» Le championnat n’a que deux purs buteurs: Vossen et moi « 

Le Français puncheur, l’homme qui portait le taureau d’or, ses pensées profondes, ses buts dans la vie.

L’ENVIE :  » Risque d’être fou fou « 

Comment tu te sens au moment où tu te rapproches enfin de l’équipe après ton été compliqué par tes problèmes de transfert ?

Un jour, j’ai décidé de ne plus me prendre la tête et le plaisir est revenu progressivement. Je me sentais de plus en plus prêt, et là, Enzo Scifo m’a laissé traîner encore une ou deux semaines. Mon envie était gigantesque. Ma rage, énorme. Depuis que j’étais arrivé à Mons, j’avais toujours tout joué. Mais pendant tout ce début de saison, je ne comptais plus vraiment. Parfois, je montais au jeu pour quelques minutes. D’autres soirs, je ne devais même pas aller m’échauffer, je ne décollais pas du banc. J’ai été soulagé quand les signaux positifs sont revenus, quand j’ai senti que je me rapprochais d’une place dans l’équipe de départ.

Tu rejoues avec quel état d’esprit ? Tu as envie de dire :  » Vous allez voir ce que vous allez voir  » ?

Oui, c’est ça. Mais c’est une situation toujours compliquée parce que tu as tendance à vouloir trop bien faire. Tu veux prouver beaucoup de choses très vite, montrer que tu es toujours là. Le risque est de déjouer, de courir partout, de ne pas choisir les bons positionnements, de ne pas être utile à l’équipe. Bref, d’être un peu fou fou ! Je ne suis pas tombé dans le piège, je suis resté moi-même, je n’ai pas quitté ma zone et ça s’est bien passé : trois buts dès ma première titularisation en Coupe puis le goal de la victoire contre le Beerschot.

Comment tu vis ce but ?

Comme un gamin qui joue son premier match et vient de mettre son premier goal. Sur le coup, j’explose de joie. Ce n’est pas mon style, je suis assez calme, mais là, il fallait que je fasse sortir la rage et les frustrations accumulées depuis deux mois.

On revoit déjà le vrai Perbet ?

Pas encore. Il faut une accumulation de matches pour ça. Mais j’arrive toujours à me créer des occasions, et même quand ça tourne moins bien pour moi, je parviens à être utile. Contre le Standard par exemple, je fatigue bien les défenseurs, puis des coéquipiers en profitent. Pas de problème, moi j’en ai tellement profité la saison passée ! Tant pis si je suis un peu moins gâté maintenant. Mais ma place, je la mérite. Si je n’étais pas à 100 %, si j’étais en dedans, le coach ne me mettrait pas sur le terrain. D’ailleurs, c’est ce qu’il a fait en début de championnat. (Il grimace).

Tu sentais toi-même que tu étais en dedans ?

C’est clair. Je n’étais pas catastrophique mais je n’étais pas à mon niveau. La tête n’était pas forcément tout le temps là… Mais n’importe quel footballeur qui connaît des soucis de transfert est atteint par ça.

C’était la première fois que tu étais aussi atteint ?

Non, c’était pire un an plus tôt, à Lokeren. Là-bas, on m’interdisait carrément de m’entraîner avec le groupe. Je courais seul dans le bois, et si je ne le faisais pas, ce n’était même pas un problème pour eux. Il n’y avait aucun contrôle.

L’ORGUEIL :  » Scifo m’a bien piqué « 

Tu es en dehors de l’équipe pendant plusieurs semaines alors que tu es le meilleur buteur en titre. Ton orgueil dans l’histoire ?

Il en a pris un coup, Enzo Scifo m’a bien piqué. Surtout au moment où il a encore attendu pour me relancer alors que je me sentais prêt. Avec le recul, je me dis qu’il a très bien géré l’affaire !

Tu as eu un sentiment d’injustice ?

Pas en tout début de saison parce que je savais moi-même que je n’étais pas à mon niveau. Certains entraîneurs se seraient braqués et auraient fait une croix sur moi. Heureusement que Scifo n’a pas fait cette erreur.

Votre relation a été compliquée ?

Pendant une ou deux semaines, nous ne nous sommes plus adressé la parole. Il ne venait plus vers moi, je n’allais plus vers lui. Il se disait que, soit mon transfert allait se faire, soit j’allais revenir dans le coup.

