Le challenger

Petit portrait du justicier colombien face aux « intouchables » Schumacher et Barrichello.

Jamais, de toute l’histoire de la Formule 1 moderne, qui vit le jour en 1950, la domination d’une marque n’avait atteint pareil paroxysme. Avec 173 points, deux fois plus exactement que son poursuivant immédiat, Williams-BMW, Ferrari caracole entête du championnat des constructeurs. Et avec 122 points, soit 71 de plus que son coéquipier, Michael Schumacher, nargue littéralement la concurrence dont le plus vaillant représentant, le Colombien Montoya tente vaille que vaille de limiter les dégâts.

« Ce que je pense de la domination outrancière de Ferrari? », expliqua-t-il lors de la conférence de presse à l’issue du GP de Belgique qu’il a bouclé en troisième position derrière les barons rouges, c’est comme ça. Il n’y a rien qu’on puisse y changer. » Malgré ce fatalisme, il n’entend pourtant pas baisser les bras. « A trois Grands Prix de la fin, Rubens Barrichello possède 7 points d’avance mais la course automobile est ainsi faite que tout peut encore arriver. Je n’ai pas abandonné l’espoir de terminer deuxième du championnat. »

Un calme

ontoya est relativement nouveau dans le cénacle restreint de la Formule Un puisqu’il en est seulement à sa deuxième saison. Mais il n’est pas pour autant un enfant de choeur. Son style généreux n’est pas sans rappeler celui d’ AyrtonSenna, son idole: « J’aimais la manière dont il se comportait en tant que personne. Et la façon dont il conduisait sa monoplace, toujours à l’extrême limite. Et puis aussi sa maîtrise lors des qualification » (NDLR: Senna détient toujours le record absolu avec 65 pole positions contre 48 à Schumacher).

Un exercice subtil où la Colombien ne se débrouille pas trop mal puisque cette saison, il a signé six meilleurs temps lors des qualifications contre cinq à Schumi himself. Ce qui prouve à souhait qu’il est intrinsèquement rapide. Et parfaitement maître de lui-même. En fait, Juan Pablo est en train de faire mentir les stéréotypes relatifs aux Latins, très souvent « émotionnels ». Il est resté étonnement calme après ses malheureuses pannes moteur à Montréal et à Monaco où ses chances étaient grandes de terminer confortablement dans les points voire même de remporter l’épreuve canadienne.

« Même si les situations étaient frustrantes, j’étais calme. Cela n’avance à rien de crier et de shooter dans tout ce qui bouge. Intérieurement, je ne bouillonnais même pas car seule la fatalité était en cause. Personne n’était responsable de cette situation.Et surtout pas les mécaniciens qui étaient certainement plus désolés que moi. »

Une dernière affirmation qui a son importance quand on tente de cerner un pilote extrêmement populaire avec ses ingénieurs et ses mécanos. C’est dû à son comportement naturellement simple et respectueux: « Je ne me sens en aucun cas supérieur à qui que ce soit dans l’équipe Williams. La F1 est avant tout un sport collectif. Vous gagnez ensemble et vous perdez ensemble. En règle générale, cette année je travaille mieux avec le team que car je comprends mieux comment tirer la quintessence de la voiture. La saison dernière, je savais ce qui n’allait pas mais je n’étais pas toujours capable de remédier au problème. Cette année, je commence à savoir ce qu’il faut faire. Il y a tellement de choses que vous pouvez régler ou modifier sur une F1… »

Une adaptation rapide mais difficile

Juan Pablo Montoya a débarqué l’an dernier en F1 après avoir passé deux saisons aux Etats-Unis en série CART FedEx avec grand succès puisque dès sa première année là-bas, en 99, il devint le plus jeune champion (24 ans) de l’histoire de ce championnat. Une façon de confirmer sa précocité au volant. A cinq ans déjà, il montait dans un kart et remportait sa première victoire.

« Pour autant que je m’en souvienne, je ne rêvais que de cela. Personne ne m’y a poussé. Par après, j’ai tâté du foot, du tennis, de la course à pied… mais sans grand succès. La seule discipline dans laquelle je ne me débrouillais pas trop mal était le kart. Alors, tout naturellement, j’ai continué dans cette voie. »

En deux petites saisons américaines, il s’est constitué un joli tableau de chasse: dix victoires (dont les célèbres 500 Miles d’Indianapolis) et 14 pole positions pour le compte du Chip Ganassi Racing. De quoi se rappeler au bon souvenir de Frank Williams qui l’avait déjà enregistré dans son petit carnet lors de son passage dans le championnat de FIA de Formule 3000 qu’il a terminé en deuxième position en 97 et qu’il a remporté en 98, année où il fut aussi pilote d’essai pour l’écurie F1 Williams.

Dès sa première saison parmi l’élite, Montoya casse la baraque puisqu’il parvient à s’imposer en Italie et termine le championnat à une remarquable sixième place. Un bilan qui pourrait faire croire à une grande aisance. A tort.

« Même si elle fut globalement très réussie, ma première année en F1 fut difficile pour plusieurs raisons. J’ai surtout dû m’adapter à un tas de choses: des nouveaux tracés de circuits routiers -moi qui m’étais habitué à une majorité d’ovales, très amusants, soit dit en passant- des pneus à dessins, un pilotage automatique de démarrage, le contrôle de traction »…

Parlons-en de ces « aides au pilotage » auxquelles on peut ajouter la boîte de vitesse automatique… « Je les préfère nettement à ce qui se faisait avant, y compris le changement de vitesses manuel. La programmation d’une voiture, et précisément celle des rapports de boîte, requiert de grandes qualités techniques. C’est une façon de faire différente mais tout aussi stimulante. »

Même si Montoya avoue un intérêt pour la mécanique et la mise au point (il préparait lui-même ses go-karts, y compris les moteurs), il reconnaît humblement l’extrême complexité d’une F1: « Le plus difficile lors de la transition fut certainement les très nombreux réglages. Une monoplace CART réagit facilement, une F1 est beaucoup plus pointue. Elle réagit parfois de manière imprévisible aux changements. De plus, malgré l’électronique, je la trouve plus difficile à conduire. Un exemple: une voiture parfaitement réglée le matin lors du warm-up peut devenir incontrôlable l’après-midi si la température augmente un peu trop. Avant la course, il vous reste seulement quelques tours pour tenter de la mettre au point avant de la placer sur la ligne de départ. A ce moment, si elle n’est pas encore à votre goût, il ne reste plus qu’une dizaine de minutes pour tenter de la régler. Dans ces cas-là, la pression est importante et l’expérience -que je ne possède pas encore vraiment- est déterminante. La concurrence est aussi plus importante en F1. Aux USA, il y avait quatre ou cinq gars qui pouvaient vous rendre la vie dure. Maintenant il y en a une quinzaine. »

Bernard Geenen

« Dans l’équipe, je ne suis au-dessus de personne »

Encadré

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire