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L’attaquant ivoirien a saisi sa chance et a fait forte impression lors de ce début de championnat

Mons a vendu Mohamed Dahmane durant l’intersaison et tout le monde se demandait qui commencerait le championnat aux côtés d’ Ilja Stolica. Finalement, c’est François Zoko qui a convaincu José Riga durant les matches de préparation. Et c’est lui qui a débuté face à Bruges. A lui tout seul, il mit la pression sur la défense brugeoise expérimentée mais lente. Pourtant, Mons s’inclina (2-1). A l’issue de la rencontre, le coach souligna le travail colossal fourni par son attaquant ivoirien.  » Il décroche et a besoin d’une grosse dépense physique pour être dans son match. Sa détente verticale est un autre de ses atouts. Il a remporté tous ses duels face à Philippe Clement, pourtant plus grand de dix centimètres. La seule chose qui lui manque encore, c’est cet instinct de buteur. Mais il progresse et il est encore jeune. Il n’aura que 24 ans en septembre « .

Beau gabarit (1,81m pour 76 kg), Zoko a donc mis un an pour se forger une place de titulaire au sein de cette formation montoise. Ce match référence contre Bruges a permis à la Belgique de découvrir ses qualités (technique et robustesse), trop peu entraperçues la saison passée.

Aujourd’hui, lorsqu’il joue avec Yerim, son fils de trois mois, il peut mesurer le chemin parcouru depuis les premiers jours passés en Côte d’Ivoire :  » Je n’ai pas de souvenirs de jeux avec ma mère qui était déjà partie pour la France. J’étais élevé par mes grands parents à Daoula. La vie n’était pas évidente tous les jours mais elle m’a permis d’affronter certaines situations. En Côte d’Ivoire, à huit ans, tu n’es déjà plus un gamin. A 9 ans, je suis parti au village familial, à Zah. J’ai appris ce que signifie le mot travail. Je me réveillais très tôt et on m’envoyait aux champs. Mais je n’ai aucun regret quand je repense à cette époque. C’était une belle période et sans cet épisode ivoirien, je n’aurais pas eu ma trajectoire « .

Resté en Afrique, il retrouve sa mère à 11 ans à Paris

A 11 ans, ce fut le premier tournant de sa vie lorsqu’il rejoignit sa famille dans la banlieue parisienne, à Savigny-sur-Orge :  » Tous mes frères y étaient déjà. Contrairement à la plupart des gens, ce n’est pas le froid qui m’a marqué en premier lieu mais le fait de voir, pour la première fois, ma famille réunie. Je n’avais jamais rencontré ma mère. Pourtant, ce n’était pas une inconnue car au village, on me parlait sans cesse d’elle « .

Le football allait rentrer dans sa vie mais pas directement.  » Je préférais jouer avec des amis dans mon quartier. Christian Nadé, aujourd’hui à Sheffield United, avec lequel j’ai grandi, me disait sans cesse que je devais le rejoindre dans le club du foot local. Mais je trouvais cette formation trop nulle. Deux ans plus tard, je remportais le cross du collège et mon prof m’a dit que je devais absolument faire du sport, soit de l’athlétisme, soit du foot. De plus, mon ami Nadé s’ennuyait seul dans le club et il insistait. J’ai fini par craquer. Savigny était dernier quand je suis arrivé. Je marquais à tous les matches et on a finalement terminé à la sixième place « .

Sa carrière débutait. Les clubs professionnels commençaient à s’intéresser à ce gamin de 13 ans.  » Je pouvais effectuer un stage à Nantes mais ma mère n’a pas voulu. Elle voyait le centre de formation comme une sorte d’internat et elle ne pensait pas au côté sportif. Ma mère est restée inflexible quand Lens s’est manifesté. Mais à 15 ans, mon entraîneur m’a obligé de partir en affirmant que si je restais, ce serait un gâchis. J’ai abouti au CFFP, le centre de formation de football de Paris. Il était situé à une heure en RER de chez moi. Je continuais mes études et puis je filais au foot. Je rentrais tous les jours à minuit, une heure du matin mais ma mère préférait cela. Au moins, elle était sûre que je rentrais à la maison ( il rit) « .

