Le beauté d’un marathon

Avec trois titres nationaux en cross et trois Crosscups à son palmarès, il rêve maintenant des 42 km.

L’automne s’abat sur les polders. Loin de tout, la demeure pittoresque de Tom Van Hooste respire le confort, la convivialité, avec son feu ouvert. L’athlète savoure l’automne :  » Avec le printemps, c’est ma saison préférée. J’apprécie aussi le froid de l’hiver mais je me sens mal dès que le mercure avoisine les 25 degrés. Je ne vous dis pas comment j’ai vécu l’été dernier !  »

Vous êtes anti-été ?

Tom Van Hooste : Oui. J’ai toujours eu des coups de soleil. En hiver, gamin, j’étais toujours dehors. A douze ans, je coupais du bois. Je ne m’enrhumais jamais : c’est venu avec la course. Evidemment, un athlète est toujours sur le fil du rasoir. J’ai souffert d’une inflammation de la gorge à trois reprises, chaque fois au pire moment : l’année passée vers ce moment, puis juste avant le championnat du monde de cross et en été, trois jours avant ma tentative de record personnel sur 10.000 mètres.

Votre amour du cross est-il lié à celui de l’automne ?

Oui. Sur piste, on boucle des tours, obsédé par le chrono. Les cross ont lieu en pleine nature, sur une surface plus molle, plus agréable. Attention : cet été, j’étais vraiment en forme. Ma pharyngite a toute gâché et ensuite, il n’y avait plus de meetings intéressants. J’ai donc décidé de me reposer et de reprendre un peu plus tôt la préparation de la saison hivernale.

La saison de cross n’est-elle pas plus stressante, puisque vous êtes l’homme à battre ?

Non, même si je dois gagner, je prends le cross avec plaisir : je m’élance toujours avec le sentiment de m’être bien préparé.

Votre regard sur vos adversaires a-t-il changé ?

Jusqu’il y a cinq ans d’ici, je n’émergeais que par à-coups. Je suis devenu plus régulier, surtout l’année dernière. Maintenant, mes concurrents me respectent, trop même. Un exemple : si je fonce, même si je dépasse mes limites, ils me laissent filer en pensant : -Il n’y a rien à faire. C’est comme ça que j’ai gagné mon troisième titre. J’avais pourtant déclaré n’être pas en pleine forme mais j’ai essayé d’attaquer tôt, pour leur jeter de la poudre aux yeux. J’ai pris un rythme que j’étais certain de ne pas tenir toute la course. Il y a quatre ans, personne ne m’aurait laissé partir.

Pourquoi êtes-vous moins souvent blessé ?

J’ai maltraité mon corps pendant ma jeunesse. Avant, que trouvait-on sain ? Du lait de vache, des £ufs. Ce qui venait de Dame Nature ne pouvait être mauvais. On n’était donc pas à un morceau de viande près. J’ai vécu ainsi jusqu’à l’âge de 17 ans. Ensuite, j’ai appris que ces choses étaient mauvaises pour le foie et pour le fonctionnement général du corps. J’ai eu trois fractures de stress et des problèmes de genou.

Un ostéopathe, Jan Jacobs, a modifié mon régime. Je ne pouvais plus manger de tomates, d’oranges, d’£ufs, ni boire de lait û alors que j’en consommais un litre et demi par jour. Je n’y croyais pas trop mais au bout de quelques mois, je me suis senti mieux. J’étais moins raide après des efforts violents, par exemple. Ce spécialiste m’a averti : il fallait du temps. Tant que ce n’est pas fait, les toxines s’accumulent pendant la course et un moment donné, on cale. Plus vite on élimine, mieux on court. De fait, mes tests de lactate s’améliorent d’année en année.

