» Le ballon revient toujours «
L’avant du Bayern et de l’équipe nationale évoque le prochain EURO, les occasions qu’il a perdues, les huées du public et sa nouvelle décontraction.
Dès le premier tour de l’EURO, l’Allemagne affronte d’autres favoris, comme le Portugal et les Pays-Bas. Participerez-vous à ces matches ?
Mario Gomez : J’y travaille mais j’appréhende les choses de manière beaucoup plus décontractée qu’avant. Je reste très ambitieux mais j’ai accepté le fait que l’équipe nationale n’aligne qu’un seul avant-centre. C’est le meilleur système pour elle. Or, il y a Miroslav Klose et moi. Tous deux, nous voulons jouer et l’entraîneur a le choix. Mon sort n’est donc pas entre mes mains.
Longtemps, il y a eu deux Gomez : le buteur de Bundesliga et le joueur international, dénué de confiance et infécond devant le but.
J’étais bloqué par l’envie de devoir faire mes preuves. Je voulais démontrer qu’il n’y avait pas deux Gomez. Ce n’était pas une question d’aptitudes mais de mental. Depuis quelques matches, j’arrive à ne plus trop réfléchir à ce que sera le prochain EURO, à me demander qui jouera. Je sais qu’il y a des choses plus importantes dans la vie que de prouver au monde que je suis l’attaquant n°1 d’Allemagne. Si je ne m’illustre pas à l’EURO, ce sera simplement partie remise.
Cela ne vous plairait quand même pas !
De fait. Mais arrivera ce qui devra arriver. L’essentiel pour moi est d’éprouver du plaisir à jouer. Je ne peux connaître le succès que quand je m’amuse. Le Mondial sud-africain m’a aidé à acquérir plus de décontraction.
Réserve, vous avez fait contre mauvaise fortune bon c£ur.
Je me suis collé une sorte de sourire permanent sur la figure, sachant que je n’aurais pas ma chance. Je ne suis pas naïf. Je sais que des joueurs mécontents peuvent communiquer leur mauvaise humeur. J’ai donc contribué au succès de la Mannschaft par mon humeur mais cela ne m’a pas offert de joie puisque je n’ai pas réalisé de performances sportives.
Qu’avez-vous concrètement appris au Mondial ?
Que quand on réfléchit trop, on n’arrive généralement à rien. J’ai entamé la préparation de ce Mondial sans trop d’attentes mais comme elle a été bonne, j’ai à nouveau rêvé de devenir l’attaquant numéro un. Ne pas l’être m’a bien sûr déçu mais je suis enfin débarrassé de cette pression de devoir convaincre ceux qui pensent que je ne réussirai jamais en équipe nationale.
Ces personnes vous ont hué pendant des matches internationaux.
J’ai immédiatement remarqué cette méfiance dans le stade. J’ai ressenti ce mécontentement me concernant. Une fois, à Kaiserslautern, les sifflets ont commencé alors que je n’avais même pas encore fait une seule action. Cela dit, si j’étais supporter, je verrais peut-être les choses du même point de vue : un fan ne retient que quelques scènes.
Vous parlez de l’EURO 2008 et d’une phase du match contre l’Autriche à Vienne. A deux mètres du but, vous aviez loupé un goal tout fait.
Quand les supporters placent de grands espoirs en un joueur et qu’il manque ainsi une occasion, c’est dur de regagner leur confiance. Mais le ballon revient toujours.
Que voulez-vous dire ?
Il y a toujours une autre occasion de but et ça rentrera. Il est difficile de développer cette certitude parce qu’on vit dans le présent mais quand on y croit, la chance se représente toujours.
Et dans la vie ? A 15 ans, quand vous avez quitté la province pour intégrer l’internat du VfB Stuttgart, vous avez adapté votre langage. Par crainte de passer pour un paysan ?
Je ne renie pas mes racines mais j’étais alors en pleine puberté et puis, tout le monde ne comprend pas le dialecte de mon village.
Une partie du public s’est moquée de vous, notamment de votre coiffure. Le geste du torero que vous effectuez après avoir marqué n’est pas le plus élégant non plus.
Je ne compte pas remporter de prix de l’esthétique. Je veux simplement exprimer ma joie.
Torero !
Ce geste rappelle vos racines ibériques.
C’est une réaction à une affiche parue quand je jouais à Stuttgart : on m’y annonçait comme le TORero. ( NDLR : Tor signifie but).
Votre père est espagnol. Il a émigré en Allemagne pour travailler et a finalement pris la direction d’une entreprise de peinture.
Je suis un homme simple et c’est ce que j’ai toujours voulu faire comprendre aux gens qui m’ont sifflé. Ils ont une fausse image de moi. Maintenant, ça m’est égal. Mon père a dû trimer pour atteindre le niveau de vie qu’il a maintenant. Ma s£ur, qui est architecte, et mes meilleurs amis, qui sont issus de notre village et ont étudié, ne ménagent pas leur peine non plus. Je suis reconnaissant de la vie privilégiée que je mène. Malheureusement, je fais partie de ces footballeurs qui attirent la vindicte du public. Pourtant, je n’ai rien fait de mal. Je n’ai mordu aucun adversaire à la gorge.
Peut-être est-ce dû à votre stature mais vos mouvements semblent parfois maladroits et raides. Votre rival Klose est-il techniquement supérieur ?
