Le basket de rue… organisé

Après six mois de galère à Gand et une expérience décevante à Weissenfels, il débarque à Louvain pour relancer sa carrière.

La saison dernière, les problèmes financiers de Gand avaient contraint Butch Tshomba (26 ans depuis jeudi passé) à se chercher un autre employeur au beau milieu de la saison. C’est ainsi qu’il aboutit en janvier au BC Mitteldeutscher, un club de Bundesliga situé à Weissenfels, dans l’ex-Allemagne de l’Est. Six mois plus tard, et malgré un contrat qui portait sur un an et demi, il est de retour en Belgique, à Louvain cette fois. Et il est visiblement très heureux d’être rentré au pays.

« Je n’étais pas encore prêt pour vivre une telle expérience à l’étranger », avoue-t-il. « Pourtant, j’avais passé cinq ans aux Etats-Unis, précédemment. Mais c’était dans le cadre des cours, c’était différent. Je pensais qu’après six bons mois à Gand, j’étais mûr sur le plan basket. Je me suis trompé. Je pensais aussi qu’en partant en Allemagne, je ne m’exposais pas à un trop grand dépaysement. Hélas, j’ai abouti du mauvais côté de l’ancien Mur. Weissenfels, c’est un patelin isolé près de Leipzig. Hormis Berlin, c’est la seule équipe de Bundesliga située dans l’ancienne Allemagne de l’Est. Impossible de louer une cassette en anglais, par exemple. Les gens étaient très accueillants et ont fait le maximum pour m’aider, mais il n’y avait rien à faire là-bas. C’est la campagne. Moi, je suis un mec des villes. Mon emploi du temps était très simple: j’allais soulever des poids le matin et je m’entraînais avec le groupe le soir. Je passais l’après-midi dans mon appartement à jouer à la PlayStation. Oui, il y avait tout de même la PlayStation! »

« Ça ne pouvait pas être pire qu’à Gand »

Mercredi passé, les joueurs de Pepinster auront à leur tour le plaisir de découvrir cette joyeuse bourgade. Les hommes de Niksa Bavcevic se rendront en effet à Weissenfels dans le cadre de la NEBL -la North European Basketball League- à laquelle ils participent pour la première fois. Mais, au fond, comment Butch Tshomba a-t-il abouti là-bas?

« En fait, lorsque je me suis aperçu que Gand filait du mauvais coton, j’ai confié mes intérêts à un manager yougoslave: celui qui s’occupait des joueurs yougoslaves du Brother. J’étais tellement désespéré que je me disais que cela ne pouvait pas être pire qu’à Gand où, malgré un bon début de saison, je ne voyais jamais la couleur de l’argent. Pendant la trêve hivernale, le coach André Maes m’avait téléphoné pour m’avertir qu’à la reprise, je travaillerais sous la houlette d’un nouvel entraîneur. Ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. André Maes était l’une des rares personnes auxquelles je faisais encore confiance à Gand et sa présence était l’une des raisons pour lesquelles j’acceptais encore de jouer gratuitement. Lui parti, plus rien ne pouvait me retenir. Après quelque temps, mon manager yougoslave n’avait toujours rien trouvé. Je l’ai appelé pour lui signaler que, dans ces conditions, j’envisageais de me lier à un autre agent. Est-ce cela qui l’a incité à bouger? Deux jours plus tard, il m’a certifié qu’il avait de bons contacts en Allemagne. Il m’a emmené dans sa BMW: huit heures de route jusqu’à Weissenfels! Je me suis entraîné pendant deux jours, puis j’ai signé mon contrat. Un peu en désespoir de cause, mais pas à l’aveuglette: là, au moins, j’avais la certitude d’être payé! Sportivement, ce n’était pas une mauvaise équipe. Nous étions les seuls à avoir battu Berlin durant la saison régulière. En playoffs, malheureusement, nous sommes tombés dès le premier tour sur Leverkusen: l’une des seules équipes face auxquelles nous n’avions aucune chance! Notre salle affichait complet à chaque match: il n’y avait guère d’autres distractions à Weissenfels! Ce n’était pas une salle énorme, certes, mais c’était assez chaud. Le club était organisé de façon très professionnelle. Dommage qu’il soit situé dans un no man’s land. C’est difficile d’attirer les meilleurs joueurs là-bas. D’ailleurs, les deux Américains de la saison dernière ont plié bagage. Mes prestations personnelles? La seule fois où j’ai joué 13 minutes, j’ai inscrit 11 points. Lors des autres matches, hélas, j’étais très peu utilisé. J’étais supposé remplacer l’un des ailiers qui s’était montré assez décevant jusque là et qui était sur le départ. Finalement, c’est le coach qui a été viré et l’ailier en question est resté. Je faisais donc double emploi. Je trouve qu’il n’y a pas une grande différence entre le championnat de Belgique et le championnat d’Allemagne. La principale différence est que, là-bas, les arbitres laissent beaucoup plus jouer. Mais le niveau de la compétition est assez similaire ».

