper du poing sur la table de KennethBrylle en demandant quand il aurait le droit de s’entraîner davantage. Et il a fait pareil avec Philippe Clement. On a besoin de jeunes qui osent faire cela et remettent les entraîneurs en question. Certains coaches le font, d’autres pas. Même chez les jeunes, il est fréquent qu’un joueur ait un niveau plus élevé que le coach. Ce n’est pas facile mais il faut lui laisser déployer ses ailes, sans quoi on risque d’étouffer son talent. Un coach doit pouvoir accepter cela. Il faut veiller au respect des tâches et de l’esprit de groupe mais on ne peut pas s’attaquer à un joueur sur un point où il ne peut pas faire la différence. On a trop tendance à enfermer nos joueurs dans un carcan. Evidemment, tout le monde doit faire son boulot et, en U16, certains joueurs exagèrent mais on peut tolérer certaines choses. Un coach doit déceler les particularités de chacun et ne pas juger un joueur sur un aspect sinon on exclut un joueur et un autre en exclut un deuxième. Au bout du compte, il ne reste que des gentils, des gens qui font bien leur boulot mais sans plus.  »

A suivre

Nikola Storm. Né le 30/09/94. Clubs précédents : KSK Maldegem et Lokeren OV. Au Club Bruges depuis mai 2008. Sander Coopman. Né le 12/03/95. Clubs précédents : WS Desselgem et Zulte Waregem. Au Club Bruges depuis mai 2007.

Mariman :  » Nikola est un numéro onze qui peut aussi rentrer dans le jeu, un peu comme ArjenRobben. Sander, lui, a beaucoup d’instinct. Ils sont tous deux un peu timides et ont besoin de plus de temps pour s’adapter à un nouvel environnement. Et puis, Sander a de la concurrence : VictorVazquez, JonathanBlondel, Vadis… Birger est bien plus avancé mais il est là depuis plus longtemps et connaît mieux la cuisine interne. Si Sander y arrive…

Ce qui frappe, c’est qu’il n’y a pas d’attaquant de pointe dans cette levée.  » Ce n’est pas si simple « , dit Mariman.  » La région ne produit pas beaucoup de joueurs flegmatiques comme doivent l’être les attaquants. Anderlecht en trouve à Bruxelles, le Standard à Liège. On n’a pas beaucoup d’emprise là-dessus. J’ai l’impression qu’à Genk non plus, il n’y en a pas. On pourrait encore élargir le scouting, mieux l’organiser. Mais on dépendra toujours de certains facteurs.  »

PAR PETER T’KINT

Il y a 5 ans, le scouting brugeois se limitait à la Flandre-Occidentale. Aujourd’hui, il s’étend à d’autres provinces.

Au départ, les parents devaient acheminer leurs enfants au stade. A présent, 5 bus les véhiculent.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire