LAWARÉE – DOLL STOP À 37 ANS

Ils ont commencé leur carrière ensemble et l’ont arrêtée au même moment. Comment voient-ils les choses ?

Ils sont nés à quatre mois d’intervalle, ont débuté leur carrière quasiment ensemble, à Seraing. Et ils l’arrêtent simultanément aussi, à 37 ans.  » J’ai été opéré de la cheville en mars et fêté la naissance de mon deuxième enfant en janvier « , révèle Olivier Doll.  » Les circonstances, sportives et extra-sportives, se prêtaient à arrêter et j’ai tourné la page sans regret. Jouer dans une division inférieure ne me tentait pas. Pour l’instant, le foot ne me manque pas. J’ai été invité à donner le coup d’envoi de Lokeren-Anderlecht, cela m’a fait plaisir mais pas de quoi me redonner l’envie de reprendre du service. Après avoir arrêté, j’ai éprouvé le besoin de couper les ponts pendant un moment, de me ressourcer auprès de la famille, de profiter de mes deux enfants. Mais il faudra bien que je me cherche une occupation. J’apprécie mon rôle de consultant pour la Ligue des Champions chez BeTV, mais ce n’est pas un véritable métier. Je suis ouvert à tout, même si j’aimerais garder un lien avec le football. Ce n’est pas évident. J’ai un diplôme UEFA B, je ne serais pas opposé à l’idée d’intégrer un staff mais je ne tiens pas à devenir directement entraîneur en D1. J’ai entrevu la perspective d’enseigner le football dans un sport-études, mais le directeur ne m’a pas accepté parce que je n’ai ni un diplôme universitaire, ni un diplôme de régent. C’est ridicule, mais si j’avais, par exemple, décroché un graduat en… tourisme, j’aurais pu enseigner le foot ! Mon vécu de 20 années en D1 ne compte pas. Je continue à entretenir ma forme en allant courir régulièrement, et je vais peut-être m’inscrire dans un club de tennis. Pour un ancien sportif professionnel, c’est très mauvais de passer d’un exercice quotidien à l’oisiveté complète. Y compris pour le c£ur, paraît-il.  »

 » Je vais me lancer dans une carrière d’agent de joueurs « , révèle Axel Lawarée.  » Je suis en train de passer les examens requis. Lorsque je jouais au Rapid de Vienne, des gens m’avaient proposé de travailler avec eux dans une entreprise de textile, où l’on confectionnait des peignoirs au logo d’un club, des serviettes à l’effigie d’un joueur et d’autres articles de ce genre. Ils avaient beaucoup misé sur l’EURO 2008 pour lancer leur société, mais cela s’est mal passé et ils se sont retrouvés en difficultés financières. Je continue à jouer au foot en amateurs à Düsseldorf. Physiquement, je me sens encore bien : la saison dernière, j’ai suivi les stages et les entraînements en D2 allemande sans aucun problème. J’aurais sans doute encore pu jouer une ou deux saisons comme pro, mais mon temps de jeu diminuait à vue d’£il avec le Fortuna et j’ai compris qu’il était préférable d’en rester là. « 

La CL au c£ur des souvenirs

Si vous avez réalisé, Olivier, toute votre carrière en Belgique, Axel y a donné une orientation internationale en Espagne, Autriche et Allemagne. Comment expliquez-vous ces trajectoires si différentes ?

Doll : Ce sont les circonstances qui l’ont décidé ainsi. Il y a toujours une part de hasard dans une carrière. En ce qui me concerne, chaque fois que j’étais en fin de contrat et que j’ai eu la possibilité de partir à l’étranger, j’ai été tracassé par une petite blessure. Et puis : quitter Anderlecht pour trouver mieux ailleurs, c’est difficile. Je me sentais bien au Sporting. Après dix ans, je suis finalement parti à Lokeren. Tout le monde a trouvé ça bizarre. Je dois avouer qu’au début, je trouvais aussi que c’était une drôle de destination. Finalement, j’y suis resté six ans. Je m’y plaisais. J’ai même inscrit, la saison dernière, un but d’anthologie contre Malines, une volée dont personne ne m’imaginait capable. Cela reste anecdotique sur l’ensemble de ma carrière, mais le plus marrant, c’était de voir la tête que tiraient les adversaires…

