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Le bulldozer de Bulawayo

L’histoire de Marvelous Nakamba a débuté dans les rues de Makokoba, l’a mené à Dallas et à Nancy avant de faire étape à Bruges. Portrait du successeur africain de Timmy Simons.

Makokoba, le premier township de Bulawayo, est de loin le quartier le plus sombre de la deuxième ville du Zimbabwe. Le taux de criminalité y est affreusement élevé, le nombre de sans emploi ne cesse d’augmenter et les déchets pourrissent désespérément à la vue de tous. Les rues ensablées de Makokoba ont pourtant la réputation d’être le plus grand centre de formation improvisé du Zimbabwe. C’est là que les frères Adam, Madinda et PeterNdlovu, le footballeur le plus connu du pays, ont effectué leurs premiers dribbles. Marvelous Nakamba a également commencé à jouer à Makokoba avant de déménager à Njube, pas très loin de là.

Son père, Antony, l’emmenait parfois voir un match tandis que sa mère, Charity, avait dû émigrer en Afrique du Sud pour y trouver du boulot. L’argent et la nourriture qu’elle envoyait chaque mois permettait à la famille de survivre, sans plus. La bouée de sauvetage n’allait être lancée que plus tard par MethembeNdlovu. Début 2009, l’ex-international, très connu aux États-Unis, achetait les Eastern Lions et transférait le club de Mature, une ville à la frontière avec le Mozambique, à Bulawayo, à six cents kilomètres de là.

Le Zimbabwe était sous le choc. Nakamba, alors âgé de 15 ans, était l’une des premières recrues du projet des Bantu Rovers, qui visait à donner aux jeunes une chance de devenir footballeurs professionnels. Le leitmotiv des formateurs, c’était la polyvalence des joueurs. Un an plus tard, Nakamba effectuait ses débuts en D1 zimbabwéenne.

Repéré à la Dallas Cup

Ce n’est cependant qu’à Dallas que le rêve de Marvelous débute véritablement. Au printemps 2012, les Bantu Rovers sont l’une des 180 équipes de 20 pays différents invitées à la Dallas Cup. Pour participer au tournoi de jeunes le plus prestigieux au monde, les Zimbabwéens effectuent un trajet de dix heures de car, vingt-deux heures de vol et deux heures de contrôle douanier à l’aéroport.

Des scouts du club français de Nancy sont présents et notent le nom de Nakamba. Il est d’abord proposé au CS Bruges mais le Cercle n’en veut pas (voir encadré). Il passe alors un test à Nancy, où il est transféré en décembre. Dans un premier temps, il s’entraîne avec les U19 puis intègre l’équipe B, qui évolue en CFA, la D4 française. Malgré sa bonne volonté et les excellents rapports de l’entraîneur, Francisco Rubio, il ne parvient pas à gagner sa place en équipe première.

En mai, Nakamba refuse une proposition de prolongation de contrat à Nancy. Il part faire un test aux Pays-Bas, à Vitesse, et se met en évidence à l’occasion d’un match amical face à Chelsea. Mi-août, il signe finalement un contrat de quatre ans avec le club d’Arnhem. On l’envoie d’abord en espoirs, où il doit devenir plus costaud et s’habituer à un nouveau style de jeu.

La saison 2015-2016 est celle de la percée définitive. Au Zimbabwe, il devient un héros national lorsqu’il est aligné contre Southampton en match de tour préliminaire de l’Europa League. Il n’est que le sixième ressortissant du pays à disputer un match européen après Bruce Grobbelaar, KennedyChihuri, Norman Mapeza, Musa Mguni et Costa Nhamoineso.

Aux Pays-Bas, il devient le champion de la règle des cinq secondes instaurée par PeterBosz. Pour l’actuel entraîneur du Borussia Dortmund, une équipe n’a que cinq secondes pour récupérer le ballon lorsqu’elle l’a perdu. Chaque semaine, Nakamba se donne à fond pour satisfaire à cette exigence. Comme il endigue toutes les attaques adverses et est parfois trop impétueux au duel, on le surnomme le bulldozer de Bulawayo.

La saison suivante, Bosz part à l’Ajax. Il confie à un ami que le club amstellodammois aurait bien besoin d’un joueur comme Nakamba, qui est un peu le Ngolo Kanté des Pays-Bas. Aucun autre joueur d’Eredivisie n’intercepte, ne récupère ou ne neutralise autant de ballons que Nakamba. Avec 291 récupérations de balles, il devance des joueurs comme Eric Botteghin (286), Kamohelo Mokotjo (284) et Karim El Ahmadi (234). Mais surtout : il joue proprement.

Le nouveau Simons

Au Club Bruges, Nakamba doit un jour devenir le nouveau Timmy Simons. Ses tests médicaux ont impressionné mais on ne doit pas attendre de lui qu’il fasse tourner l’équipe.  » À Vitesse, ses récupérations de balle ont apporté au moins autant que les 20 buts de Ricky Van Wolfswinkel « , dit Marco Timmer, de Voetbal International.  » Il apportait de l’équilibre à l’équipe mais en possession de balle, il était encore un peu court. Il devrait oser jouer 20 mètres plus haut.  »

Henk Fraser aurait pourtant aimé qu’il reste encore un an ou deux à Vitesse mais le joueur a refusé de rempiler. Comme il ne lui restait plus qu’un an de contrat, le club a dû le monnayer. Il a fait une excellente affaire en le vendant à Bruges pour 3 millions d’euros. Étonnamment, aucun grand club hollandais ne s’est manifesté.

Il ne reste plus qu’à découvrir d’où vient son prénom. Car même au Zimbabwe, les Marvelous ne sont pas nombreux.  » Mes parents étaient heureux d’avoir un fils « , explique-t-il.  » Ce nom a donc une signification spéciale pour eux. C’est ce qu’ils m’ont dit. J’ai un frère qui s’appelle Blessed mais il ne joue pas au football.  »

PAR ALAIN ELIASY – PHOTO BELGAIMAGE

Bizarrement, aucun grand club hollandais ne s’est manifesté pour enrôler le meilleur récupérateur de ballons de la Eredivisie.

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