Langenus, l’arbitre écrivain

 » J’apprécie beaucoup les interventions de Marcel Javaux sur le plateau de la Tribune. Avec son humour, il défend bien les arbitres qui, c’est vrai, n’ont pas la vie facile. Les pressions sont énormes, je n’en doute pas, mais il en a toujours été ainsi. La preuve par les aventures de John Langenus, l’arbitre belge qui dirigea la finale de la Coupe du Monde 1930, à Montevideo, entre l’Uruguay et l’Argentine (4-2). Langenus consignait ses aventures sur papier et ce qu’il a raconté après son séjour en Amérique du Sud doit intéresser les arbitres d’aujourd’hui. Un match du Groupe III, Uruguay-Pérou, l’inspira.  » Quelle rencontre ! « , écrit-il.  » Le Pérou avait mis des joueurs de couleur en ligne, depuis le noir d’ébène jusqu’ au blanc en passant par le brun mat d’une Joséphine Baker. Ces joueurs étaient excellents. Ils se surpassèrent contre l’Uruguay. A la mi-temps, le score était encore de 0-0, et le public était devenu nerveux. L’Uruguay devait absolument gagner. Et il le fit grâce à un goal magnifique de Castro, un joueur manchot, à la 65e minute de jeu, qui enthousiasma les 125.000 spectateurs.  »

 » Dès que le coup de sifflet final eut retenti, je me jetai dans la foule pour atteindre mon vestiaire « , poursuit-il dans son bouquin.  » On m’avait averti que les vestiaires n’étaient pas encore achevés, et qu’il aurait été prudent de venir tout habillé au stade. Il me fallut, dès lors, rentrer dans le même costume. L’auto qui devait venir me prendre demeurait invisible. C’était compréhensible au milieu d’une telle animation. Mais comment rejoindre l’hôtel à 45 minutes de distance ? Je n’avais pas d’argent sur moi. J’étais en costume de sport. Il n’y avait ni taxi ni voiture à trouver. Alors, à pied. Un martyre ! Sous la pression régulière sur les pavés, les crampons de mes chaussures pénétraient littéralement dans mes pieds fatigués par la course. Au bout d’un quart d’heure nous étions sortis de la cohue. Fort heureusement, nous pûmes prendre un autobus. Nous rentrâmes avec des pieds meurtris. « 

Dans son livre ( En sifflant par le monde, édité en 1942), Langenus revient sur un détail de la finale de cette Coupe du Monde 1930 :  » Chaque équipe avait apporté un ballon de fabrication nationale propre et prétendait ne jouer qu’avec un ballon de cette espèce. C’est ce qui explique qu’au moment de donner le signal du début, je me trouvai au centre du terrain, portant un ballon sous chaque bras. Le ballon du jeu fut désigné à pile ou face.  » Voilà des aventures d’un arbitre écrivain qui ne peuvent qu’intriguer les amis et anciens collègues de Marcel.  »

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE BILIC

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