Le 4-2-4 est-il vraiment mort ?

Causons dispositifs. Si je dresse aujourd’hui l’oreille, j’entends souvent parler de 4-2-3-1 : on me décrit une défense à quatre devant laquelle se placent deux médians axiaux ; puis plus haut, un trio offensif bien étalé sur la largeur, derrière l’unique attaquant de pointe. Exemples au top : Liverpool et Bordeaux quasi toujours, Man U et le Bayern fréquemment, Arsenal et le Real régulièrement…

C’est une nouveauté que de schématiser le dispositif en énumérant quatre échelons de jeu au lieu de trois : depuis les sixties, nous papotions 4-2-4, 4-3-3, 4-4-2, 5-3-2 se muant en 3-5-2, 5-4-1 et même parfois 3-4-3… Mais voilà maintenant que, de plus en plus, nous nous offrons le luxe d’un descriptif en QUATRE chiffres : 4-2-3-1 donc, mais aussi (dans les cas d’un seul médian alors baptisé récupérateur) 4-1-4-1 devenant gaîment 4-1-2-3 quand tout baigne ( Barça, Chelsea..). D’où la question cruciale : sont-ce désormais les joueurs qui jouent différemment (sur davantage d’échelons) ou sont-ce les journalistes qui journalisent différemment (en décortiquant davantage) ? J’opterais pour la seconde alternative, et rappellerai qu’avant les sixties, il y avait eu le WM qui n’était rien d’autre qu’un 2-3-3-2 pour footeux lettrés ! Et si tel club écrabouille demain tous ses rivaux avec un vrai libero comme jadis, qui sait si le 1-3-2-3-1 ne fera pas son entrée dans le jargon…

Les quatre échelons du dispositif viennent d’une envie nouvelle de subdiviser les médians en deux catégories, ceux jouant bas et ceux soutenant l’attaque. Pour celle-ci, il est à remarquer qu’au top, le duo d’attaquants (deux mêmes gars aux avant-postes, même en perte de balle) semble en voie d’extinction momentanée : Les pointes telles qu’un Fernando Torres, un Marouane Chamakh ou un Wayne Rooney reçoivent bien sûr du soutien, mais sans plus avoir de compère attitré permanent. Et pour derrière, on parle systématiquement de défense à quatre, plus par habitude que par souci d’exactitude : car les deux latéraux construisent plus haut que les deux centraux et sont régulièrement à hauteur des médians bas… si bien que ce 4-2-3-1 devrait s’appeler 2-4-3-1 la moitié du temps ! Comme on dit dans ces cas-là pour toujours s’en sortir, l’important c’est l’A-NI-MA-TION !

Aucun dispositif n’est plus malin qu’un autre, aucun n’est garantie de succès, et les plus novateurs ne sont pas ceux qu’on croit. Ainsi ce 4-2-3-1 très à la mode me semble-t-il étonnamment proche… du 4-2-4 que pratiquait le Sporting d’Anderlecht au temps où j’étais p’tit : derrière, Jean Plaskie et Julien Kialunda jouaient alignés dans l’axe, Georges Heylens et Jean Cornélis montaient sur les côtés ; au milieu, dans le deux comme on disait, Pierre Hanon et Jef Jurion étaient davantage des distributeurs bas que des infiltreurs ; devant, Jan Mulder demeurait plus haut que Pummy Bergholtz ou Johan Devrindt décalé à droite, et plus encore que Paul Van Himst axial et Wilfried Puis à gauche qui aimaient décrocher. Tout ça si je me souviens bien, faudra que Tonton Georges confirme… Et tout ça pour dire que l’Histoire est un éternel recommencement.

… L’histoire des dispositifs en tout cas, car le jeu même va évidemment de plus en plus vite. Ce qui ne fait pas fatalement croître l’antijeu, ce serait un tort de le penser : empruntez pour le constater le DVD The damned United, un biopic récent (non sorti en salles) qui raconte l’échec rapide à Leeds, en 1974, du coach Brian Clough qui n’y parvint pas à faire oublier Don Revie son prédécesseur. Le film est remarquable, mais visionnez aussi le bonus proposant une interview de Gordon McQueen, le stoppeur d’alors : il y décrit le foot de l’époque comme un jeu où, bien plus qu’en 2010, tout ou presque était pratiqué question vicelardise et rentre-dedans ! Il est vrai qu’alors, un Billy Bremner ou un Norman Hunter

par bernard jeunejean

« Un Wayne Rooney reçoit bien sûr du soutien, mais sans plus avoir de compère attitré permanent. »

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