Tu réagis comment quand il te lance des piques dans la presse, quand il dit que tu vas en baver parce que ton comportement n’a pas été professionnel ?

J’aurais aussi pu faire des déclarations. Mais je n’ai réagi que sur le terrain.

Tu es orgueilleux ?

Si tu n’as pas un minimum d’orgueil, tu ne perces pas dans le milieu du foot. Je ne voulais pas me laisser marcher dessus. Je ne suis pas un joueur banal du championnat de Belgique, j’ai quand même été meilleur buteur ! J’ai ma fierté, mes ambitions. Que la direction réclame une somme de transfert conséquente, c’est son choix. Mais qu’on me traite comme un moins que rien, je ne pouvais pas l’accepter.

L’AVARICE :  » En net à l’étranger ce que j’ai en brut ici « 

Tu voulais partir pour des raisons purement financières ?

Non, c’était un mix de sportif et de finances. Je voulais évoluer et j’estimais que c’était le bon moment pour rentabiliser une saison extraordinaire. J’aurais peut-être réagi différemment si j’avais eu 21 ans, mais là, j’en aurai bientôt 28. Et jouer le maintien tous les ans, toujours devoir m’intéresser aux résultats des équipes du bas du classement, ce n’est pas évident. Je voulais vraiment un nouveau challenge. Maintenant, voilà, c’est fait, je sais que je n’aurai sans doute jamais l’occasion de jouer dans un bon championnat étranger. D’un autre côté, avec ma prolongation de contrat jusqu’en 2016, j’ai une stabilité que je n’avais jamais eue dans le passé et ça fait du bien aussi.

Mons ne jouait quand même pas le maintien la saison dernière et ne le joue pas cette année non plus !

OK, mais je vois les ambitions lors du recrutement. Je constate qu’on n’attire pas des joueurs susceptibles de nous faire jouer le top 6. Ici, on veut rester en D1, et après, on voit s’il y a moyen de faire mieux. Moi, je sentais que j’avais les capacités pour jouer plus haut.

Si on t’avait laissé partir, tu aurais multiplié ton salaire par deux, trois, quatre ?…

Presque deux si j’étais allé au Standard. Au moins deux si j’avais signé dans un autre pays, j’y aurais gagné en net ce que j’ai en brut ici. Mais si je n’avais pensé qu’à l’argent, je serais parti en Russie au mois de janvier.

C’est toi qui as fermé la porte du Standard. Pas de regrets ?

Ouais… C’est toujours la faute du joueur quand ça capote… C’est facile. Moi, je sais exactement ce qu’il y a eu. Les directions n’avaient pas encore trouvé d’accord, moi je donnais la priorité à Parme et Pescara, puis le Standard a préféré prendre deux attaquants moins chers : Dudu Biton et Marvin Ogunjimi. Finalement, c’est un peu dommage. Si j’avais forcé les choses, je suis sûr que j’aurais pu signer là-bas. Mais personne n’a creusé la piste à fond.

Mons demandait environ 2 millions : c’est un prix raisonnable pour toi ?

Quand un club venait aux renseignements, c’était déjà 2,5 millions. Un joueur qui finit meilleur buteur avec un club promu, ça suscite forcément des convoitises. Mais avec le recul, je me dis que c’était trop d’argent puisque personne n’a mis cette somme sur la table. Pour 99 % des clubs intéressés, c’était un peu trop !

Je prends les meilleurs buteurs des dernières années : Cédric Roussel, Luigi Pieroni, Nenad Jestrovic, Tosin Dosunmu, François Sterchele, Joseph Akpala, Jaime Ruiz, Romelu Lukaku, Ivan Perisic. Presque tous ont bien monnayé leur titre en obtenant un bien meilleur contrat ou en signant dans un plus grand championnat. Pourquoi tu fais exception ?

Il y a sans doute la crise, mon âge, peut-être un manque de chance, sûrement le montant du transfert. Cet été, les dirigeants de Parme m’ont dit : -Il y a six mois, personne ne connaissait Mons, personne ne connaissait Perbet. Subitement, on devrait débourser 2,5 millions. Pour eux comme pour d’autres, c’était un peu démesuré. Ça restera le grand regret de ma carrière. Mais bon, j’essaie de tourner la page.

