Le 17, comme Foé

Bruno Govers

Le néo-Rouche jouera avec le même numéro que l’infortuné médian camerounais.

En principe, Sambegou Bangoura aurait dû reprendre le collier avec ses nouveaux partenaires du Standard à l’occasion du grand rassemblement des troupes, le 25 juin. Finalement, c’est avec deux semaines de retard qu’il a rejoint les Rouches dans leur lieu de retraite à Spa. En cause, une mise à la disposition de la sélection représentative de Guinée qui aura duré beaucoup plus longtemps que prévu.

Sambegou Bangoura : Au moment de retourner au pays, le 27 mai dernier, tout portait à croire que ma présence en équipe nationale allait se limiter aux deux matches qu’elle était appelée à honorer durant le courant du mois de juin : le 8 d’abord, à Niamey, face au Niger, et le 22, à Accra, contre le Liberia. Dans un groupe de qualification pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2004 dont le quatrième représentant, était l’Ethiopie, quasi plus personne, il est vrai, ne donnait cher de nos chances de disputer la phase finale de l’épreuve, prévue en janvier et février prochains en Tunisie. La défaite par 1 à 0 que nous avions subie à Addis-Abeba, devant l’opposition la plus faible de notre poule, au mois d’octobre passé, avait déjà singulièrement hypothéqué tous nos espoirs. Seule une victoire en déplacement, au Niger, était susceptible de nous remettre en selle. Mais après avoir enduré un nouveau revers là-bas, c’en était pour ainsi dire fini de nos illusions. Le hasard aura toutefois voulu que dans le même temps, le Liberia perde des plumes face à l’Ethiopie. Du coup, un succès de notre part face aux protégés de George Weah pouvait à nouveau nous replacer dans la lutte pour la première place. Et, par un heureux concours de circonstances, nous avons obtenu cette victoire. Avec neuf points à l’issue de cinq parties, soit un total semblable à celui de l’Ethiopie, le match de clôture contre cette même équipe, programmé le 5 juillet, était décisif. Dans ces conditions, les hautes instances de la fédération guinéenne n’ont pas voulu me libérer. C’est pourquoi j’ai finalement rallié la Belgique beaucoup plus tard que prévu.

Ne pouviez-vous pas ou ne vouliez-vous pas vous soustraire à vos obligations ?

Honnêtement, je ne pouvais pas dans la mesure où je n’étais plus en possession de mon passeport. Je l’avais remis à mon arrivée au secrétaire général de la fédération qui n’est autre que mon oncle, Altafini Aly Bangoura. Après avoir pris les trois points contre le Liberia, j’estimais personnellement que le plus dur avait été fait dans notre groupe de qualification et que mon concours n’était plus vraiment indispensable pour la suite des événements. Jusqu’à ce stade de la compétition, en effet, aucun des matches ne s’était soldé par un nul. Au cours de toutes les rencontres, l’avantage était allé chaque fois à l’équipe jouant à domicile. Dans ces conditions, un triomphe à l’extérieur constituait bien évidemment du pain bénit. Nous y avions goûté par chance contre le Liberia parce qu’en raison de la guerre civile sévissant dans ce pays, il était exclu que la confrontation entre nos deux pays se déroule dans la capitale libérienne, Monrovia. Aussi, le Liberia fut forcé de nous donner la réplique au Ghana, avec une équipe de fortune puisque composée essentiellement de réfugiés du camp de Budumburam, non loin d’Accra. Compte tenu de cette situation très particulière, nous n’avions guère eu de difficultés à nous imposer par 1 but à 2. A mes yeux, nous avions effectué un grand pas vers la qualification ce jour-là. Mais je comprends que les responsables de la fédération, et le frère de mon père entre autres, n’aient voulu prendre aucun risque lors du match contre l’Ethiopie. Car il y avait six ans que la Guinée n’avait plus participé à une phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Dans l’intervalle, au contraire, elle s’était même signalée de manière négative, car en raison des mauvais résultats enregistrés en préliminaires de la Coupe du Monde 2002, le ministre des Sports Abdelkader Sangare avait ni plus ni moins décidé de dissoudre la fédération. Une initiative qui n’avait pas été du goût de la FIFA, qui avait suspendu la Guinée pour un an, dans la foulée.

Fatigue psychique

En raison de votre triple implication en sélection, aux mois de juin et juillet, vous venez de reprendre les entraînements au Standard sans avoir eu droit à des congés. Ne risquez-vous pas d’en subir le contrecoup tôt ou tard ? L’Egyptien Tarek Saïd avait débarqué dans les mêmes conditions à Anderlecht, il y a deux ans. Et il a couru désespérément derrière ses meilleures sensations.

A la différence de l’Egyptien, qui découvrait à la fois un pays et un championnat nouveaux, je sais à quoi m’en tenir puisque je joue depuis trois années en Belgique. Sur le plan physique, je ne pense pas que j’aurai des problèmes à digérer la succession des matches, même si je serai probablement privé d’une véritable cassure hivernale si je suis retenu dans l’effectif en prévision de la CAN, en Tunisie. Mais ce qui me turlupine un peu, c’est la fatigue psychologique. Je ne vous cache pas que les derniers mois, à Lokeren, ont été très éprouvants à ce point de vue. D’autre part, je me rends fort bien compte que les supporters du Standard attendront sans doute monts et merveilles de la part de l’équipe, et de moi en particulier, dans les semaines et les mois à venir. J’espère que je serai assez frais pour y faire face. Dans mon esprit, je m’efforce d’oublier la page Lokeren, en tout cas. Même si j’y serai à nouveau confronté dès la deuxième journée du championnat puisque, ce jour-là, les deux équipes seront en présence sur le terrain. Ce sera un match vraiment très spécial pour moi. Car, vous me croirez ou non, mais je n’ai jamais perdu autrefois avec Lokeren contre le Standard et ce, aussi bien à Daknam qu’à Sclessin. Sans jeu de mots, j’ai été plus d’une fois la bête noire pour le Standard dans ces circonstances. Notamment lors d’une victoire 0-1 en coupe au cours de laquelle j’avais inscrit le seul but du match. J’ose espérer que cette série sera interrompue à présent et remplacée par une nouvelle. Mais en faveur du Standard, évidemment (il rit).