« On travaille et on s’entend bien »

Cette saison, Butch Tshomba évoluera sous le maillot de Louvain. « C’était la meilleure solution pour moi. Lorsque je regarde l’ensemble du club, je constate que le professionnalisme est de mise à tous les niveaux. L’équipe dispose d’un encadrement perfectionné. Le groupe est animé d’une énorme volonté de bien faire et j’éprouve beaucoup de respect pour le coach Julien Marnegrave. Louvain a loupé les playoffs ces dernières années et aspire à rebondir. On n’espère pas de miracles de ma part, on attend simplement de moi que je me fonde dans le groupe. C’est la situation idéale. Je devrais pouvoir m’épanouir dans un tel énvironnement ».

Louvain n’a pourtant pas la cote auprès des spécialistes. Qu’est-ce qui permet à Butch Tshomba d’être optimiste? « D’abord, la mentalité du groupe est exceptionnelle. Tout le monde s’entend bien. Et tout le monde travaille: je n’ai encore vu personne jouer les paresseux à l’entraînement. En outre, les joueurs sont polyvalents: à l’exception de Steve Ibens, qui est un meneur de jeu spécifique, tout le monde peut évoluer à différentes positions. Et puis: peu de gens nous prennent au sérieux, c’est sans doute la meilleure manière de surprendre ».

