« Le ballon reste un jouet »

Meilleur buteur européen et vainqueur du trophée Golden Shoe remis par European Sports Magazines dont Sport/Foot Magazine, l’international portugais de Manchester United n’évite aucune question.

Manchester et l’équipe nationale du Portugal doivent être heureux : ils avaient un urgent besoin de votre retour après votre opération à la cheville en juillet, non ?

Cristiano Ronaldo : Je ne crois pas. La saison dernière, Manchester a aussi connu un début difficile et pourtant, je jouais. Cela ne nous a pas empêchés d’être champions et de remporter la Ligue des Champions. Il faut juste retenir les leçons des défaites. Pareil pour l’équipe nationale : le tournoi qualificatif pour le Mondial 2010 est encore long, rien n’est perdu.

Pourquoi avoir insisté pour recevoir le Golden Shoe chez vous, à Madère ?

C’est l’endroit où il y a le plus de gens que j’aime. Je suis né ici et ça me fait toujours quelque chose d’y revenir pour voir ma famille. J’ai grandi avec eux, je leur ressemble. Je veux aussi rendre hommage à mon père, qui m’avait dit qu’un jour, je remporterais ce trophée. Quand j’ai l’occasion de faire quelque chose pour les gens d’ici, je le fais. Je sais que c’est un honneur pour eux, que cela les rend heureux. Et comme ce sont des gens sympas, c’est un plaisir car je suis toujours l’un des leurs.

Beaucoup de gens vivent également sur votre compte en banque, désormais…

C’est normal. Je suis content de pouvoir leur apporter un certain confort et eux m’aident beaucoup.

Vous rendez hommage à l’île mais le gouverneur n’était pas dans la salle, vous êtes déçu ?

J’aurais souhaité qu’il soit présent mais ce n’est pas le plus important. Il m’a félicité par le biais d’un message public et je dois respecter sa vie privée.

Vous reviendrez vivre à Madère au terme de votre carrière ?

Oui, je le pense bien. J’aime passer du temps avec ma mère, mes s£urs. Et puis il y a le climat, la mer, les gens… Quelle différence avec Manchester, où la météo est terrible.

Au moment où vous recevez le Golden Shoe, tout le monde affirme déjà que deux autres prix ne peuvent vous échapper : le Ballon d’Or et le Joueur FIFA de l’Année.

Parlons d’abord des certitudes : c’est déjà fantastique de remporter le Golden Shoe car, jusqu’ici, ce trophée était toujours revenu à un attaquant de pointe. Les deux autres trophées, honnêtement, je n’y pense pas trop…

 » Je mérite le titre de Joueur FIFA de l’année… « 

Qui est le meilleur joueur du monde alors ?

( Sans hésiter) Cristiano Ronaldo ( il rit). Il y a plusieurs bons joueurs et j’aime autant que vous les citiez à ma place. Suis-je le meilleur ? Je ne sais pas mais le plus régulier, la saison dernière, c’était moi. J’ai inscrit 42 buts en matches officiels, j’ai été champion d’Angleterre et remporté la Ligue des Champions avec, chaque fois, le titre de meilleur buteur. Alors, si ce trophée FIFA est celui de la régularité, je le mérite.

Zinédine Zidane, en tout cas, est de votre avis.

C’est toujours bien qu’un grand joueur comme lui l’affirme mais je pense que tous les joueurs le savent car ils voient les images.

Quel est le but le plus important que vous ayez inscrit la saison dernière ?

Il y en a cinq ou six mais mon préféré, c’est celui contre la Roma. Mais il y a aussi Portsmouth, Bolton…

Messi et Casillas sont également candidats au Ballon d’Or. Vous voyez un gardien l’emporter ?

Rien ne me surprendrait. J’entends dire beaucoup de choses à propos du Ballon d’Or. C’est un trophée important dans une carrière mais je ne sais pas si c’est vraiment une priorité. Les gens qui sont honnêtes prendront la bonne décision. Je n’ai pas joué pendant trois mois mais j’ai jusqu’au mois de décembre pour convaincre le jury.

