Le champagne de la revanche

Prêté par les Zèbres, le défenseur bruxellois a retrouvé à Courtrai cette solidarité qu’il avait connue à Tubize… et pas à Charleroi !

La spécialité de Georges Leekens est connue : engager des joueurs revanchards pour les relancer. David Vandenbroeck fait partie de cette catégorie… Par rapport à ce deuxième volet de saison à Charleroi où il avait perdu sa place de titulaire malgré un début de compétition plus qu’encourageant. Par rapport au peu de considération dont il avait joui l’été dernier au Mambourg malgré le départ de TorbenJoneleit, son principal concurrent. Et par rapport à son départ de Tubize qu’il avait quitté au moment même où le club brabançon atteignait la D1.

 » J’avais déjà signé à Charleroi en janvier… sans deviner que six mois plus tard, les SangetOr remporteraient le tour final de D2. Dire que j’ai regretté cette signature anticipée est exagéré car rejoindre les Zèbres représentait un pas en avant. Ma saison au Mambourg avait bien commencé. Dès le premier match contre Westerlo, j’ai bénéficié d’un petit coup de pouce du destin : MohammedChakouri s’est blessé et je suis monté au jeu à la mi-temps. Je n’ai plus quitté le 11 de base… jusqu’au mercato de janvier où tout a basculé.  »

En cause : le remplacement de ThierrySiquet par JohnCollins et l’arrivée du défenseur central allemand de l’AS Monaco, TorbenJoneleit.  » Ce dernier avait déjà travaillé avec Collins, et avait un gros avantage sur moi : c’est un vrai gaucher. Moi, j’avais joué tout le premier tour comme défenseur central gauche alors que je suis droitier. La seule place que je pouvais encore revendiquer était celle de défenseur central droit où j’entrais en concurrence avec Badou Kéré, un monument. Je me suis retrouvé dans une situation de réserviste qui m’était inconnue, et j’étais perdu. A la maison, j’étais devenu invivable, ma compagne peut en témoigner. Le départ de Joneleit pour Genk me laissait augurer des jours meilleurs. Mais, à mon grand étonnement, Charleroi a transféré plusieurs défenseurs : PeterFranquart et MaximeBrillaut, notamment. Le Sporting n’avait pas confiance en moi !  »

 » Fais-toi plaisir et le reste suivra « 

A Courtrai, où il est prêté, Vandenbroeck revit sous la direction de Leekens.  » Je ne m’y attendais pas forcément, mais j’ai retrouvé avec Leekens le type d’entraîneur que j’avais connu précédemment avec ChristopheDessy et PhilippeSaintJean. Je me sens comme un poisson dans l’eau.  »

Quelle méthode Long Couteau utilise-t-il pour relancer des joueurs en perdition ?  » Son discours, à mon arrivée, n’a pas été très compliqué. Leekens m’a simplement souhaité la bienvenue en ces termes : – Entraînetoi, faistoiplaisiretlerestesuivra ! J’ai débuté les entraînements un mardi, jour de double séance. On a fait du physique le matin et de la possession de ballon l’après-midi. Même à l’entraînement physique, je me suis amusé comme rarement. Lorsqu’on accuse une petite faiblesse, Leekens ne met pas la pression. Il nous rassure : – Celaarrive, décontractetoi ! Il arrive à sortir le meilleur de chacun. Et puis, son staff aide beaucoup également. Avec les assistants YvesVanderhaeghe, RudyVerkempinck, PhilippeVande Walle, on trouve toujours quelqu’un sur qui s’appuyer pour travailler ses lacunes physiques, tactiques ou techniques. On n’a pas de star dans l’équipe, mais on forme un groupe et on a envie de se surpasser. On démontre qu’avec une bonne mentalité, on peut y arriver.  »

Courtrai peut-il ambitionner les playoffs ?  » Au départ, l’objectif était clair : c’était le maintien. Cet objectif-là est déjà atteint, tout ce qui vient en plus sera du bonus. Si l’on échouait, ce serait seulement une petite déception. « 

La grosse déception, c’est l’élimination de la Coupe de Belgique par Roulers.  » Après avoir sorti le Standard, c’est râlant d’être éliminé par le voisin flandrien. Récemment, on a retrouvé Roulers en championnat. Leekens n’a pas dû chercher très longtemps les mots susceptibles de nous motiver : – Rappelez-vous, c’est cette équipe-là qui vous a éliminés ! Moi aussi, j’ai insisté sur ce point lorsqu’on a formé un cercle sur le terrain avant le coup d’envoi. On n’a jamais été aussi concentré ! Et quelque part, en battant Roulers, on a aidé Charleroi…  »

