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Le Basque bondissant

Non sélectionné pour le Mondial, le défenseur doit trouver sa place parmi les meilleurs centraux français. Et cela passe par City.

 » Aymeric Laporte est un grand joueur, avec toutes les qualités. Je ne me souviens pas d’un défaut dont je pourrais vous parler.  » Les mots sont signés Marcelo Bielsa. Et quand on connaît le caractère ombrageux du bonhomme, ils résonnent avec d’autant plus de force.

Disciple avoué d’ El Loco, Pep Guardiola a suivi son maître en flashant lui aussi sur le Français. Résultat : un transfert à 65 millions d’euros en janvier 2018 et un apprentissage parfois difficile, vu la complexité du système du maître catalan, en perpétuelle mutation. Entre séjours sur le banc et quelques approximations, ses premiers mois à City ne sont pas exceptionnels.

Pour son premier début de saison sous le maillot skyblue, Aymeric doit s’imposer au coeur de la défense du champion d’Angleterre, malgré la force brute de Nicolás Otamendi, le retour en grâce de Vincent Kompany et la confiance accumulée au Mondial par JohnStones. Pour le moment, cela ne se passe pas trop mal, aux cotés de l’Anglais dans une défense à quatre ou avec Kompany en plus dans un 3-5-2 plus offensif. Ça tombe bien, car il s’agit là d’un objectif qui reste la voie la plus rapide vers l’Équipe de France…

The Pep Project

Son arrivée en janvier ravit Guardiola : le joueur de 24 ans dispose, il est vrai, d’un profil qui correspond parfaitement à ses attentes. Grand, mais rapide, costaud, mais doté d’une belle technique, l’ancien de l’Athletic Bilbao affiche également un sens de l’anticipation et une intelligence de jeu rares pour un si jeune joueur. Il faut dire que le  » gamin  » possède déjà plus de cinq saisons pros dans les pattes et un caractère fort.

Il en faut quand on s’apprête à endosser le costume chic et choc d’arrière central à la sauce guardiolesque. La récupération de balle quasi instantanée, donc haute, prônée par l’ex-entraîneur du Barça nécessite une confiance totale en ses capacités balle au pied.  » Ce n’est pas facile d’occuper ce poste sous mes ordres « , avoue Pep lui-même.  » Vous devez défendre à 40 mètres du but et y construire le jeu. À City, les erreurs des défenseurs se voient plus, car elles sont plus difficiles à résoudre.  »

Machine de guerre

Le talent technique, la qualité de passe dans le jeu court (90 % de passes réussies) et le jeu long (60%) et la lecture du jeu au-dessus de la moyenne, Laporte les possède. Tout comme la rapidité d’action, nécessaire à une transition défense-attaque ultra-efficace qui pourrait permettre à City de continuer de carburer à 2,8 buts par match.

Une machine de guerre à laquelle le gaucher doit définitivement s’adapter, afin de prouver qu’il est bel et bien taillé pour le top niveau. Première étape, continuer de s’habituer au jeu de possession des Skyblues (66,4 % la saison passée, contre à peine plus de 50 % sous ErnestoValverde à l’Athletic) et s’impliquer encore plus dans le jeu, lui qui tournait à une cinquantaine de passes par match à Bilbao contre plus de 80 en Premier League.

Laporte va également devoir apprendre à ériger le beau en objectif aussi important que la victoire, en taclant moins (1,2 tentative par match en Angleterre contre 2,7 par rencontre en Liga). Et donc se tailler une place durable dans la base arrière des Citizens. Mission accomplie… pour le moment !

Une jeunesse basque

C’est pour éviter de stagner au sein d’un Athletic aux abois que Laporte s’est mis au défi de passer à la vitesse supérieure, en quittant un cocon qu’il avait rejoint en 2010. C’était après en avoir mis plein les mirettes lors d’une rencontre entre une sélection d’Aquitaine, région d’où l’Agenais est originaire, et une équipe composée de Basques.

Coup de pot, les recruteurs de Bilbao, un club à la politique de recrutement délicieusement surannée, réalisent que Laporte peut les rejoindre grâce aux origines basques de son arrière-grand-père. Il a seize ans et ne va en mettre qu’un peu plus de deux pour devenir un élément incontournable de la charnière centrale de l’Athletic.

Débuts espagnols, débuts européens, la folle ascension s’enclenche, avec déjà une place dans l’équipe-type de Liga 2013-2014 au côté de Diego Godin. Il apprend les rudiments du métier sous le commandement de Bielsa et continue sur sa lancée sous Valverde, qui voit vite en lui un des  » piliers de l’équipe.  » Il remporte même la Supercoupe d’Espagne contre Barcelone. Plutôt solide pour un joueur aussi peu expérimenté.

Pilule rouge ou pilule bleue ?

Et pourtant, il aura fallu attendre un transfert en Angleterre pour le mettre sous les spotlights. Aymeric possède un lourd handicap dans la course à la gloire : il n’évolue ni au Real, ni au Barça, ni à l’Atlético. Les éloges de ses coaches et sa régularité n’y feront rien, il reste un second couteau aux yeux du grand public.

Y compris à ceux de Didier Deschamps, qui fait de lui le… huitième choix en défense centrale au moment de s’envoler pour la Russie. Le Bayonnais lui préfère même Adil Rami, Kurt Zouma et Mamadou Sakho, tous deux réservistes. Non sélectionné en novembre 2015 au profit de Loïc Perrin, il tweete un  » Enfin bref… « , désabusé.

Suffisant pour jeter un froid à une époque où la moindre ébauche de pensée 2.0 est suranalysée. Il n’obtient finalement sa première convocation qu’en octobre 2016, sans disputer la moindre minute. Rebelote quelques mois plus tard, lors d’un amical contre la Roja. Symbolique.

Pour l’Aquitain, c’est une blessure. Et à force de se voir doubler par des défenseurs qui évoluent dans des clubs de moindre envergure, Laporte commence tout doucement à lorgner vers l’Espagne, un pays où se situent les racines de ses ancêtres. Marca annoncera même qu’il opte pour la sélection rouge, en placardant sa Une d’un cliché de lui avec un maillot français et espagnol.

 » Je l’ai toujours dit, mon pays, c’est la France « , déclare-t-il cependant dans les colonnes de L’Equipe.  » C’est ce que j’ai toujours voulu, mais si on ne fait pas appel à moi, il y a aussi une alternative possible et intéressante. Pour l’instant, ça n’est pas l’objectif.  » La preuve avec ce passage burné à Manchester City. Si c’est râpé pour le Mondial, impossible de ne pas y voir une tentative d’ouvrir les yeux de son sélectionneur.

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