Le cauchemar

Vainqueur de la Coupe des Coupes à Bruxelles en 1996 face au Rapid Vienne, le club parisien traverse la période la plus noire de son histoire. Après l’Affaire Dhorasoo et la mort d’un supporter, le spectre de la relégation menace toujours…

La Ligue Jupiler aurait-elle la même saveur sans le Standard ? En France, la fiction risque de devenir réalité, car l’un des plus prestigieux acteurs de la Ligue 1 pourrait quitter la scène la saison prochaine. Car le PSG reste sous la menace de la relégation.

La fin de la saison dira si Paris a sauvé sa tête le 1er avril avec un succès 2 buts à 1 à Lens, une victoire inattendue contre le deuxième du championnat ce jour-là. Après ce match, les propos des joueurs respiraient le parfum de la délivrance.  » Je retiens l’état d’esprit « , a souligné Sylvain Armand, auteur du deuxième but parisien.  » J’ai senti une réaction plutôt positive après l’égalisation, ce qui n’est pas forcément habituel. On s’est dit qu’il fallait rester solidaire malgré la pression « . Après des mois de doutes et d’échecs, Paris s’offrait un peu de répit dans sa descente aux enfers débutée par la violente polémique autour de Vikash Dhorasoo.

Lassé d’être mis sur la touche par Guy Lacombe durant l’été 2006, l’ancien international français sort de sa réserve en critiquant ouvertement son entraîneur dans une série d’interviews fin septembre. Dhorasoo traite Lacombe de  » menteur  » et se dit  » humilié  » de ne plus faire partie du groupe professionnel parisien.  » Dhorasoo n’est pas assez performant « , répond Lacombe.  » Il faut que je le dise en grec ou en latin ? »

Le président du club parisien, Alain Cayzac, prend la défense de son entraîneur :  » Je n’ai pas du tout apprécié les interviews de Dhorasoo. Il s’autoproclame star, ce qui est peut-être un manque de modestie. Il s’auto exclut de l’équipe. Je lui ai demandé de ne plus faire de déclarations. Je n’ai rien d’autre à lui dire. J’ai discuté avec Pauleta qui m’a affirmé ne jamais avoir apporté son soutien à Vikash « .

Après deux semaines de réflexion, le feuilleton Dhorasso s’achève sur le licenciement pur et simple du vice champion du monde. Fait rarissime dans le football, le PSG signifie à son joueur une rupture immédiate de son contrat, qui expirait normalement le 30 juin 2007, en observant des manquements à son  » obligation de réserve « , son  » devoir de loyauté  » ainsi que des  » actes d’insubordination, de désobéissance « , et une  » attitude de provocation permanente « . Les mauvaises langues diront que désormais Dhorasoo aura plus de temps pour se consacrer à la sortie de son film, Substitute… Aujourd’hui l’ancien Parisien n’a toujours pas retrouvé de club, après un essai décevant à Fulham.

Après le cas Dhorasoo, la mort d’un Boulogne Boy

En se débarrassant de son capricieux milieu de terrain de poche, le PSG pensait pouvoir retrouver un peu de sérénité, mais le pire restait à venir pour le club de la Porte d’Auteuil… Le jeudi 23 novembre 2006, le PSG est humilié 4 buts à 2 sur sa pelouse par le modeste club israélien de l’Hapoël Tel-Aviv, en match de poule de la Coupe de l’UEFA. A la surprise générale, Tel-Aviv mène 2 buts à 0 après six minutes de jeu seulement ! Les premiers signes de tension éclatent aussitôt entre supporters des deux équipes. L’échange de provocations se fait de plus en plus violent au fil du match. Au coup de sifflet final, l’absence de débordement tient du miracle ! Répit de courte durée puisque dès la sortie du stade, plusieurs bandes de hooligans débordent rapidement les effectifs de police, en nombre insuffisant. Membre des Boulogne Boys, un club de supporters proche de l’extrême droite française, Julien Quemener, 25 ans, est tué par un policier qui tentait de s’interposer entre des hooligans et un spectateur dont le seul tort était d’être juif. Auteur du coup de feu mortel, le gardien de la paix Antoine Granomort, 32 ans, agissait en état de légitime défense selon la justice française. Une version confirmée par les nombreux témoins présents sur les lieux. Pendant plusieurs jours, le drame de la Porte de Saint-Cloud fait la une de tous les journaux français. Le PSG traverse la période la plus sombre de son histoire, un cauchemar éveillé qui aujourd’hui encore hante le Parc des Princes.

Le Guen ne fait pas mieux que Lacombe, viré

Sur le plan sportif, les Parisiens ont déjà perdu beaucoup d’illusions à ce moment de la saison. Après 15 journées, Paris est 14e à 5 points du premier reléguable, Nantes 18e. Personne ne parle encore de relégation, mais deux mois plus tard, le samedi 13 janvier, la situation du PSG s’aggrave encore. Battu par Valenciennes (1-2) au Parc des Princes, Paris est désormais 17e, au bord du gouffre de la Ligue 2. Deux jours après cette nouvelle défaite, Lacombe est destitué de son poste d’entraîneur par Cayzac en touchant 4 millions d’euros d’indemnités de licenciement. Arrivé le 27 décembre 2005, son bilan en tant qu’entraîneur du PSG est de 8 victoires, 14 défaites et 16 nuls sur 38 matches joués en Ligue 1. L’ancien milieu de terrain du PSG, Paul Le Guen, le remplace avec la lourde charge de maintenir le club en Ligue 1. Pour son premier match sur le banc, Le Guen débute par un nul (0-0) face à Toulouse au Parc des Princes. Le nouveau coach parisien n’aura pas beaucoup plus de chance quelques jours plus tard, le dimanche 4 février, lors du déplacement à Marseille. Grâce à un but de Pauleta, Paris arrache le match nul (1-1) mais Le Guen perd l’un des cadres de l’équipe, Mario Yepes. Une semelle de Djibril Cissé fracture la malléole du défenseur parisien, qui doit faire une croix sur la fin de la saison. La perte du Colombien, connu pour être l’un des meneurs du groupe parisien, est un nouveau coup dur.

La série noire continue le 25 février lors de la 26e journée, avec la première défaite de l’histoire du PSG au Parc des Princes face à Saint-Etienne. C’est aussi la première défaite de Paris à domicile depuis que Le Guen a pris en main les destinées du club. Toujours 17e, le PSG n’est pas encore reléguable, mais la menace de la descente se fait de plus en plus pressante, ne devant sa 17e place qu’au bénéfice d’une meilleure différence de buts sur le 18e, Valenciennes. Confirmant le catastrophique bilan du début d’année, la spirale infernale se poursuit par une défaite à Sedan (2-0), puis par un nouveau revers à domicile face à Auxerre (0-1). Avant-dernier du classement pour la première fois de la saison, Paris s’enfonce un peu plus vers la relégation. Cette fois, le malaise est profond.

 » On nous voit mort mais on ne l’est pas  » (Traoré)

Au lendemain de la défaite face à Auxerre, le lundi 12 mars, une ambiance lourde et pesante règne au Camp des Loges, le centre d’entraînement. Visages fermés, les joueurs semblent même résignés. Après l’entraînement, ce matin-là, très peu d’entre eux acceptent de s’exprimer face à la quinzaine de journalistes présents. Jérôme Rothen s’engouffre rapidement dans son coupé Porsche, tandis que Mickaël Landreau et Sylvain Armand s’éclipsent également sans la moindre réaction sur la défaite de la veille. En capitaine responsable, Pauleta prend la parole quelques minutes :  » Plus que jamais, il faut donner le maximum sur le terrain, tout le monde est bien conscient de la situation après cette défaite à domicile. Il va falloir rester solide pour les 10 matches qu’il nous reste « .

Arrive Sammy Traoré, comme à son habitude le défenseur parisien de 1,94 m parle longuement :  » On a mieux joué que face à Sedan, mais le résultat est le même. On a eu le monopole du jeu pendant la première demi-heure, mais ce but nous a assommés. C’est difficile, mais on va s’accrocher. Le groupe est soudé, on tire tous dans le même sens. A nous de le démontrer face à Rennes. Aujourd’hui tout le monde nous voit morts. Ça tombe bien, parce que nous savons que nous ne sommes pas morts !  »

Un appel confirmé par Peguy Luyindula qui évoque l’aspect mental du groupe :  » Il y a un blocage psychologique, mais on a tous conscience de l’urgence de la situation. Il faut se libérer pour aller chercher les victoires. Qu’on marque du talon, de la tête, du dos, des fesses, peu importe, mais il faut marquer !  » Le Tchèque ancien Brugeois David Rozenhal garde un certain espoir, en confirmant que le dialogue est réel dans l’équipe :  » On s’est parlé entre joueurs après le match, mais cela doit rester dans le vestiaire. Le plus important, c’est de rester calmes et soudés. On est prêt pour relever la tête « .