La seule récompense de ton titre de meilleur buteur, c’est une prolongation de contrat avec une petite revalorisation. Il y a de la frustration ?

Il y en a eu. Ça restera toujours un sujet sensible, peut-être que j’en voudrai toujours un peu à la direction parce qu’il y avait une promesse et elle n’a pas été respectée. C’est le milieu du foot qui veut ça, c’est le business. Domenico Leone m’a dit qu’il me conservait parce qu’il savait que Mons allait se maintenir grâce à moi pendant toute la durée de mon contrat et que j’allais lui marquer plein de buts. C’est joli mais il ne pense pas à ma carrière. Je veux aller de l’avant mais j’aurai éternellement de l’amertume.

LA COLÈRE :  » Une envie de tout casser qui passe vite « 

Comment vit un Perbet qui ne marque pas, qui n’est pas à son niveau ? Tu deviens colérique ?

Il y a deux Perbet : celui du stade et celui de la ville. Ici, je pense à fond à mon métier, je me défoule mais c’est rare que je me mette en colère. Il y en a qui gueulent quand ça ne va pas ; moi, j’ai plutôt tendance à me fermer. Et dès que je quitte le stade, je laisse tout ça de côté. J’ai une vie très normale, je ne me prends pas la tête. J’ai ma femme, on se fait des restos, des cinés et je m’offre généralement une soirée poker par semaine avec des copains.

Qu’est-ce qui t’attire dans le poker ?

La stratégie, l’adrénaline, le bluff, l’art de déceler ce qu’il y a dans le jeu des adversaires, la façon de faire basculer une partie avec une seule carte, de pouvoir subitement tout gagner comme tout perdre.

Quand tu rates un but facile, tu as envie de jurer, de cracher, de faire autre chose ?

Envie de tout casser mais ça passe vite. Je me reconcentre, je me dis que je vais avoir d’autres occasions. J’étais parfois virulent quand j’étais plus jeune mais maintenant, je prends facilement du recul.

LA LUXURE :  » Les sorties, les filles, j’ai bien connu… « 

L’image du footballeur pro type, c’est la bimbo blonde au bras pour aller à des soirées VIP. Tu te reconnais là-dedans ?

Pas du tout. J’ai beaucoup profité de la vie au début de ma carrière, je suis beaucoup sorti, il y avait les filles et tout ça. Comme presque tous les joueurs de mon âge. Plus d’une fois, je suis rentré sur le coup de 5 heures du matin alors que j’avais entraînement le lendemain. Vers 23, 24 ans, quand j’avais eu pas mal de hauts et de bas en France, je me suis rendu compte qu’il fallait une certaine hygiène de vie pour avoir une chance de réussir et de durer. J’ai rencontré ma femme et je me suis calmé. Cette image du footballeur-type, je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle me fait pitié, mais je ne me reconnais vraiment pas là-dedans.

Tu n’es pas non plus dans le moule des footballeurs qui s’affichent avec des fringues improbables et des coiffures qui ne ressemblent à rien ! Tu ne joues pas un rôle.

Je suis très classique, c’est vrai. Tous les footballeurs ne sont pas excentriques. D’ailleurs il n’y en a pas dans le vestiaire de Mons, mais c’est clair qu’il y en a beaucoup qui se permettent pas mal de choses. Sans doute plus dans les grands clubs que dans les petits.

LA GOURMANDISE :  » Garder le maillot au taureau et battre des records « 

Avec le recul, tu ne te dis pas que c’était irréel de marquer 25 buts en un championnat ?

Non, puisque je l’ai fait… Avec la Coupe, je suis arrivé à 29. En plus des 22 en D2 sur la demi-saison précédente. C’est énorme et ça booste évidemment les attentes des gens. Aujourd’hui, si je reste deux matches sans marquer, on dit déjà que je n’ai plus la tête à Mons.

Quel est ton objectif en buts cette saison ? Tu as forcément démarré tard !

Je ne suis plus dans la même optique que la saison dernière, j’ai plus des idées collectives et sur le long terme. Je vise quatre bonnes saisons pour le club et pour moi. Et si je marque une dizaine de goals, je serai déjà content.

La saison passée, tu relevais régulièrement la barre quand tu les empilais ?