Cinq ans aux Etats-Unis

Butch Tshomba est originaire de l’UAAE, un club d’Etterbeek en région bruxelloise qui, à l’époque, évoluait en 4e Nationale. « Je n’ai commencé le basket organisé qu’à 14 ans », se souvient-il. « A l’UAAE, j’évoluais simultanément en catégories de jeunes et en D4. C’est lors d’un match de D4 que j’ai été repéré par Hilaire Es, le coach du Brother Gand à ce moment-là. Il m’a proposé de le rejoindre. J’ai joué deux saisons à Gand, où j’alternais les Juniors et l’équipe Première, qui jouait alors en D2. C’était une très bonne équipe de Juniors: nous n’avons échoué que contre le grand Malines d’ Yves Dupont, Herbert Baert et Wim Vanhaele. En D2, j’ai côtoyé des garçons comme Denis Lammens, Dirk Vervaet et un certain… Roger Huggins, qui disputait à l’époque sa première saison en Belgique. C’est précisément grâce aux contacts de Roger Huggins que j’ai pu poser un pied aux Etats-Unis. Je me suis rendu d’abord à Hawaï, à l’université qu’il avait fréquentée, mais sans être retenu. Je me suis ensuite inscrit à un camp où j’ai été repéré par des recruteurs. J’ai fréquenté un Junior College pendant deux ans. Cela s’est très bien passé, et je suis ensuite parti à la Southwest Missouri State University, en NCAA. Ma troisième saison américaine fut très moyenne. Lors de ma quatrième, en revanche, l’équipe a participé au tournoi universitaire, mais j’étais sur le banc. Malgré tout, ce fut une expérience extraordinaire. J’ai appris énormément, et plus particulièrement les vertus du jeu collectif. Je suis issu du basket de rue, et j’avais tendance à jouer sur mon talent, de manière assez individuelle. Je savais que j’étais capable de rentrer pas mal de shots, mais cela ne suffit pas pour faire carrière: il faut apprendre à jouer en équipe. C’est à ce niveau que mon séjour aux Etats-Unis fut le plus profitable. Beaucoup de joueurs -qu’ils soient noirs ou blancs- sont très talentueux, mais la transition entre le basket de rue et le basket organisé est parfois difficile à assumer. Il faut non seulement apprendre à jouer collectivement, mais aussi acquérir une certaine discipline: arriver à l’heure à l’entraînement, etc. J’ai mis du temps à apprendre tout cela, car ce n’est pas évident, mais je pense que maintenant, c’est entré. J’ai quitté les Etats-Unis lors de ma cinquième saison, parce qu’on m’avait offert un pseudo-contrat pour jouer à Houthalen. C’était il y a deux ans. Comme cette offre n’a débouché sur rien de concret, je suis retourné aux Etats-Unis pour terminer ma cinquième année et décrocher mon diplôme. Je l’ai obtenu l’an passé. Je suis revenu à Gand, en D1 cette fois, mais comme on le sait, l’histoire a tourné court. Mon expérience à Weissenfels ne fut pas très heureuse non plus, mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’elle fut entièrement négative. Même sur le banc, on peut apprendre énormément. Trop de joueurs se plaignent lorsqu’ils n’ont pas un temps de jeu suffisant et leur mauvaise humeur déteint sur le moral de l’équipe. Sans préjuger de ce que sera la suite de la saison, je peux déjà affirmer que, si le coach Julien Marnegrave décide que mon rôle est de jouer cinq minutes par match et de passer les trente-cinq autres minutes sur le banc à encourager mes partenaires, je ne me plaindrai jamais… à condition que l’équipe gagne! Si c’est pour le bien du groupe, je suis prêt à me sacrifier ».

« Une pré-sélection internationale qui m’honore »

Il y a toutefois peu de chances qu’on en arrive là. Butch Tshomba est appelé à jouer un rôle en vue dans l’équipe louvaniste. Il n’a d’ailleurs plus trop de temps à perdre: à 26 ans, on a l’impression que sa carrière doit encore réellement décoller.

« C’est ce que je me dis également, et c’est la raison pour laquelle j’essaye de ne m’imposer aucune pression. Je veux simplement devenir l’un des dix joueurs du groupe. Je n’ai pas signé à Charleroi, où j’étais certain de me retrouver encore sur le banc, ni dans un club de bas de classement où j’aurais été certain de jouer trente-cinq minutes mais aussi d’accumuler les défaites. Louvain, c’est le juste milieu. Si je dispute une bonne saison -et je ne parle pas uniquement en termes de points-, je pense que je pourrais prendre mon envol définitif ».

Butch Tshomba a déjà été repris dans le groupe de l’équipe nationale, lors du stage de la fin juin à Arles-sur-Tech, mais ne se considère pas encore comme un Lion à part entière.

« Cette pré-sélection m’a honoré, mais elle n’a aucune valeur si elle n’est pas suivie de convocations pour des matches officiels. Ce stage était uniquement destiné à faire connaissance. Des joueurs importants, qui entreront certainement en ligne de compte lors de la campagne qualificative pour l’EURO 2003, étaient absents. Je ferai probablement partie du groupe des 24 que Tony Van den Bosch dévoilera très bientôt, mais rien ne dit que je serai retenu dans les 12, en novembre. Si c’est le cas, je serai le basketteur le plus heureux du monde. Mais, en cas contraire, je n’en voudrai pas au gars qui aurait été choisi à ma place ».

Daniel Devos

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