Ce Golden Shoe était un de vos objectifs ?

En début de saison dernière, certainement pas. J’étais content lorsque j’inscrivais un but mais, vers le milieu de la saison, je me suis dit qu’il y avait effectivement moyen d’être le meilleur buteur. Parce que le football change. Je dois remercier tous ceux qui m’ont aidé : mes équipiers, sans qui cela n’aurait pas été possible. Mais aussi les défenseurs d’autres clubs qui ont empêché mes concurrents directs de trouver le chemin des filets…

L’arrivée de Berbatov va-t-elle changer la donne ?

Honnêtement, je ne crois pas. L’an dernier, il y avait déjà Rooney et Tevez mais nous changions souvent de position. C’est ça qui nous rendait forts. Alors, si Berbatov veut jouer cinq minutes en pointe, je lui laisserai volontiers cette chance ( il rit). Je ne peux cependant pas promettre que je serai à nouveau meilleur buteur européen car le défi est très relevé.

 » Je n’ai pas demandé d’être célèbre « 

Au Portugal, le débat fait rage : certains affirment que vous devez être le centre-avant de l’équipe nationale. D’autres prétendent que ce serait un crime. Et vous ?

Je n’ai pas l’habitude de jouer à ce poste, j’ai toujours été ailier. Mais sincèrement, je jouerai là où le sélectionneur Carlos Queiroz me le demandera. En défense ou au but s’il le faut. Et s’il me place sur le banc, je l’accepterai.

Vos parents vous ont appelé Ronaldo parce qu’ils admiraient Ronald Reagan. Celui-ci disait qu’une de ses tâches était de faire oublier les guerres. Et vous, quelles guerres voulez-vous faire oublier ?

Je veux rester dans l’histoire comme le meilleur joueur. Je n’ai que 23 ans, j’ai encore beaucoup de temps devant moi et, même si je devais tout gagner cette saison, je ne veux pas que cela s’arrête aussi vite. Il y a d’autres championnats, d’autres Ligues des Champions à gagner. Je veux aussi réussir quelque chose d’important avec l’équipe nationale.

Plusieurs joueurs portugais ont réussi de grandes choses, surtout Fernando Gomes, Pauleta et Figo. Mais aucun n’a dépassé la popularité d’Eusébio. Y parviendrez-vous ?

Je ne veux pas être comparé à Eusébio mais il est évident que ce serait un honneur pour moi d’être considéré comme le meilleur joueur portugais de tous les temps. Je vous l’ai dit : j’ai encore beaucoup d’ambition et, si je continue comme cela, je parviendrai à mes fins.

Mais vous ne pouvez déjà plus vous balader en rue sans être interpellé. Comment vivez-vous cette gloire ?

Honnêtement, je n’y pense jamais. Je sais que ma vie a changé, qu’on me reconnaît dans la rue. Ce n’est pas toujours gai, surtout quand les journaux à sensation font des histoires avec tout et avec rien mais j’ai pour principe de m’occuper, avant tout, de ma carrière. Et je suis toujours content quand on parle de moi.

Vous êtes plutôt glamour. Vous vous voyez apparaître dans un film ?

Peut-être plus tard. Vous savez, j’ai d’autres talents que les gens ne connaissent pas ( il rit).

Le fait de quitter Madère à l’âge de 11 ans vous a-t-il aidé à devenir un homme plus rapidement ?

Quitter ses parents quand on est gamin, c’est quelque chose de très dur. Il m’a fallu faire preuve de caractère. Mais le plus difficile, c’était pour eux. S’ils ne m’avaient pas laissé l’opportunité d’aller à Lisbonne, je ne serais pas ici devant vous en ce moment. Des parents veulent toujours garder leur enfant auprès d’eux, mais les miens m’ont toujours aidé dans les mauvais moments. Après avoir vécu tout cela, c’est vrai, plus rien ne me semble problématique. Quand je suis arrivé en Angleterre, je ne parlais pas un mot d’anglais. Cela ne m’a pas empêché de m’imposer dans l’équipe et de m’adapter à ce pays si différent. Mon envie d’apprendre est énorme. Je pars du principe que je ne sais pas tout.

