Le bide des champions

Les gars de Mario Been ont souffert dans la ligue des grands garçons. Analyse et retour sur une sortie de scène prématurée.

L’aventure est terminée, Genk devra attendre l’été 2012 pour rejouer en Coupe d’Europe. A condition de se remettre méchamment en selle dans le championnat. Les Bleus avaient bien déroulé aux tours préliminaires de la Ligue des Champions contre le Partizan Belgrade puis le Maccabi Haïfa. Quand les choses sérieuses ont commencé, ça s’est compliqué. Bilan : trois bons matches/résultats à domicile, rien à l’extérieur. Et surtout deux grosses claques. Mario Been avait dit avant de débuter :  » Il faut laisser au vestiaire cette modestie typiquement belge.  » Jelle Vossen avait exprimé des ambitions :  » Ce serait bien de prendre cinq ou six points.  »

13 septembre : Genk – Valence 0-0

-Le chiffre : le score est trompeur car Genk arrive péniblement à 7 envois, cadrés ou pas. Les Espagnols font presque trois fois mieux : 19.

-La phrase :  » C’est vrai que Valence faisait un peu ce qu’il voulait mais c’est le top en Europe.  » ( David Hubert)

Daniel Tözser :  » Dès que Mario Been est arrivé, il a mis l’accent sur la possession de ballon et un jeu limpide. Nous avons vite remarqué qu’il avait une conception fort hollandaise du foot. Contre Valence aussi, il voulait que nous ayons souvent le ballon. Tout le monde était hyper concentré et ambitieux, nous visions ouvertement les trois points, mais à l’approche du match, j’ai remarqué un stress énorme. C’était la Ligue des Champions avec tout son faste, ça n’avait plus grand-chose à voir avec les matches de championnat. Ce stress nous a un peu paralysés, encore plus les nombreux joueurs qui découvraient ce tournoi. Et surtout, nous avons rapidement compris que le propre des équipes espagnoles était de monopoliser le ballon. En plus, l’organisation de Valence était parfaite. Tout cela explique notre nombre peu élevé d’occasions et toutes les chances de but des Espagnols. Avoir réussi à ne pas encaisser, c’était donc un très beau résultat.  »

28 septembre : Leverkusen – Genk 2-0

-Le chiffre : après 119 minutes de jeu dans cette campagne (90 contre Valence, 29 à Leverkusen), Genk encaisse son premier but. Le début du calvaire : 15 autres goals suivront.

-La phrase :  » A ce niveau, si tu ne transformes pas une occasion sur trois ou quatre, tu ne dois pas espérer grand-chose.  » ( Pierre Denier, adjoint)

David Hubert :  » Tout le monde a manqué d’expérience là-bas. Leverkusen a marqué après 30 minutes. Il n’y avait rien de mal fait, il nous restait une heure pour égaliser. Et un nul aurait été très bon. L’adversaire a été très réaliste mais on ne peut pas comparer ce match au dernier Allemagne-Belgique. Les Diables devaient absolument gagner à Düsseldorf alors que pour nous, un point en déplacement aurait suffi après en avoir déjà pris un contre Valence. Nous aurions dû continuer à pratiquer calmement notre jeu, et un but aurait pu tomber. Au lieu de cela, nous avons immédiatement poussé, en nous découvrant, en nous désorganisant. Comme si nous étions dans une espèce d’euphorie. Même l’entraîneur est tombé dans le piège. Genk a été victime d’un manque d’expérience et de maturité. C’est le prix à payer quand on a une équipe jeune. C’est dommage parce que si nous avions pris un point à Leverkusen, nous aurions peut-être embêté nos adversaires pour la troisième place du groupe.  »

19 octobre : Chelsea – Genk 5-0

-Le chiffre : la possession de balle de Genk est famélique : 38 %.

-La phrase :  » S’ils n’avaient pas joué avec ce maillot d’un rose choquant, on n’aurait pas su que les joueurs de Genk étaient sur le terrain.  » (un journal anglais)

Elyaniv Barda :  » Je retiens le respect énorme que nous avons manifesté pour l’adversaire. Evidemment, nous nous retrouvions à Londres dans un stade mythique, contre une des meilleures équipes du monde. Mais après les matches contre Valence et Leverkusen, il n’y avait aucune raison de la jouer petit. Nous avions entamé les deux premiers matches en nous disant que nous avions une chance de les gagner, mais là-bas, l’état d’esprit était complètement différent. Nous partions battus d’avance, comme s’il n’y avait de toute façon rien à faire contre ce mythe. Je l’ai senti avant le match, et encore plus sur le terrain. Everybody in our team was much too soft. Nous n’avons pris que deux cartes jaunes. Ce n’est pas normal dans un rendez-vous où tu dois te défoncer pendant une heure et demie pour empêcher l’adversaire de jouer son jeu. Si nous retournons demain à Chelsea, le résultat sera fort différent. Parce que nous avons compris beaucoup de choses entre-temps.  »

1er novembre : Genk – Chelsea 1-1

-Le chiffre : 8,3/10, la cote attribuée par les experts de l’UEFA à Laszlo Köteles, élu homme du match.