Lawarée : En fait, c’est ma blessure au genou qui m’a orienté vers l’étranger. Je suis resté un an sur la touche. J’ai été opéré à deux reprises, et après ma deuxième opération, une infection s’est propagée dans ma jambe. J’ai été à deux doigts de tout arrêter, j’ai perdu plus de dix kilos. On me faisait des piqûres et des perfusions deux fois par semaine, la douleur était insupportable. Le Dr. Martens a tenté une opération de la dernière chance. Elle a réussi, et j’ai pu rejouer, mais je n’ai pas retrouvé une place de titulaire à Mouscron. Avec Hugo Broos et Jean-Pierre Detremmerie, le ton est parfois monté. Il valait mieux que je parte. Didier Frenay, mon agent à l’époque, m’a vanté la qualité de la vie en Autriche. Je lui ai fait confiance, j’ai émigré à Bregenz sans trop savoir à quoi m’attendre, et j’y ai connu une deuxième jeunesse. Là-bas, on ne me connaissait pas, j’ai dû tout recommencer à zéro et cela s’est passé comme dans un rêve. J’inscrivais une vingtaine de buts par saison. Les grands clubs autrichiens m’ont tous contacté et j’ai opté pour le Rapid Vienne : un club de grande tradition, avec des supporters exceptionnels. Après, je suis parti en Allemagne, à Augsbourg puis à Düsseldorf.

C’est la question classique, si vous deviez retenir un seul moment de votre carrière, lequel serait-ce ?

Lawarée : La qualification pour les poules de la Ligue des Champions, avec le Rapid de Vienne, en 2005. On s’est retrouvé avec le Bayern Munich, la Juventus et le Club de Bruges. On a livré de bonnes prestations, mais on a terminé dernier, en nourrissant de gros regrets après les deux matches contre Bruges.

Doll : Je retiendrai le match remporté 1-0 contre la Lazio, en Ligue des Champions 2000-2001. Quatre jours plus tôt, on avait affronté La Louvière en championnat. J’avais joué pour la première fois avec Aleksandar Ilic en défense centrale. Je sentais que les supporters n’étaient pas rassurés. Ils s’attendaient, pour la plupart, à ce qu’on se plante contre la formation romaine. J’ai toujours adoré ces challenges, ce genre de match où l’on est attendu au tournant et où tout le monde pense que l’on va trébucher. Et lorsqu’on triomphe en Ligue des Champions, c’est encore plus beau. L’atmosphère dans les tribunes est très différente. La tension est palpable, on sent que les gens sont venus pour assister à un événement. Il y a toute cette organisation, cette musique avant le match…

 » Partizan 2010, c’est Ferencvaros 1995 « 

Aujourd’hui, les supporters d’Anderlecht vivent toujours dans la nostalgie de cette saison 2000-2001.

Doll : J’ai vécu ce genre de déception lors de l’élimination contre Ferencvaros. L’entraîneur allemand Herbert Neumann, qui venait à peine de débarquer, a été remercié entre le match aller et le retour. Raymond Goethals a été appelé, sans parvenir à renverser la vapeur. Aujourd’hui encore, cette élimination me reste en travers de la gorge, car on n’aurait jamais dû perdre face à ces Hongrois largement à notre portée. Je suppose que les joueurs actuels sont rongés par le même sentiment après l’élimination face au Partizan Belgrade. On pourrait jouer dix fois cette éliminatoire, Anderlecht s’imposerait neuf fois. Le Sporting a payé cash les erreurs commises lors du match aller. En soi, le 2-2 à Belgrade n’était pas un mauvais résultat, mais il y avait largement place pour l’emporter. Le point positif, c’est qu’au-delà de la légitime déception et de la perte financière qu’a engendré cette élimination, il n’y a pas eu de mouvement de panique, pas d’exode massif. C’est la preuve d’une bonne gestion : la direction, si elle espérait forcément une qualification, avait aussi envisagé le scenario catastrophe et s’y était préparée.