A présent qu’il y a prescription, pouvez-vous nous dire depuis quand, exactement, le Standard est votre nouvel employeur ?

Ma signature n’est valable que depuis la première journée de la campagne des transferts, le 1er juin. Mais les premiers contacts remontent au mois d’octobre 2002. Les dirigeants voulaient savoir si j’étais bel et bien en fin de contrat au bout de la saison 2002-2003 et mon manager, Alfred Raoul, leur avait alors répondu par l’affirmative. La suite, tout le monde la connaît : Lokeren qui, par l’entremise de son président, Roger Lambrecht et de son manager, Willy Verhoost, conteste l’année d’expiration du contrat, arguant que j’avais signé un bail jusqu’en 2005. Mais moi, je savais fort bien ce que j’avais paraphé lors de mon arrivée au club en 2000 : un contrat de trois ans. Et, si mes calculs sont exacts, 2000 + 3 font 2003. Je ne vois pas pourquoi la direction en a fait tout un plat. Si elle avait réellement voulu me garder, elle aurait dû accomplir cette démarche plus tôt. Dès l’instant où le Standard est entré dans la danse, mon choix était rapidement fait. Ce club est quand même nettement plus porteur que Lokeren, même si je ne regrette pas les années que j’ai passées à Daknam. En réalité, j’émets le souhait que l’histoire repassera les plats et qu’à l’image d’autres Africains, qui se sont épanouis chez les Flandriens, comme Stephen Keshi, Samson Siasia ou Souleymane Youla, j’aurai l’opportunité de faire mon trou aussi dans un tout grand club.

Stephen Keshi avait fait fureur à Anderlecht mais Souleymane Youla s’y était complètement planté.

Je constate qu’il a quand même complètement rebondi entre-temps à Gençlerbirligi et qu’il est le roi de l’équipe nationale, chez nous. Sur les dix buts que le Sily National a inscrits en phase qualificative pour la CAN, Souleymane Youla en a pris la moitié à son compte, dont un doublé face à l’Ethiopie. Je reste convaincu que s’il avait eu sa chance une année de plus au Parc Astrid, il aurait fait son trou là-bas. Mais durant sa seule campagne au RSCA, il a dû composer avec la concurrence d’un Jan Koller et d’un Tomasz Radzinski en pointe. Il n’était pas facile de s’illustrer dans ces conditions. Je dis et je maintiens qu’il faut avoir la chance d’aboutir dans un club au bon moment si on veut y durer. Ce fut le cas pour moi à Lokeren où j’ai connu des moments fabuleux. Seules les dernières semaines auront été pénibles, avec cette volonté de la direction de me verser dans le noyau B et les insultes et menaces dont j’ai fait l’objet après le match Lokeren-Standard. Ce soir-là, certains soi-disant supporters avaient pu man£uvrer à leur guise, saccageant même mon véhicule sans que certains dirigeants lokerenois, pourtant témoins de la scène, n’aient cru bon devoir intervenir. Depuis ce moment, ceux-là sont classés de manière définitive pour moi.

Arrivez-vous au Standard au bon moment ?

Je le souhaite mais il est trop tôt pour le dire. De fait, je ne suis pas la seule pièce à imbriquer aux avant-postes, puisque Jurgen Cavens et Alexandros Kaklamanos sont tout aussi nouveaux que moi. Peut-être l’adaptation aurait-elle été plus facile si Ole-Martin Aarst ou Michaël Goossens étaient restés. A présent, il faudra vraiment repartir de zéro. Mais je n’ai pas peur. Quelle que soit l’identité du joueur que j’aurai à mes côtés, je veillerai toujours à donner le meilleur de moi-même.

A l’occasion de vos débuts, contre Sedan, vous avez remplacé Moreira en soutien du duo de pointe formé d’Alexandros Kaklamanos et Mohamed El Yamani, qui avait lui-même pris la place de Papy Kimoto. Cette position de soutien d’attaque recueille-t-elle votre adhésion ?

Dans un grand club, il ne faut pas faire la fine bouche. Je m’inclinerai toujours devant les vues de l’entraîneur même si ma préférence ira toujours vers l’une des places de la division offensive.

Vous jouerez avec le 17, un numéro lourd de signification depuis peu.

C’est le chiffre que j’avais à Lokeren, et qui m’a porté chance, même s’il revêt une tout autre signification aujourd’hui en raison de la mort tragique de Marc-Vivien Foé. Il va sans dire que sa disparition tragique m’a frappé. Je ne le connaissais pas personnellement mais mon coéquipier en équipe nationale, Pascal Feindouno, actif aux Girondins Bordeaux, était très proche de lui et il m’en a longuement parlé. Si je l’avais voulu, j’aurais pu opter pour un autre numéro à Standard. Mais par hommage envers le Camerounais, je veux porter le 17. Et j’espère m’en montrer digne, à l’image du Lion Indomptable.

 » Avec Lokeren, j’étais la bête noire du Standard  »

 » A Daknam, certains sont classés de façon définitive  »

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