 » J’ai savouré la victoire contre Charleroi « 

Tout le paradoxe est là : Roulers, au même titre que Lokeren, est devenu un adversaire direct des Zèbres dans la course au maintien… alors que les ambitions carolorégiennes se situaient bien plus haut.  » En toute logique, Charleroi aurait dû être à la place de Courtrai et inversement « , reconnaît Vandenbroeck.  » Comment le Sporting en est-il arrivé là ? L’effectif carolo recèle énormément de qualités. Individuellement, chaque joueur peut sans doute ambitionner le top 3 ou le top 4. Mais il manque cette volonté de se mettre au service du groupe. Si le Sporting encaisse dans le premier quart d’heure, cela tourne au vinaigre. Au lieu de se retrousser les manches, tout le monde s’engueule. On oublie le pressing, ou on ne l’exerce pas tous en même temps et ça ne sert à rien. Le public, qui peut être formidable au Mambourg, n’aide pas toujours non plus. En se rendant au stade, il est déjà énervé par la place qu’occupe son équipe au classement. Il n’est donc pas enclin à pardonner. Si les joueurs ne répondent pas à l’attente, il commence à siffler… Je peux comprendre, mais en agissant de la sorte, il n’aide pas. J’ai rarement vécu un match à Charleroi où tout le public applaudissait en même temps. A titre de comparaison : je me souviens d’un match avec Courtrai, qu’on a perdu 1-4 à domicile contre le Club Bruges. Au coup de sifflet final, le public a applaudi. Si cela s’était passé à Charleroi, on serait sorti sous les huées en évitant les jets de projectiles en tous genres. « 

Courtrai a déjà affronté Charleroi à deux reprises cette saison : 3-3 au Mambourg en début de saison, et récemment, 2-1 au stade des Eperons d’Or. Une victoire que Vandenbroeck a savourée.  » Si j’avais pu rester une heure de plus sur le terrain, à faire la fête, je ne m’en serais pas privé. A l’aller, déjà, j’avais inscrit mon premier but en D1 : j’avais bu du petit lait également. La revanche, c’est quasiment le thème de notre saison à Courtrai. Leekens joue beaucoup sur ce sentiment. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un joueur affronte l’un de ses anciens clubs. La tradition veut qu’en cas de victoire, il offre le champagne à ses coéquipiers. « 

 » Je suis devenu égoïste « 

Bien qu’il soit toujours sous contrat avec Charleroi jusqu’en 2011, et qu’il devrait logiquement retourner au Mambourg l’été prochain, définitivement ou en transit, Vandenbroeck ne cache pas que le changement d’air lui aura fait du bien :  » J’ai parfois été déboussolé au Sporting. Je n’avais plus de points de repères : les valeurs qui m’avaient été enseignées n’avaient subitement plus cours. J’ai grandi dans un univers où l’amitié et la solidarité étaient instaurées par des entraîneurs formateurs. Et je me suis retrouvé dans un univers où c’était chacun pour soi. Dans mes équipes précédentes, la première réaction des partenaires lorsque quelqu’un perdait le ballon était de se démener pour le récupérer. A Charleroi, lorsqu’on perd le ballon, on voit surtout des coéquipiers râler. C’est toute la différence, mais elle est énorme. Dans ce contexte, j’ai perdu confiance. Le pire, c’est que cet état d’esprit est contagieux : je me suis surpris, à mon tour, à râler lorsqu’un partenaire perdait le ballon. Je n’étais plus moi-même. Une anecdote : lors du seul match que j’ai encore joué au deuxième tour (à Lokeren, à l’époque encore entraîné par… Leekens !), je me suis surpris à devenir égoïste. Je me suis encouragé en me disant : – David, essaiedefaireunebonneprestation, toi ! Je ne pensais plus qu’à moi alors que cela ne me ressemble pas. A Tubize, c’est le groupe qui avait permis à l’équipe d’émerger en D2, car les qualités individuelles étaient inférieures à celles de beaucoup d’adversaires. A Courtrai, c’est un peu pareil. A Charleroi, c’est le contraire : les qualités individuelles sont immenses. L’état d’esprit, en revanche…  »

Il ne le dit pas en ces termes, mais à Charleroi, Vandenbroeck a parfois eu l’impression d’être un étranger dans un groupe de Français…  » Dans mes clubs précédents, on prenait du plaisir à se retrouver. Lorsqu’on allait manger un bout avec l’équipe, cela se prolongeait. Avec le Sporting, on se retrouvait parfois au restaurant aussi, mais c’était : – Pansepleine, aurevoirGermaine ! Cet état d’esprit se répercute, forcément, sur le terrain.  »

Vandenbroeck ne condamne pourtant pas le groupe de Charleroi.  » Peut-être que, si on lui laissait le temps de grandir, la sauce finirait par prendre. Le problème, c’est qu’on ne lui en laisse pas le temps. Au mercato de janvier, c’est GeoffreyMujangiBia qui est parti pour l’Angleterre. Bravo pour lui, mais c’est une perte de qualité pour le Sporting : un joueur qui a une capacité de dribble exceptionnelle. Sur dix tentatives, il passe son adversaire à neuf reprises. AdlèneGuédioura a, lui, une puissance phénoménale en pénétration. Il y a d’autres joueurs de ce type à Charleroi. Tous très forts individuellement…  »

par daniel devos

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