Les clubs belges sont-ils moins forts ?

Doll : Les autres pays ont progressé alors qu’on fait du surplace. Cela revient au même. Avant de revoir une équipe belge au deuxième tour de la Ligue des Champions, il faudra encore attendre quelques années.

Lawarée : Autrefois, on avait encore des matches de bon niveau dans le championnat de Belgique. La différence avec le niveau européen était moindre. Aujourd’hui, en championnat, les meilleurs clubs belges peuvent se permettre un relâchement, sans que cela ne porte à conséquence. En début de saison, j’avais été invité à assister à Genk-Lierse. Le Lierse était d’une naïveté affligeante. Genk a joué dans un fauteuil. Sur la scène européenne, le moindre relâchement se paie cash.

 » L’équipe nationale ne représente plus un passage obligé « 

Les Diables Rouges l’ont également vérifié à leurs dépens…

Doll : Quelques erreurs individuelles ont causé notre perte, contre l’Allemagne et en Turquie. C’est dommage, car on aurait mérité le partage dans les deux cas. Les erreurs font partie du football et personne n’est à l’abri d’une bourde. La presse a été trop loin lorsqu’elle a jugé Daniel Van Buyten. Certains sont sortis du contexte sportif et ont clairement visé l’homme.

Lawarée : On a parlé de  » trahison « , de  » fermeture des frontières « . Où va-t-on ? En Allemagne, on ne trouve ce genre de titre que dans des journaux à sensation, comme le Bild. C’est le créneau de ce journal. Mais, en Belgique, on a assisté à un vrai lynchage dans des journaux d’information générale.

L’attitude des médias a-t-elle évolué au fil des ans ?

Doll : Je trouve qu’en Belgique, les joueurs sont vite vexés. Certains décident de ne plus parler aux médias parce qu’un jour, ils ont reçu un 4 au lieu d’un 6. Qu’ils fassent plutôt leur autocritique. Dans l’ensemble, la presse belge reste très gentille. Je ne parle pas de l’équipe nationale, qui est un cas à part. Elle divise l’opinion, et par principe, certaines personnes ne seront jamais d’accord sur certains choix.

Lawarée : En Allemagne, il existe une presse à scandale qui vend du papier grâce aux dérapages, aux aventures extraconjugales ou aux ennuis judiciaires de certains joueurs. On le sait. Mais la presse classique reste confinée dans son rôle.

Comment expliquer les difficultés des Diables Rouges ?

Doll : Avant le match en Turquie, certains médias ont rappelé que les Diables Rouges s’étaient imposés 1-3 à Istanbul, en 1997, avec trois buts de Luis Oliveira et déjà Georges Leekens comme coach. Je faisais partie de l’expédition. Mais on ne peut pas comparer deux générations. Le plus important, aujourd’hui, est de redonner aux joueurs l’envie de mouiller leur maillot pour l’équipe nationale. Actuellement, pour un joueur belge, l’équipe nationale ne représente plus un passage obligé s’il veut partir à l’étranger… puisqu’il y est déjà. Il y a 15 ans, pour partir à l’étranger, il fallait s’illustrer avec les Diables Rouges, lors d’un Championnat d’Europe ou d’une Coupe du Monde. Aussi longtemps que l’envie ne sera pas présente, on pourra discuter tactique pendant des heures et des heures, cela ne changera rien.

Nos prochains adversaires sont le Kazakhstan et l’Autriche…

Lawarée : Les Autrichiens sont un peu confrontés au même problème : ils ont de bons joueurs, certains d’entre eux jouent dans de bons clubs étrangers, mais la sauce ne prend pas. Pourtant, là-bas, il n’y a pas de problèmes linguistiques. Et ils sont tous motivés pour la cause nationale. Plusieurs entraîneurs se sont succédés sans succès. A domicile, les Diables devraient battre l’Autriche, mais à leur place, je me méfierais malgré tout.

Doll : Les problèmes linguistiques sont surtout invoqués par des personnes extérieures. Sur le terrain, on s’en f… que son partenaire soit flamand ou wallon. Quand cela va mal, on a beau jeu d’avancer l’argument-massue : l’équipe est divisée. Une équipe est toujours composée de petits groupes, que cela aille bien ou mal. Il y a toujours des gens avec lesquels on s’entend mieux. C’est vrai entre collègues footballeurs comme ce l’est entre collègues de bureau. L’essentiel, c’est que sur le terrain, tout le monde tire à la même corde : on ne nous demande pas de partir en vacances avec ses coéquipiers.

 » La technologie rend tout le monde nerveux « 

Le business prend le pas dans tous les domaines. L’enjeu peut-il dénaturer le jeu ?

Doll : Je ne le pense pas. Lorsqu’on commence un match, on connaît le montant de la prime qui a été promise. Lorsqu’on rentre chez soi, on y repense éventuellement, selon que l’on ait gagné ou perdu. Mais sur le terrain, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de joueurs qui se disent : – Sijepropulseleballonaufonddesfilets, jegarniraimoncompteenbanqued’autantd’eurossupplémentaires.

Lawarée : On s’entraîne pour jouer, pas pour calculer.

L’arbitrage a souvent été mis en cause, ces derniers temps…

Doll : Il arrive qu’un arbitre passe à côté de son match. Mais les arbitres actuels ne sont pas plus mauvais que leurs prédécesseurs. La différence, c’est qu’autrefois, il n’y avait pas toutes ces caméras, ces ralentis, ces lignes artificielles que l’on trace sur l’écran pour voir s’il y avait hors-jeu ou pas. Parfois, cela se joue à un centimètre. Au moment où l’on arrête l’image, le joueur n’est pas hors-jeu. Mais un dixième de seconde plus tard, il l’est. C’est quasiment impossible à juger en temps réel pour un arbitre assistant. La technologie met les erreurs des arbitres en évidence.

Lawarée : Cela a pour conséquence de rendre tout le monde nerveux. Dix secondes après les faits, l’entraîneur a déjà reçu l’information : il y avait hors-jeu ou pas, faute ou pas, but ou pas. Et lorsqu’il constate que l’arbitre a commis une erreur, il sort de ses gonds.

Doll : Pourtant, je ne suis pas favorable à l’usage de la vidéo. Si ce n’est dans deux cas précis : pour voir si un ballon a franchi la ligne ou, après le match, pour suspendre un joueur dont le mauvais geste aurait échappé à l’arbitre.

Lawarée : Cela se fait en Allemagne depuis de longues années. Les joueurs y réfléchissent à deux fois avant de commettre un mauvais geste, car ils savent que même si celui-ci échappe à l’arbitre, ils n’échapperont pas à la sanction.

Quelques anecdotes ?

Doll : En 1996-1997, lors d’un Standard-Anderlecht, mon ami Axel est sorti avec le nez en sang : un contact fortuit avec moi. C’est le seul joueur que j’ai blessé au cours de ma carrière !

Lawarée : Mais combien de maillots as-tu déchirés ? ( Ilrit) En ce qui me concerne, je me souviens de mes débuts à Seraing, en D3 et en D2. Certains jours, on avait déjà deux entraînements, mais le midi, on était libres. La plupart des joueurs allaient en ville, manger une pizza ou un hamburger. Le jeudi, on s’entraînait au Sart-Tilman où on avait la possibilité de manger à la cafétéria. On se délectait d’un boulet-frites ! Pas idéal pour les sportifs. Lorsque Georges Heylens est arrivé, il a tout changé. On prenait nos repas ensemble, au complexe sportif Yves Baré à Wihogne, où l’on s’entraînait.l

Par Daniel Devos – Photos: Reporters/Gouverneur

Je trouve qu’en Belgique, les joueurs sont vite vexés. Qu’ils fassent plutôt leur autocritique. (Olivier Doll)

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