© Getty

Laurie Cunningham

Ils n’étaient pas toujours les plus grands, mais on les adulait quand même. Parce qu’ils avaient ce petit quelque chose en plus : de l’humour, un avis bien tranché, voire un côté tragique. Place aux figures cultes du foot. Sous la loupe, cette fois : Laurie Cunningham

« C’était comme si je regardais Johan Cruijff mais un Cruijff à la peau noire. Il était capable de tout avec le ballon.  » 25 ans après la défaite 0-2 du FC Barcelone, ce fervent supporter se rappelle le passage de Laurie Cunningham,le 10 février 1980, au Camp Nou. L’ailier du Real Madrid avait slalomé entre les défenseurs catalans et distribué avec une infinie précision le ballon dans les pieds de ses coéquipiers.

Quand l’Anglais a quitté le terrain, il s’est produit un événement incroyable : le Camp Nou, toujours hostile au Real, l’a ovationné. C’était un artiste, qui voulait divertir les gens, comme il le faisait plus jeune… sur un parquet de danse. Ses entraîneurs à Leyton Orient devenaient fous quand, une fois de plus, il arrivait en retard à la séance.  » Désolé, coach, je devais danser.  » Il payait l’amende d’une livre avec le sourire. Car, disait-il :  » J’ai gagné.  »

À 16 ans, le Londonien, fils d’un jockey jamaïcain, a décliné l’offre d’un ballet renommé. Cinq ans plus tard, il jouait à West Bromwich Albion. Pour quelque 150 euros par semaine, il a rédigé une des plus belles pages de l’histoire du club : septième, sixième, les quarts de finale de la Coupe UEFA et une troisième place. Il aimait la vie à Birmingham, où il formait un trio unique avec deux autre Noirs, Cyrille Regis et Brendon Batson.

The Three Degrees, comme les appelait le manager Ron Atkinson, étaient de véritables magiciens mais dès qu’ils quittaient Birmingham, ils étaient insultés et humiliés. C’était le sort de tous les footballeurs noirs, qui n’étaient encore que quelques dizaines, dans les années ’70.

West Bromwich Albion attirait les extrémistes.  » Nous étions attendus par des membres du National Front dans tous les stades. Parfois, ils se contentaient de nous insulter mais ils nous crachaient dessus aussi « , a raconté Batson des années plus tard. On leur jetait des bananes et à Londres comme à Manchester, ils entendaient un humiliant refrain, pendant de longues minutes :  » Nigger, lick my boots  » -Nègre, lèche-moi les bottes.

Cunningham, fiancé à une femme blanche, recevait des menaces de mort quasi chaque jour et quand il a été sélectionné en équipe nationale, devenant le deuxième Noir dans ce cas, après Viv Anderson, on a jeté une bombe incendiaire devant sa porte.  » Il s’est tranquillement levé pour éteindre les flammes, comme s’il devait le faire tous les jours « , se rappelle sa promise.

Durant ses jeunes années à Leyton Orient, après un but de la victoire à Millwall, il avait fait le salut du Black Power. Chez les Baggies, il a fait parler ses pieds et ses dribbles ont attiré l’attention du Real Madrid.  » Laurie était déjà une vedette en Europe. Il possédait des qualités comparables à celles de Cristiano Ronaldo mais il n’était pas animé par sa rage de vaincre « , explique Vicente del Bosque à propos de l’ailier gauche anglais avec lequel il a joué au Real, gagnant le titre en 1980 et la coupe en 1980 et en 1982.

Son corps était toutefois fragile. Une opération aux ligaments croisés lui a fait perdre sa vitesse et ses actions sont devenues prévisibles, même si un mouvement trahissait de temps en temps sa classe. Il a parfois fait vibrer le public d’Old Trafford et il a enlevé la FA Cup avec le Crazy Gang de Wimbledon en 1988.

Quelques mois plus tôt, il avait enfilé à quelques reprises le maillot du… Sporting Charleroi. Il a ensuite remis le cap sur l’Espagne, dont il aimait le mode de vie insouciant, et au printemps 1989, son but a promu le Rayo Vallecano en Premier Liga. C’était l’été indien de sa carrière. En juillet, il s’est tué en s’encastrant dans une voiture parquée. Il n’avait que 33 ans…

Bio

Né le : 8 mars 1956 (Angleterre)

Clubs : Leyton Orient, West Bromwich Albion, Real Madrid, Manchester United, Sporting Gijon, Marseille, Leicester City, Rayo Vallecano, Charleroi, Wimbledon, Rayo Vallecano

Caps : 6 (0 goal)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire