Décédé la semaine passée à 82 ans, cet Alsacien a énormément apporté à Sclessin. Récit de celui qui a écrit une des plus belles pages de l’histoire du Standard.

« Il faut être… H, les gars, H…  » : c’était une des expressions préférées du Strasbourgeois. H comme la bombe, H comme l’heure H ? Ou tout simplement H comme Hauss ? Allez savoir… Cet entraîneur avait de l’énergie à revendre et l’offrait sans compter à ses joueurs. Roger Petit, le secrétaire général du Standard, avait tapé dans le mille en engageant cet homme qui avait à peine 40 ans au moment de son arrivée à Sclessin, en 1968. Michel Pavic avait terminé son £uvre, construit une grande défense, récréé un esprit. Mais les temps changeaient. Le Professeur de Belgrade était classe, strict, résistant comme il le fut en tant qu’officier de l’armée royale yougoslave, prisonnier des Nazis. A l’approche de mai 68, Petit devina que son effectif avait besoin d’un coup de jeune.

Et le patron de Sclessin se souvint des propos d’un de ses anciens joueurs, Pierrot Reners. Ce dernier passait régulièrement ses vacances d’été à Dax, dans les Landes. Là, il sympathisa avec un monument du Racing de Strasbourg : René Hauss. Ancien attaquant devenu arrière droit, ce joueur énergique fit toute sa carrière au stade de la Meinau. Hauss organisait des matches entre vacanciers parmi lesquels se trouvait une légende de l’athlétisme français, Michel Jazy. Intrigué, Petit se renseigna à propos de ce Hauss qui coachait Strasbourg depuis quelques mois. Monsieur Standard avait ses réseaux et il apprit, à la Fédération Française de Football, que Hauss avait été Major de sa promotion d’entraîneurs. Petit demanda même à des connaissances de la délégation belge au Parlement européen à Strasbourg de se renseigner à propos de ce coach qui l’intéressait vivement. Après avoir recoupé ses infos, il adressa une lettre à Hauss, l’invitant à un rendez-vous à Liège.

Hors-jeu et complexe anderlechtois

Lors de leur première rencontre, le leader liégeois et Hauss découvrirent leur passion commune pour la Bundesliga, un football engagé, le jeu organisé mais offensif, etc. Après 20 minutes de conversation, Petit constata vite que Hauss était son merle blanc. Même si son club de toujours rechigna, Hauss accepta de relever le défi après un petit délai de réflexion. Il débarqua en bord de Meuse avant la fin de la saison 1967-68. Pavic fit le tour du propriétaire avec son successeur, le présenta aux joueurs, lui donna en quelque sorte les clefs de l’équipe. Hauss eut le temps d’observer Wilfried Van Moer qui jouait encore à l’Anwerp et dont il allait dire plus tard :  » Je n’ai jamais entraîné de meilleur joueur que lui.  » Petit déposa un peu plus de 150.000 euros pour acquérir Van Moer qui allait devenir Kitchie ( » Petit  » en hongrois, comme le surnomma Antal Nagy), la pièce maîtresse de la ligne médiane du Standard.

Hauss misa en gros sur le 4-3-3 et décrocha le seul triplé de l’histoire du Standard en championnat : 1968-69, 1969-70, 1970-71. Il eut moins de chance en finale de Coupe de Belgique (deux défaites contre Anderlecht, 1-0 en 1972, 2-1 en 1973). Hauss a ajouté deux quarts de finale de Coupe d’Europe des Clubs Champions (1969-70, 1971-72) au palmarès du Standard et un magnifique succès 2-3 au Real Madrid le 3 décembre 1969. Le Standard formait un bloc avec des lignes qui se complétaient bien. Le hors-jeu était alors une grande spécialité mauve. Le coach alsacien multiplia les séances d’entraînement pour que son équipe ne tombe pas dans ce piège :  » Sylvestre Takac s’appuie sur Erwin Kostedde qui relaye vers Milan Galic. Ce dernier va chercher Takac lancé en profondeur. C’était automatique. Jusqu’au jour où à notre grand étonnement, Léon Jeck, notre arrière central, se lança dans un raid de 60 mètres avant de battre Jean Trappeniers, le gardien d’Anderlecht, d’un beau lob (1-0, score final). Au retour, le Standard l’emporta 0-2 au Parc Astrid. Le problème du hors-jeu et du complexe anderlechtois était réglé.  »

Il s’intéressait à l’homme derrière le joueur

Hauss était aussi un innovateur. Il travailla la technique des étirements, ce qui ne se faisait guère en Belgique. Dès son arrivée chez nous, il nota que beaucoup de joueurs avaient des problèmes d’adducteurs, hésitaient à tenter le grand écart, de peur que cela  » craque « . Le stretching lui a permis d’éviter pas mal de blessures musculaires. Le groupe faisait bloc derrière son coach. Hauss, il est vrai, s’intéressait aussi à l’homme qui se cache forcément derrière le joueur. Ainsi, il accorda toute l’importance nécessaire au mal-être de Kostedde. Voici ce qu’il nous confia en 1998 :  »  » Tout le monde a des problèmes dans la vie et j’étais là pour aider mes joueurs. Erwin était malheureux lors de ses débuts au Standard. Il avait une chambre au Concordia, en face de la Gare des Guillemins. Il n’avait pas de résistance et nous le faisions travailler un peu plus pour gommer son handicap. J’ai appris qu’il se rendait de temps à autre à Munster, où il connaissait une fille. Je me demandais s’il ne buvait pas un peu. Je lui ai rendu un soir visite à l’hôtel. Il y avait une bouteille de whisky sur la table. Je parlais couramment allemand et j’ai tenté de comprendre son problème : il a pleuré, m’a parlé de sa jeunesse difficile, etc. Mulâtre, Erwin était le fils des amours illégitimes d’un GI noir américain et d’une Allemande. Le racisme n’était pas un vain mot à l’époque en Allemagne. Quand le mari de sa mère est rentré du front, il s’est mis à boire et frappait souvent Erwin, qui était un très gentil garçon. Il avait 22 ans et m’a juré d’arrêter de boire, et je lui ai promis d’aller voir sa future belle-mère. Elle ne voulait pas entendre parler de lui. Je l’ai implorée de lui donner une petite chance. Tout s’est alors bien passé. Erwin est devenu une des pierres angulaires de notre équipe. Il était tellement fort ballon au pied que tous les jeunes imitaient ses feintes. Je m’étais mêlé de la vie privée d’un joueur. Mais il le fallait. C’était très dur, je le reconnais, mais ce fut peut-être une des plus belles victoires de ma carrière… « 

C’est aussi pour cela que Hauss a mérité son surnom ( Le Chef) et est devenu plus qu’un entraîneur au Standard. Après son départ en 1973, Hauss est resté très attaché aux Rouches et à Liège où son fils est devenu un grand chirurgien.

PAR PIERRE BILIC

Il a aidé Kostedde à résoudre ses problèmes privés et dit :  » Ce fut une des plus belles victoires de ma carrière. « 

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