-La phrase :  » Les joueurs de Chelsea étaient impressionnés.  » ( Kevin De Bruyne)

Jelle Vossen :  » Le 5-0 du match aller était dans toutes les têtes quand nous sommes montés sur le terrain. En deux semaines, nous avions mûri : nous ne voulions plus être le jouet de l’adversaire et remontrer le visage affiché contre Valence, pas l’état d’esprit qui était le nôtre à Leverkusen et à Chelsea. Quand les Anglais ont marqué, nous sommes restés très sereins. Hors de question de tendre l’autre joue, nous étions persuadés qu’il était possible de réussir un truc. Je ne suis même pas sûr que Chelsea ait été moins bon chez nous qu’à Londres. Simplement, tous les joueurs de Genk ont joué à un meilleur niveau qu’au match aller. Nous étions plus secs, plus courts sur l’homme. Avec un peu de malchance, nous aurions encore pu perdre, mais au bout du compte, ce point n’était pas volé. Et nous avons enfin marqué un but !  »

23 novembre : Valence – Genk 7-0

-Le chiffre :Roberto Soldado marque trois fois en 26 minutes : 13e, 35e et 39e.

-La phrase :  » Grâce à Genk, Soldado a une chance de jouer en équipe nationale.  » (un journal espagnol)

Laszlo Köteles :  » Un vrai cauchemar, ma pire soirée depuis que je suis à Genk. Et pourtant, nous étions tous convaincus que nous pouvions prendre quelque chose à Valence. Nous avions fait nos petits calculs, nous pensions qu’en faisant un match nul, il était possible de continuer le travail lors du dernier match à la maison contre Leverkusen et de finir à la troisième place du groupe. Il y avait plein de confiance dans le noyau. Mais après 10 minutes et le premier but des Espagnols, plus rien. Plus d’enthousiasme, plus d’organisation, personne à sortir du lot. De l’autre côté, il y avait une équipe qui avait tiré les leçons du match aller. Les joueurs de Valence étaient plus concentrés, plus agressifs, ils nous ont imposé un tempo infernal que nous n’avons jamais pu suivre. C’était 4-0 à la mi-temps et nous n’étions pas fiers en rentrant au vestiaire. Puis, l’avalanche s’est poursuivie. L’ambiance était terriblement pesante au moment de quitter Valence. Nous savions que nous allions en prendre pour notre grade dans la presse, tout le monde craignait les réactions en Belgique. Nous sommes allés à Gand le week-end suivant et le traumatisme n’était pas du tout digéré. De nouveau, nous n’avons pas existé. Et une semaine plus tard, ce 7-0 était encore dans les têtes quand nous nous sommes inclinés au Beerschot. C’est une claque qui nous a coûté très cher.  »

6 décembre : Genk – Leverkusen 1-1

-Le chiffre : Jelle Vossen marque son deuxième but dans le tournoi, les deux seuls de Genk.

-La phrase :  » Sur notre terrain, nous avons prouvé que nous avions notre place en Ligue des Champions. Je suis fier de ce que mes joueurs ont montré.  » (Mario Been)

Fabien Camus :  » Le coach a un peu contrarié sa nature dans la préparation de cette rencontre, il nous a demandé d’être légèrement plus défensifs que d’habitude et nous aurions peut-être pris plus de points si nous avions joué comme ça tous les matches. En positionnant Anele devant la défense, il a eu une super idée. Nous sommes restés bien organisés pendant la plus grande partie du match. Mais à nouveau, une erreur due à un manque d’expérience nous a fait mal. Il y a un contact, l’arbitre donne la faute aux Allemands, des gars de chez nous rouspètent au lieu de se replacer et Leverkusen égalise. On n’a pas le droit d’être aussi naïf à ce niveau. Mais c’était notre meilleur match. Maintenant, il faut vite transposer en championnat les bonnes choses montrées à certains moments. Une nouvelle saison commence et je suis convaincu qu’on va voir un autre Genk. Quand tu joues en semaine en Coupe d’Europe et le week-end en championnat, tu te concentres en priorité sur l’Europe. En plus, l’adversaire que tu vas affronter en D1 a le temps de se reposer et de t’observer. Cela nous a coûté des points. Tout devrait changer car la LC nous a aussi apporté des atouts que nous allons pouvoir exploiter en championnat. Quand tu te frottes à des joueurs du gratin mondial, tu en retires quelque chose.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » En préparant Genk – Valence, j’ai remarqué un stress énorme dans l’équipe.  » (Daniel Tözser)

 » Quand Leverkusen menait, nous étions euphoriques et nous avons poussé sans réfléchir.  » (David Hubert)

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