Miro est un attaquant fantastique. Je crois cependant avoir réalisé des combinaisons convenables lors des récents matches. Je ne me suis pas contenté de tirer au but : j’ai participé à l’élaboration d’occasions.
Avez-vous progressé dans votre jeu avec ballon, êtes-vous plus mobile ?
Quand ça va bien, les journalistes m’attribuent toutes les qualités. J’ai même lu que j’aurais maigri. Or, je pèse le même poids depuis des années. Quand je marque, je deviens subitement vif et élégant. Je suis heureux de continuer à progresser, évidemment. Après tout, je m’entraîne tous les jours pour ça.
» Je n’étais pas le premier choix de van Gaal «
Vous restez le transfert le plus cher d’Allemagne puisque le Bayern a déboursé 35 millions en 2009. Pourtant, Louis van Gaal, qui l’entraînait alors, ne vous a pas titularisé.
D’emblée, il m’a fait comprendre que ce n’était pas lui qui m’avait acheté. J’étais là contre son gré. Au début de la saison suivante, il m’a encore répété que je n’étais pas son premier choix et que je ferais mieux de partir. J’ai alors décidé de m’en aller l’espace d’un an. Au moins il a été franc et honnête. Bien sûr, je lui en ai voulu de briser mon rêve de jouer pour le Bayern.
Mais la direction a mis son véto à votre transfert…
En fin de compte, c’est la performance qui est décisive. Quand on s’entraîne bien et qu’on joue bien lorsqu’on peut entrer au jeu, on reçoit sa chance. Aucun entraîneur au monde ne boude indéfiniment un joueur qui respecte ces principes. C’est ce qui est arrivé. Uli Hoeness et Karl-Heinz Rummenigge se sont contentés de me dire : – Donne tout ce que t’as et on verra bien. Uli Hoeness m’a expliqué que son instinct lui soufflait que j’allais devenir important pour le Bayern. Dans ma situation, c’était difficile de le croire. Quels sens cela avait-il si l’entraîneur ne m’alignait pas ?
Jupp Heynckes est plutôt paternel ?…
Oh, il est également très exigeant et extrêmement ambitieux ! Si ses méthodes sont radicalement différentes de celles de van Gaal, son concept de jeu n’est pas très éloigné, même s’il a renforcé la défense et veillé à induire de la sécurité dans notre jeu de position. Heynckes est un perfectionniste.
» La Mannschaft ne s’appuie plus sur des phases standard «
Le prochaine finale de la Ligue des Champions se déroule à Munich. Le Bayern sacrifie-t-il tout, cette saison, à cet objectif ?
Non. Nous briguons toujours la Ligue des Champions.
Vous pourriez couronner la saison avec le titre de champion d’Europe…
Les gens sont assez euphoriques depuis 2006. A cette époque, avec sa troisième place, l’Allemagne avait atteint ses limites mais nous possédons maintenant une énorme palette de joueurs talentueux. Notre style de jeu offensif nous vaut l’admiration du monde entier. Il n’y a plus de matches ennuyeux avec nous. Il y a quelques années encore, l’Allemagne s’appuyait sur des phases standard ou une action individuelle de Bernd Schneider, des headings de Michael Ballack… Si l’un d’eux était dans un mauvais jour, l’équipe ne tournait pas. Maintenant, tout le système fonctionne : on peut remplacer les joueurs comme on le veut, sans que cela nuise au niveau d’ensemble. On est l’équipe la plus attractive, avec l’Espagne.
Vous ne souhaitez plus jouer en Espagne ?
Une partie de ma famille y habite et je maîtrise la langue. Ce qui importe c’est qu’ici, j’évolue dans un club avec lequel je peux être champion chaque année, avec lequel je peux aspirer remporter la Ligue des Champions. Nous avons aussi une ambiance formidable et les plus beaux stades.
L’ambiance a-t-elle changé, sur les terrains, depuis la tentative de suicide de l’arbitre Babak Rafati ?
Récemment, au FSV Mainz 05, il y a eu une situation qui m’aurait fait réagir autrement sans l’affaire Rafati. Nous étions menés 2-3, à quelques minutes de la fin. Un adversaire a glissé, je me suis retrouvé seul devant le but, j’ai propulsé le ballon dans les filets mais l’arbitre a sifflé faute. Avant, j’aurais piqué une crise de rage.
Et cette fois ?
J’ai pensé qu’il avait de toute façon sifflé et que je ne pouvais plus rien y changer. J’ai donc discuté très calmement avec lui. De derrière, on a certainement pu avoir l’impression qu’il y avait eu faute de ma part. L’arbitre n’a pas sciemment pris une mauvaise décision. Après le match, je n’ai pas souhaité m’épancher face aux caméras non plus ni me plaindre en disant qu’avec un arbitre plus avisé, on aurait fait match nul. Il est triste qu’il faille un drame pour qu’on réfléchisse. Je suis convaincu qu’à l’avenir, nous allons tous être plus sensibles.
JÖRG KRAMER ET GERHARD PFEIL – PHOTOS : IMAGEGLOBE
» J’attire la vindicte du public. Pourtant, je n’ai rien fait de mal. Je n’ai mordu aucun adversaire à la gorge. «
» Notre jeu offensif nous vaut l’admiration du monde entier : il n’y a plus de matches ennuyeux avec l’Allemagne. «
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