P’tit déj’ costaud

Certaines recettes sont quand même surprenantes…

Au petit-déjeuner, je mange des graines de sarrasin fraîchement moulues. J’ai acheté un appareil spécial. Ma recette, donc : une cuiller à soupe de sarrasin moulu, une cuiller à soupe de graines de lin, une de noix moulues û pas des cacahuètes car elles ne contiennent pas les bons lipides û et des protéines de soja, de l’huile de lin et du lait de soja, le tout avec une cuiller à café de miel pour donner du goût au déjeuner. Le miel ne contient pas de mauvais sucres. Ensuite, un fruit. Même avant les courses, je ne mange que ça. Il y a trois semaines, j’ai couru un semi-marathon avec ce seul repas sur l’estomac. Ça s’est très bien passé. Il paraît que ce mélange est sain parce que tout est fraîchement moulu. Il comprend aussi les meilleurs hydrates de carbone et toutes les substances nécessaires.

Est-ce bon ?

Honnêtement, je préfère parfois des corn flakes ou une tartine mais ce n’est pas mauvais. Il m’arrive de faire un dressing, avec les mêmes produits, pour accompagner mes légumes, car on peut combiner ceux-ci avec les hydrates de carbone, comme on peut allier légumes et viande, mais pas hydrates de carbone et viande. Deux cuillers à soupe de poudre de soja, trois d’huile de lin, trois de lait de soja et une petite cuiller à café de moutarde, le tout versé sur votre repas !

Vous pouvez comprendre qu’on vous trouve bizarre ?

Bien sûr. Tout le monde ne croit pas aux vertus de la nourriture alternative mais si je m’en trouve bien, je dois m’y plier. C’est marrant : dans la rue, quand on me reconnaît, c’est à cause de ça. Je fais des émules : Tom Steels a une fois déjeuné avec moi et pensait n’avoir d’énergie que pour une heure ou deux d’entraînement mais a pu s’acquitter de sa séance de quatre heures…

Conservez-vous votre motivation en cross ?

Oui. La première fois est spéciale mais peu d’athlètes ont gagné trois fois. Je veux réussir une quatrième fois, puis une cinquième, de préférence de suite, pour pouvoir dire que durant ces années-là, j’étais vraiment le meilleur. Je veux aussi faire mieux que huitième au championnat d’Europe. Au Mondial, mon meilleur classement est une 20e place. Je veux progresser. Je ne prends plus le départ de la Crosscup en voulant être le premier Belge mais pour gagner.

Je rêve aussi de courir le marathon en moins de 2 h 10. J’ai couru celui de Rotterdam il y a deux ans mais j’ai abandonné à moins de deux kilomètres de l’arrivée. Je visais 2 h 12. J’ai été dans les temps jusqu’au 37e km puis j’ai eu un coup de barre. Au km 40, j’ai voulu boire mais je n’ai pu en garder que la moitié. J’ai compris que ce n’était pas sain et puis, finir en 2 h 16 ou abandonner, c’était pareil. Mais le marathon est la plus belle épreuve : on court û je ne trouve pas que c’est une souffrance û puis, d’un coup, c’est fini. La batterie est vide. On part à un rythme qu’on croit pouvoir soutenir pendant des heures puis les jambes calent. Ce n’est pas amusant mais c’est quand même fantastique. En abandonnant, ma première réflexion a été : je veux recourir un marathon. L’ambiance est géniale, meilleure encore qu’en cross : là, vos adversaires sont des ennemis mais en marathon, ils sont des alliés car plus longtemps on court ensemble, mieux c’est. Si vous n’avez plus à boire mais que quelqu’un a des réserves, il partagera. Dans un virage, on s’efface au lieu de se couper la route. Le marathon est fraternel. La limite pour les Jeux est de 2 h 9m45. Ce n’est pas évident. Je passe des tests de lactate début avril. Si on me dit que j’ai 2.12 dans les jambes, je ne courrai pas mais si j’ai une chance d’arriver en 2.10, j’essaierai.

 » La bouffe alternative me réussit « 

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