» LE CLUB A LE MEILLEUR NOYAU DE D1 « 

A 42 ans, l’Islandais réoriente sa carrière en devenant sélectionneur de son pays après avoir été DT à l’AEK Athènes et au Club Bruges.

Il a quitté Loppem la semaine dernière, déménageant ainsi pour la huitième fois en quatre ans. De retour à Reykjavik, sa femme et lui ont retrouvé leurs enfants, un garçon de 20 ans et une fille de 15 ans.

Votre carrière a été marquée par de nombreux allers-retours entre l’Islande et le continent. Etes-vous quelqu’un de stable ?

Arnar Gretarsson : En principe, oui. Mon CV prouve que je suis fidèle à mes employeurs. Bien sûr, j’ai dû chercher ma voie. Comme joueur, je ne suis pas resté longtemps aux Glasgow Rangers parce que, à l’époque, les clubs n’étaient pas obligés de céder leurs joueurs aux équipes nationales et que les Ecossais ne voulaient pas que je retourne alors que je ne jouais pas. Mais je ne suis pas un opportuniste. J’ai quitté Athènes parce que le club était exsangue financièrement et qu’un nouveau propriétaire est arrivé. Je ne m’y amusais pas parce que je ne devais régler que des questions d’argent. C’est un grand club, comme Bruges, mais il ne peut pas lutter avec l’Olympiacos ou le Panathinaikos dont les joueurs gagnent deux fois plus. Si j’avais su, j’aurais encore accordé de plus petits contrats.

C’est là que vous avez appris votre métier de directeur sportif.

Je ne savais pas exactement ce que cela signifiait mais j’avais de l’expérience en tant que joueur et j’avais aussi travaillé dans une banque en Islande. J’ai été surpris par l’amateurisme du club. J’ai introduit un système de scouting par images, j’ai dit qu’il fallait engager des joueurs libres et les faire signer dès janvier mais on m’a dit que c’était trop tôt. Je ne comprenais pas leur façon de raisonner. Je voulais travailler avec de jeunes Grecs parce que, dans les petits pays, c’est la seule façon de s’en sortir.

 » Il y avait du sang partout  »

Mais il fallait gagner des trophées.

On peut être compétitif en travaillant de la sorte. Anderlecht a bien failli battre Arsenal. On peut comparer l’AEK à Bruges, même si je n’avais pas un BartVerhaeghe derrière moi. Maintenant, il y a DimitrisMelissanidis, un armateur. Un fou, comme le président de l’Olympiacos. Là-bas, les mecs ont des gardes du corps armés. J’en ai vu un tirer six coups de feu au plafond puis se faire attaquer par un gars avec un couteau. Il y avait du sang partout.

Vous n’avez donc pas été impressionné lorsque quelques supporters de Bruges ont envahi le terrain d’entraînement un samedi matin.

Non, je comprenais leur déception. Je leur ai juste dit qu’ils ne rendaient pas service aux joueurs en faisant cela. AlexFergusondisait toujours qu’il fallait essayer de tirer le maximum d’un joueur, même si on ne croyait plus en lui. Il faut juste les prévenir, histoire qu’ils ne soient pas surpris de ne pas être repris.

Que retenez-vous des 18 mois passés à Bruges ?

Le Club a beaucoup évolué, le noyau est nettement meilleur. C’est le meilleur de Belgique.

Le onze anderlechtois n’a-t-il pas beaucoup plus de talent ?

YouriTielemans et Dennis Praet sont très jeunes, ils ont un grand potentiel. Chancel Mbemba a peut-être 27 ans et pas 20 mais même s’il en avait 98, je le trouverais fantastique. Mais BjornEngels, BrandonMechele et Oscar Duarte, c’est tout bon aussi. Si on compare les deux onze de base, il y a photo mais le noyau du club est meilleur. Les progrès se marquent surtout au niveau de la mentalité des joueurs engagés. Ils s’entraînent davantage, surveillent leur alimentation. Je ne dis pas que c’est seulement grâce à moi, c’est un travail d’équipe.

Ryan Donk et Maxime Lestienne pensaient ne pas avoir besoin de cela car ils étaient au-dessus du lot.

Donk avait tout pour jouer plus haut mais j’ai appris qu’il était impossible de changer la mentalité d’un joueur de plus de 20 ans. Mechele, lui, sait ce qu’il doit faire pour progresser. Plus il y a de joueurs comme lui, plus le niveau augmente car il y a de l’émulation.

 » Je ne me sentais plus bien à Bruges  »

Pourquoi êtes-vous parti ?

Pas pour l’argent car je vais en gagner moins. Je ne me sentais plus bien. Bruges voulait travailler avec un manager à l’anglaise. Je ne pense pas que c’était la bonne solution. Je n’ai rien contre Michel Preud’homme, qui est un très bon entraîneur mais les clubs anglais abandonnent ce modèle. Un coach amène ses adjoints et ses joueurs puis quand il s’en va, il ne laisse que des dettes. JurgenKlinsmanna fait pareil au Bayern et le club a dit : plus jamais ça ! Bruges croit en Preud’homme et c’est normal vu son passé mais c’est une méthode dont je ne suis pas partisan. J’ai essayé de m’adapter à un nouveau rôle mais j’ai constaté que je n’étais pas productif parce que je n’étais qu’un consultant. Je pars en laissant derrière moi un meilleur noyau que quand je suis arrivé, j’ai donc fait mon boulot. Même si je sais qu’on m’a reproché beaucoup de choses.

Comme le fait d’avoir trop fait confiance aux jeunes l’an dernier.

Six formés au club et quatre étrangers. Only kids !, disait JuanCarlosGarrido, tandis que Victor Vazquez n’en croyait pas ses yeux. Toutes les décisions d’un directeur sportif sont contestables mais il n’est pas seul à les prendre. Dennis Praet a aussi commencé à 18 ans. J’ai toujours dit que, si le Club voulait de grands joueurs, il devait les former. Comme Nikola Storm, Engels, Mechele, TuurDierckx Mais il faut leur donner leur chance et un club a parfois tendance à vouloir des résultats immédiats. Alors, on va rechercher Tom DeSutter, TimmySimons… Le banc de Bruges est aujourd’hui un peu plus expérimenté mais l’équipe de base reste jeune. C’est la voie à suivre.

Comment était l’entente avec Michel Preud’homme ?

Bonne. Beaucoup de gens avaient soi-disant du respect pour lui mais étaient-ils sincères ? Bruges a de la chance d’avoir quelqu’un comme lui. C’est un pro, un travailleur et il a de bonnes idées au sujet de la structure, du sérieux. C’est peut-être ce qui explique que Max(Lestienne, ndlr) trinquait. Garrido lui avait laissé beaucoup plus de liberté et il faisait parfois n’importe quoi. Michel a voulu corriger mais c’était difficile.

 » Le nouveau défi me plaît  »

Il faut parfois laisser la bride sur le cou des joueurs.

Oui, mais il faut tenir compte de la dynamique de groupe, des intérêts de l’équipe. Ce qu’on perd d’un côté, on le gagne de l’autre. Max était moins à l’aise dans ce carcan. S’il avait atteint son niveau de l’année précédente lors des play-offs, nous aurions été champions. Mais je partage la philosophie de Michel : si on laisse la bride sur le cou d’un joueur, on perd l’esprit de groupe. Surtout à Bruges, où il y a pas mal de personnalités. Garrido ne remplaçait jamais Lestienne. Preud’homme oui. Cela lui a valu le respect du groupe. J’ai beaucoup appris au contact de Michel et du reste du groupe. Car le résultat actuel de Bruges n’est pas celui d’un seul homme.

Comment un pays de 330.000 habitants peut-il battre les Pays-Bas et prendre neuf points sur neuf en qualification pour l’Euro 2016 ?

Ce groupe a une mentalité exceptionnelle. En U21, on a posé une série de questions aux joueurs. L’une d’entre elles était : Pourquoi êtes-vous arrivé jusqu’ici ? 85 % ont répondu : Parce que j’ai travaillé plus que les autres. C’est de l’émulation. Chez les jeunes, déjà, ils s’entraînaient dès 10 heures trois fois par semaine. A 12 ans, notre meilleur joueur a demandé à ses parents de pouvoir suivre des cours d’anglais pour pouvoir jouer en Angleterre. Nous récoltons aussi les fruits des halls construits il y a quinze, vingt ans. Maintenant, on joue au football 12 mois par an en Islande, sur des terrains de qualité.

C’est à vous de jouer maintenant.

Le défi me plaît. Coacher en Islande ou en Angleterre, c’est pareil. A l’exception des chiffres sur le contrat. J’aime être proche de l’équipe, comme le sont les directeurs sportifs allemands. Ils assistent à l’entraînement, sont les yeux et les oreilles de la direction. Pas pour espionner le coach mais pour l’aider.

Vous n’avez jamais eu envie de retourner travailler à la banque ?

Non. C’est confortable mais il y a trop peu d’inconnues. Dans le football, on est en première ligne car tout le monde a son avis. Je me planterai peut-être mais c’est ce qui fait la beauté du métier.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS KOEN BAUTERS

 » Mbemba a peut-être 27 ans. Mais même s’il en avait 98, je le trouverais encore fantastique.  »

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