Mi-mars : cinquième défaite de rang à Rennes !

Malgré les conséquences désastreuses de la défaite contre Auxerre, Le Guen annule l’entraînement du mardi et donne une journée de repos à ses joueurs. Une façon aussi peut-être de laisser passer l’orage, au moins dans les esprits, avant le déplacement à Lisbonne, trois jours plus tard, face au Benfica car Paris est toujours en course en Coupe de l’UEFA. Un rendez-vous de gala qui ressemble à une parenthèse dorée à des années lumières du quotidien besogneux du PSG en championnat. Malgré un match méritant dans un stade de la Luz archicomble, Paris perd 3 buts à 1, en encaissant un dernier goal sur penalty en toute fin du match. Dernier club français encore engagé en Coupe d’Europe, Paris est éliminé en huitièmes de finale de la Coupe de l’UEFA. Il faut maintenant évacuer la frustration d’un léger sentiment d’injustice lié à ce penalty et cette faute idiote du jeune Mulumbu pour se concentrer sur le match de Rennes. Mais il n’y aura pas de miracle face aux Bretons qui s’imposent 1-0 au stade de la Route de Lorient. Paris enregistre sa 5e défaite consécutive toutes compétitions confondues. Cela fait 361 minutes que le PSG n’a pas inscrit le moindre but en championnat. Cette fois la situation est carrément dramatique et ce n’est pas les statistiques qui vont rassurer les Parisiens. Sur les dix dernières saisons, seuls deux clubs dans la même position à 9 journées de la fin ont réussi à se maintenir (Le Havre en 1999 et Guingamp en 2002).

Futsal contre les champions du monde 1998 !

Au retour du déplacement à Rennes, le lundi 19 mars, le Camp des Loges est désespérément vide, laissant une certaine résignation dominer tout sentiment de révolte. Seuls deux supporters courageux attendent les joueurs derrière les grilles de l’entrée pour quelques autographes. Mais la tension reste vivace dans le groupe parisien comme en témoigne le carton rouge reçu par Bernard Mendy en fin de match à Rennes.  » Je regrette mon geste… Il y a de la frustration là dedans. Je me sens un peu coupable parce que beaucoup de joueurs sont blessés. Je ne dois pas craquer dans ces moments-là « .

Paris est désormais 19e à deux points du premier non relégable, Troyes. La Ligue 1 s’éloigne à grand pas, Paris est désormais au fond du trou, en espérant que la trêve internationale qui arrive puisse remobiliser le groupe.  » On a besoin de cette coupure parce que le climat actuel est difficile « , ajoute Mendy.  » On a quinze jours pour récupérer et repartir sur de bonnes bases « .

Cette semaine-là, les Parisiens se changent un peu les idées en rencontrant les enfants de la Fondation PSG. Le vendredi 23 mars, ils reçoivent même la visite surprise du maire de Paris, Bertrand Delanoë qui a voulu indiquer son soutien dans un contexte difficile. Enfin, le week-end, le PSG dispute un tournoi de foot en salle au Palais Omnisport de Paris-Bercy face aux champions du monde 1998. Une façon plutôt insolite de préparer des échéances cruciales pour un club qui joue sa survie, mais qui, finalement, s’est peut-être révélée salutaire avec cette victoire à Lens, ce fameux 1er avril. Une date qui rentrera peut-être dans les annales du club parisien si le redressement se poursuit lors des huit derniers rendez-vous de la saison 2006-2007, même si Le Guen reste très prudent : » Je serai soulagé le jour où nous serons sortis d’affaire « .

Au programme du PSG après le déplacement à Bordeaux, la venue de l’un de ses rivaux dans la course au maintien, Nantes, qui possède le record du plus grand nombre de saisons consécutives en Ligue 1(45). Une série qui risque fortement de s’achever cette année puisque les Canaris se traînent, confirmant l’échec du recrutement de Fabien Barthez. Aujourd’hui, il est pratiquement acquis que l’une de ces deux équipes historiques du championnat de France, Nantes ou Paris, prendra le wagon de la descente pour la Ligue 2 !

par sébastien binet-décamps – photo: belga/reuters

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