Le but est atteint

Après trois ans à Extremadura, le gardien limbourgeois entame une nouvelle expérience espagnole au Betis de Séville.

D’Almendralejo, où il a résidé pendant trois ans, à Séville, où il vient d’emménager, il n’y a que 200 kilomètres. Extremadura, son ancien club, était également un néo-promu en D1 lorsqu’il l’avait rejoint en 1998. Tout comme le Betis Séville aujourd’hui. Mais, à 32 ans, Ronny Gaspercic a l’impression de découvrir un monde de différence.

« Le Betis est un club doté d’une riche tradition », constate-t-il. « Même s’il vient de réintégrer l’élite, c’est l’un des clubs les plus populaires d’Espagne. Les moyens financiers sont là, grâce surtout à un homme, le président Manuel Ruiz de Lopera. Le stade a abrité des matches de Coupe du Monde en 1982 et les supporters n’attendent que quelques résultats pour en reprendre le chemin en masse. Je passe aussi d’une province rurale, l’Extremadure considérée comme l’une des plus pauvres du pays, à une ville au passé historique flamboyant. Lorsque des amis limbourgeois ont appris que j’allais habiter à Séville, ils m’ont jalousé. Ils sont amoureux de ce coin d’Andalousie. Je ne crache pas dans la soupe, cependant. J’étais très content d’avoir signé pour Extremadura, autrefois. Cette expérience avait son charme. C’était le club d’une petite ville de 28.000 habitants qui allait défier les grands d’Espagne, aux moyens cent fois supérieurs. Ma première saison là-bas fut très excitante. Le club a malheureusement fait la culbute, mais je n’ai pas regretté non plus la première saison dans l’antichambre. La deuxième en D2, en revanche, fut de trop ».

Lorsqu’il apparut, assez tôt dans la saison, qu’Extremadura n’allait pas remonter, Ronny Gaspercic a donc multiplié les contacts pour trouver un nouvel employeur d’un niveau supérieur. « L’envie de défendre les couleurs d’un grand club me démangeait. C’était mon ambition dès le départ, lorsque j’avais signé pour Extremadura. Dans mon esprit, ce club devait me servir de tremplin. Mais, lorsque l’équipe a chuté en D2, le président n’a pas voulu me libérer car il comptait sur moi pour une remontée immédiate. Cet objectif n’a toutefois pas été atteint et, après une saison dans l’antichambre, j’ai manifesté une nouvelle fois mon envie de partir. Je savais que d’autres clubs, dont déjà le Betis Séville, s’intéressaient à moi mais ils ont reculé devant la somme de transfert demandée. J’ai alors menacé Extremadura d’aller au bout de mon contrat afin d’obtenir un transfert libre. Finalement, un an plus tard, j’ai tout de même débarqué au Betis. Ma patience a été récompensée. Le Betis n’a assuré sa promotion que lors de la dernière journée de championnat. A ce moment-là, les négociations étaient déjà plus avancées avec d’autres clubs, dont Malaga et Alavés. Des clubs anglais étaient sur les rangs également, mais ma venue dépendait du départ d’autres joueurs. Je suis heureux de ma décision. Le Betis reste sur quelques saisons décevantes, mais tous les éléments me semblent réunis pour un retour réussi au plus haut niveau ».