Non, je n’ai jamais eu un total précis en tête. Mon seul objectif après trois journées, c’était de garder aussi longtemps que possible le maillot de meilleur buteur. Parce que ce maillot avec le taureau doré faisait parler de Mons et de moi. J’en étais fier. J’ai le record du joueur qui l’a conservé le plus longtemps, près de 40 journées. Marquer beaucoup dans une période faste en début de saison, c’est courant. Tenir le rythme, ce n’est pas évident. J’ai tenu pendant un championnat entier en cherchant à battre plusieurs records : le nombre de goals inscrits par l’autre meilleur buteur de l’histoire de Mons (Roussel, 22), le total du meilleur buteur français de D1 belge (Jean-Pierre Papin, 20), le tout premier titre de meilleur buteur pour un Français. Mon carburant, c’était tout ça.

Ta réaction quand tu dois abandonner le maillot au début de cette saison ?

Rien de spécial. Autant j’ai tout fait pour le garder l’année dernière, autant ça ne m’interpelle plus aujourd’hui. C’est Ibou Sawaneh qui le porte : je suis super content pour lui et j’espère qu’il finira meilleur buteur.

Ça pourrait faire mal s’il était encore à Mons ! Lui sur un flanc, toi en pointe, Aloys Nong dans ton dos, Mustapha Jarju aussi dans le dispositif offensif…

L’équipe serait trop offensive si on mettait tout le monde. On l’a vu à certains moments la saison passée. Nous prenions trop de buts. Mais c’était chouette, le système Dennis van Wijk, la mentalité hollandaise : il fallait toujours attaquer, marquer. Les attaquants en ont bien profité. Enzo Scifo est revenu à une plus grande prudence, l’équilibre est meilleur. Malheureusement, c’est plus dur pour moi parce que je me sens vraiment esseulé devant.

Tu te compares à quels autres grands buteurs du championnat ?

Uniquement à Jelle Vossen. Nous avons un profil très rare, nous sommes sans doute les deux seuls purs buteurs en Belgique. Dans le football d’aujourd’hui, les entraîneurs demandent des attaquants costauds, rapides et bons de la tête. A la limite, les caractéristiques typiques de buteur passent au second plan. C’est comme ça en Belgique, en France et dans plein d’autres pays. A Lokeren, Peter Maes prend Hamdi Harbaoui plutôt que moi : ça veut tout dire. Il ne marque pas beaucoup mais il est rapide et il en impose par son physique. A côté de ça, Vossen ne fait que marquer, on l’annonce partant à chaque période de transferts mais il est toujours là. J’imagine que c’est dû à son profil atypique. Les clubs intéressés ne mettent pas sur la table ce que Genk demande. J’ai le même problème. On ne recherche pas spécialement des attaquants comme nous. Sauf en Italie. J’y ai eu des contacts avancés et c’est aussi là-bas qu’on cite régulièrement Vossen, ce n’est pas un hasard.

LA PARESSE :  » Besoin de chiens « 

Comment tu réagis depuis le banc quand tu vois un Mons qui n’en touche pas une contre Charleroi puis à Malines. Dans ces deux matches consécutifs, on a eu l’impression de voir un manque d’envie, une absence de motivation, une panne de courage,…

C’était très mauvais.

Pourquoi ?…

Le coach avait expliqué à la vidéo tout ce qu’il ne fallait pas faire sur des phases précises. Tout cela a été fait… C’est dommage que cette équipe soit aussi irrégulière. Mais c’est un peu notre problème depuis le retour en D1. Dès qu’il y a une possibilité de monter dans le top 6 en gagnant un match, on passe à côté et on reste dans le ventre mou. Puis, quand on est un peu en galère, on prend les points qu’il faut pour en sortir. Ce manque de régularité nous empêche de viser plus haut que le maintien.

Ça manque de gueulards ?

Il y en a, mais l’équipe est trop gentille, oui. On a besoin de chiens.

On peut devenir une grande gueule si on ne l’est pas au départ ?

Non. Tu l’as ou tu ne l’as pas. C’est exactement la même chose que pour un buteur. En travaillant, tu peux toujours améliorer ta vitesse, ta technique et d’autres choses. Mais sentir où le ballon va tomber, c’est inné.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Je ne suis pas un joueur banal du championnat de Belgique. « 

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