C’est plus facile maintenant : tout le monde parle portugais à Manchester United

( il rit). Oui mais j’étais le premier. Maintenant, nous sommes dix. Mais quand nous parlons portugais entre nous, on a vite fait de nous rappeler à l’ordre et de nous dire que nous devons parler anglais.

 » J’ai été honnête dans l’affaire Rooney en 2006 et cette fois avec le Real « 

Cet été, vous avez défrayé la chronique en affirmant haut et fort que vous vouliez rejoindre le Real Madrid. Pourquoi ?

D’abord une précision : je me sens bien à Manchester. Mais j’y suis depuis cinq ans et j’ai besoin de nouveaux challenges. Pas nécessairement cette saison mais il fallait, au moins, que je me mette cet objectif en tête. Ce qui ne m’empêchera pas d’avoir de l’ambition avec Manchester aussi.

Maintenant, City veut vous transférer pour 167 millions d’euros et Manchester dit réfléchir. Ce n’est pas frustrant ?

C’est fou, l’argent qu’il a, ce type (il rit). Mais on ne peut pas tout acheter avec de l’argent. Même si ça peut aider. Et City a bien le droit de rêver un peu aussi. Honnêtement, je ne me vois cependant pas quitter United pour City.

Et l’Italie, c’est une maison de retraite ?

Non, c’est un bon championnat, avec de bons joueurs. Milan a tout de même remporté quelques fois la Ligue des Champions. Quand on est bon sur le terrain, l’âge ne compte pas. On n’est jamais trop jeune ou trop vieux.

Après le Mondial 2006, malgré l’exclusion de Rooney face au Portugal, vous avez été bien reçu à Manchester. Vous pardonnera-t-on d’avoir voulu quitter le club cette fois ?

La spéculation fait partie du football et un bon joueur est toujours courtisé. C’est très bien comme ça. Pour ma part, j’ai été très honnête, loyal : j’ai donné ma façon de penser, j’ai discuté avec les gens concernés. Donc, je n’ai pas peur. Je crois que les gens m’aiment avant tout pour ce que je fais sur un terrain et que, dès que je rejouerai, ils seront heureux de me revoir. Et moi, je peux leur garantir que je vais rester très professionnel.

Quel était votre rêve de gosse ?

J’ai toujours voulu être joueur professionnel, je n’avais pas de plan B. Il est évident que, quand j’ai débuté à Andorinha, je ne pensais pas que je jouerais un jour à Manchester United mais j’ai saisi toutes les opportunités qui se présentaient à moi. Quand ma mère voulait m’offrir un cadeau, je ne demandais jamais un Game Boy ou un ordinateur. Et depuis que je suis en Angleterre, tout s’est précipité. Mais au fond, rien n’a changé : je ne pense toujours qu’au football. Même en vacances, je joue toujours un peu avec les amis.

Le ballon est-il toujours un jouet ou est-il devenu un outil ?

( Affirmatif) Un jouet ! Il y a cinq ans que je suis à Manchester. Je ne peux pas croire que ma carrière s’arrêtera déjà lorsque j’aurai 30 ans, dans sept ans !

Votre vie, elle, a pourtant bien changé en dix ans.

Quand ça change dans ce sens-là, c’est facile ( il rit). Ma maison est bien plus belle que celle que nous avions à Quinta Falcão mais cela n’a rien changé à ma personnalité, mon caractère, mes ambitions.

Mais vos petits trucs, ça énerve quand même l’adversaire, non ? Que voulez-vous montrer ? Que vous faites ce que vous voulez sur un terrain ?

J’étais déjà comme cela à l’âge de 8 ans. Peut-être certains pensent-ils que je me moque d’eux mais c’est mon style : j’aime dribbler. Alors, on essaye de me tackler. C’est normal, ça fait partie du jeu.

Et pour les coups francs, vous avez un secret ?

Mes ongles ( il rit) ! Non, sérieusement, seulement le toucher de balle et la pratique.

par augusto moreira – photos: reporters/ gouverneur

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