Ruud Hesp comme modèle

Ronny Gaspercic souhaitait surtout retrouver l’élite après deux saisons de purgatoire: « Mais ce n’est pas aussi facile qu’on le pense. Les bons attaquants n’ont pour ainsi dire que l’embarras du choix: les clubs se les arrachent. Pareil pour les bons meneurs de jeu. Pour les joueurs qui occupent d’autres positions, en revanche, c’est plus ardu. Je n’ai pas choisi la solution de facilité en optant pour le Betis. Je sais que la concurrence sera rude. Antoni Prats est un excellent gardien et ma place de titulaire n’est pas assurée d’avance. J’ai pris un risque. Mais, si je n’avais pas tenté le coup, je l’aurais regretté. On fera le bilan en fin de saison. Si je me morfonds sur le banc, on considèrera que j’ai commis une erreur. Je ne peux pas le savoir aujourd’hui. Il faut un peu de chance pour faire carrière. La réussite dépend de tellement de facteurs. D’aucuns affirment qu’ Erwin Lemmens a fait un mauvais choix en optant pour Santander, un club qui est descendu en D2 et dont il n’est que le deuxième gardien. Mais on ne peut jamais le savoir à l’avance. Ailleurs, y compris dans des clubs plus prestigieux, il aurait peut-être été titulaire. Je prends souvent l’exemple de Ruud Hesp. Lorsqu’il a quitté Roda JC, il n’était que deuxième ou troisième gardien. Il est devenu titulaire au FC Barcelone, qui lui cherche toujours un digne successeur à l’heure qu’il est. Sa réussite m’a donné la conviction que, même en quittant la Belgique en qualité de modeste gardien de Harelbeke, on peut s’imposer dans le championnat d’Espagne ».

Technique et rapidité sont deux qualités essentielles

L’Espagne n’est pas une terre propice à l’éclosion des footballeurs belges. Rares sont ceux, d’ailleurs, qui s’y sont aventurés. « Pourquoi les clubs espagnols s’intéressent-ils aussi peu aux joueurs belges? Parce qu’ils recherchent avant tout des noms. Des joueurs qui ont remporté des trophées, qui se sont constitués un palmarès, qui ont brillé sur la scène européenne et qui représentent quelque chose aux yeux du public. Les images du championnat de Belgique ou des Pays-Bas sont très rarement diffusées sur les chaînes espagnoles. Les gens connaissent un peu mieux les joueurs néerlandais grâce à l’équipe nationale. Dans l’ensemble, les clubs hésitent aussi à enrôler des footballeurs du nord car ils savent que leur adaptation sera difficile. En raison du climat, du style de jeu mais aussi de la barrière de la langue. La plupart des gens, ici, ne parlent que l’espagnol. Et pour les étrangers qui n’ont pas été imprégnés par la culture latine, cette langue est difficile à apprendre ».

Quelles qualités faut-il pour réussir dans le football espagnol? « Selon moi, technique et rapidité sont deux qualités essentielles », estime Ronny Gaspercic. Est-ce à dire que les quelques footballeurs belges qui ont tenté leur chance ne possédaient pas l’une des ces deux vertus? « Je n’oserais pas porter de jugement à cet égard », poursuit le gardien du Betis. « Ces joueurs ont aussi joué de malchance. Dominique Lemoine avait des problèmes aux adducteurs, Gert Claessens a eu le malheur de perdre son père dans des circonstances dramatiques lorsqu’il était à Oviedo et Frédéric Peiremans n’a pratiquement jamais été en état de jouer depuis qu’il a débarqué à la Real Sociedad. Mais je verrais bien Emile Mpenza dans le football espagnol. Lui possède toutes les qualités pour s’imposer ici. Une équipe comme Valence, qui s’appuye sur une base défensive solide et spécule souvent sur le contre, lui conviendrait à merveille. Il pourrait former un duo très complémentaire avec John Carew« .

Ronny Gaspercic s’est forgé une belle réputation en Espagne. Depuis sa première saison réussie à Extremadura, son nom fut même cité dans le cadre d’un possible transfert vers l’un des grands clubs du pays: le FC Barcelone et le Real Madrid. « J’étais probablement l’un des candidats parmi une longue liste. C’est flatteur, car quels sont les gardiens belges qui peuvent se targuer d’avoir réussi dans des grands clubs étrangers? Jean-Marie Pfaff et Michel Preud’homme, c’est tout. Les critiques ont souvent été positives à mon égard. Maintenant, je devrai le démontrer dans un club de renom ».

Le championnat des stars

Depuis cette saison, le Betis possède un nouvel entraîneur: Juande Ramos, qui arrive du Rayo Vallecano. « Après Rafael Benitez (aujourd’hui à Valence) et José Ortuondo, il est mon troisième entraîneur en Espagne. Il a propulsé le Rayo Vallecano, modeste club de la banlieue madrilène, en quart de finale de la Coupe de l’UEFA. Cela démontre qu’il est un entraîneur de qualité. Maintenant, il est encore trop tôt pour se prononcer sur ses chances de réussite au Betis ».

Le président est toujours Manuel Ruiz de Lopera, un richissime homme d’affaires dont le nom est inévitablement associé au Betis. « C’est lui qui confère au club les moyens de ses ambitions. Je me suis laissé dire qu’il possédait 27 entreprises. Le seul contact que j’ai eu avec lui remonte au moment où j’ai signé mon contrat dans son bureau. Il m’a semblé avoir un sens des affaires très aiguisé. Avoir un patron tout-puissant présente des avantages et des inconvénients. D’un côté, on sait à qui il faut s’adresser lorsqu’on a un problème et le conseil d’administration n’a pas besoin de se réunir dix fois pour prendre une décision. D’un autre côté, lorsqu’un club est dirigé par un seul homme, ses méthodes sont parfois dictatoriales ».

La vedette de l’équipe est le Brésilien Denilson. Acquis en son temps pour 1,1 milliard de francs, il avait à l’époque constitué une grosse déception, mais il semble enfin répondre à l’attente. « Lorsqu’il avait débarqué, il avait 19 ans », se souvient Ronny Gaspercic. « La pression était sans doute trop lourde pour ses frêles épaules. Car l’attente était énorme. Aujourd’hui, il n’a jamais que 22 ans. C’est encore très jeune, mais il a déjà trois saisons d’expérience européenne derrière lui ».

Durant la période de préparation, le Betis est parti en stage… à Jerez! « Contrairement aux autres clubs espagnols, nous ne sommes pas allés chercher la fraîcheur dans le nord. Mais le stage s’est bien passé. Les infrastructures et le logement étaient de qualité. Et la chaleur était supportable ».

Les ambitions, pour cette saison? « D’abord le maintien, puis on verra », répond sagement Ronny Gaspercic. « Dans le passé, le club avait sans doute clamé un peu vite qu’il allait tout balayer sur son passage. La désillusion fut à la mesure des espérances. La Liga espagnole est exigeante et il serait présomptueux de crier sur tous les toits qu’on visera une qualification européenne. Si nous y parvenons, tant mieux ».

Zidane, le maître achat?

Le championnat d’Espagne est parfois surnommé La Liga de las Estrellas. Le championnat des stars. La compétition mérite encore plus ce superlatif, maintenant que Zinedine Zidane et Luis Figo ont été associés sous le même maillot blanc du Real Madrid. « Les Madrilènes sont bien sûr considérés comme les principaux candidats à leur propre succession. Mais j’ai vu jouer le FC Barcelone à la télévision et le jeune Argentin Javier Saviola m’apparaît comme un joueur exceptionnel. Derrière ces deux grands, tout est possible. La Liga espagnole est sans doute, en profondeur, le meilleur championnat d’Europe. Les clubs ont démontré leurs qualités sur la scène européenne. L’an passé, on a retrouvé quatre clubs espagnols en quarts de finale de la Coupe de l’UEFA. Et s’ils n’avaient pas été opposés à ce stade de la compétition, ils se seraient peut-être hissés tous les quatre en demi-finales ».

Et du côté des gardiens de but? « J’admire Iker Casillas pour ce qu’il réalise à son âge. Mais Santiago Cañizares est sans doute le meilleur gardien espagnol. Il s’est révélé sur le tard, car il a dû longtemps patienter dans l’ombre de Bodo Illgner au Real Madrid et d’ Andoni Zubizarreta en équipe nationale, mais il a su saisir sa chance depuis qu’il est parti à Valence. Il est le plus régulier et le plus complet. En Espagne, on attend surtout d’un gardien qu’il réalise des exploits. On préfère l’arrêt décisif à la sobriété. Est-ce à dire que Filip De Wilde n’aurait pas pu réussir en Espagne? Il serait sot de l’affirmer car, quel que soit le style, c’est le rendement qui compte. Et Filip est un excellent gardien ».

Daniel Devos, envoyé spécial à Séville

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