Le CHOUCHOU du Tivoli

La mondialisation du foot et le mercenariat ont considérablement accéléré la circulation des joueurs au sein de nos clubs. Et, qu’on le déplore ou non, la notion d’identification avec un club ou avec une région est une valeur qui a cédé progressivement le pas aux préoccupations matérielles et financières des dirigeants et des joueurs. C’est dans ce contexte que le départ à la retraite d’un gars du pays comme Fred Tilmant prend une connotation affective particulière.

Bien évidemment, on a eu droit aux banalités d’usage et à la litanie des clichés de départ à savoir qu’il faut  » faire place aux jeunes et qu’il vaut mieux s’arrêter à temps plutôt que de faire la saison de trop « . Personnellement, je ne suis pas du tout certain que Fred n’était plus capable de faire la saison de trop ! J’ai même l’impression qu’il aurait encore volontiers signé pour une campagne supplémentaire. Mais mon petit doigt me dit aussi que la voix de la raison fut surtout celle de Filippo Gaone. Pour finir par devoir quand même s’asseoir sur un banc qu’on abhorre, ne vaut-il pas mieux que ce soit comme entraîneur adjoint que comme réserviste de luxe ? Le président préférait voir son joueur fétiche participer à la continuité de la vie du club plutôt que de le sentir frustré de ne plus être un titulaire indiscutable. Il faut savoir que la relation entre Fred et son président fut toujours empreinte d’une totale confiance et dénuée de tout avantage ou privilège ou d’une quelconque intimité :  » Dire qu’il était comme mon fils est une image de journaliste « , assure le président Gaone.  » J’ai toujours été plus dur avec lui qu’avec les autres joueurs. Je ne lui ai jamais fait de cadeau. Et le poste d’entraîneur adjoint n’en est donc pas un ! C’est un service que je lui proposé de rendre au club qui lui a tout donné « .

Et c’est vrai que c’est à la Louvière que Fred a pris son envol. Gaone aura donc été au départ de son éclosion et aujourd’hui de sa reconversion. En 1991, il va le chercher à Courtrai où il n’a pas réussi à s’imposer en D1. Et c’est le début d’une carrière de plus de dix années chez les Loups ! Avec toutefois une infidélité de deux ans que Gaone n’est pas encore prêt à digérer : en fin de contrat en 1996, Fred préfère la D2 française avec Gueugnon à la D2 belge avec La Louvière ! L’enfant prodigue est de retour en 1998. Un retour qui sera le début d’une merveilleuse aventure : d’abord la montée en D1 via le tour final, et surtout, cette victoire en finale de la Coupe de Belgique û même si une blessure l’a empêché de participer activement au succès û avec à la clé l’occasion de humer, l’espace de deux rencontres contre le grand Benfica, l’air d’une Coupe d’Europe.

Ce que peu de gens savent, c’est que Fred avait déjà été testé par La Louvière en 1987-1988 alors qu’il évoluait en Promotion avec Binche. Mais le test fut jugé négatif. Autre détail piquant : jusqu’à l’âge de 15 ans, Fred évoluait comme défenseur û libero ou stoppeur û et c’est un modeste entraîneur de jeunes de Leval, son club d’origine, un certain Pascal Vecchiato, qui détectera en lui des qualités de joueur offensif : un buteur était né !

Sans être un technicien exceptionnel dans la construction du jeu, Fred maîtrisait en revanche à la perfection toute la technicité du voleur de buts : excellent cadreur, frappe en force ou en finesse, lourde ou placée, utilisation de toutes les surfaces du pied. Bon et puissant dans le jeu aérien, il savait se soustraire au marquage du défenseur à l’ultime moment. Ses changements de direction et le choix des bonnes trajectoires lui étaient innés. Il flairait toutes les bonnes occasions.

Enfin, il fut surtout le chouchou du Tivoli. Il avait l’art de faire apprécier son style rageur de joueur hargneux, travailleur et combatif, et de mettre le public avec lui. Il séduisait ses supporters en vrai cabot des stades. Il était congénitalement allergique au banc ; il s’y asseyait avec l’élégance et la correction de l’équipier modèle mais il faisait la gueule… intérieurement.

parAndré Remy

Fred adjoint : la voix de la raison fut surtout celle de Filippo Gaone

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