A Nancy, il ne trahit pas ses amis et s’en va

Au CFFP, Zoko découvrait le côté professionnel du football et à 16 ans, il filait dans l’Est de la France, à Nancy.  » Ma mère a accepté à une condition : que je continue mes études et que je décroche mon BAC. A Nancy, j’ai découvert un nouveau monde. Plus organisé. Dans mon groupe, je faisais partie d’une génération très bonne, avec Michaël Chrétien et Pape Diakathé. Je jouais toutes les rencontres mais physiquement, j’avais du mal à suivre le rythme et j’ai mis un certain temps avant de marquer mon premier but « .

Tout s’enchaîne : les -17 ans et les Réserves où il était le seul non-pro et où il a évolué avec Pablo Correa, son futur entraîneur.  » A Nancy, le centre de formation était coupé du monde, en pleine forêt, à 10 kilomètres du centre-ville. On partageait les bâtiments avec l’Office National des Forêts. Si quelqu’un avait faim et que la cantine était fermée, on devait vider les placards des copains « . C’est là qu’il fait la connaissance de Christophe Dessy, qu’il a retrouvé depuis peu à Mons où il s’occupe de l’école des jeunes :  » C’est un excellent formateur. Il a su faire progresser certains joueurs comme Manuel Da Costa qui évolue désormais au PSV ! C’était un plaisir de s’entraîner sous se ordres « .

Une fois le groupe pro intégré, cela va se gâter lorsqu’il retrouva Correa comme entraîneur :  » Je ne savais pas ce qu’il attendait de moi. C’était un jeune entraîneur qui avait la pression des résultats. Par après, une fois ses preuves faites, il a pu réaliser les transferts qu’il désirait et il m’a annoncé que je disposerais de moins de temps de jeu. A une époque, j’ai même dû m’entraîner à l’écart du groupe, sous la coupe de Dessy. Je suis respectueux des gens mais je n’aime pas qu’on me dicte ma façon de vivre. Correa me disait de ne pas traîner avec certains joueurs. Mais j’avais grandi avec eux ! Je ne pouvais pas couper les ponts. Il s’agissait d’amis ! Finalement, j’ai résilié mon contrat. Nancy a accepté de me rendre ma liberté à la condition que je ne parte pas pour un club de Ligue 1, ni pour un cercle de Ligue 2 qui vise la montée. C’est pour cette raison que j’ai abouti à Laval « .

Il se noie presque à Laval

Dans la Mayenne, entre Le Mans et Rennes, Zoko allait connaître des hauts et des bas :  » J’ai vécu six mois parfaits sous la houlette de Denis Troch. J’avais inscrit sept buts et les propositions commençaient à affluer. Parce que j’ai voulu les étudier avant de resigner à Laval, les dirigeants l’ont mal pris. Je n’ai plus été aligné les six mois suivants. Finalement, je suis resté à Laval mais j’avais le moral à zéro. J’ai bossé et j’ai retrouvé une place dans l’équipe où je fus aligné à tous les postes : attaquant, médian droit, médian gauche. Cependant, je n’étais pas heureux. Il ne se passe rien à Laval. Ce n’est pas une ville pour moi « .

Arrivé en fin de parcours, Zoko aboutit, il y a un an à Mons.  » Je ne connaissais pas le championnat de Belgique. J’étais un peu hésitant d’autant plus que j’avais encore des belles propositions financières de Turquie. A 23 ans, je devais faire un choix entre l’aspect financier et me laisser deux ou trois ans pour encore progresser sur le plan sportif. J’ai passé trois jours de test à Mons et je me suis dit qu’on n’était pas loin de la France « .

A Mons, il doit gérer la pression des buts

A l’époque, Riga avait été convaincu par son expérience de la Ligue 2 mais les Dragons cherchaient un buteur capable de remplacer Jérémie Njock, parti à Brest. Zoko n’a cependant jamais émargé à la race de renards des surfaces.  » J’ai été lancé dans le bain dès le deuxième match mais je manquais de préparation. Je n’étais pas prêt même si cela ne m’empêchait pas de tout donner « , se défend Zoko.

Si l’Ivoirien fut utilisé au premier tour, l’éclosion de Dahmane le replaça sur le banc. Il disputa 23 rencontres et trouva le chemin des filets à quatre reprises.  » Je suis déçu da ma première campagne montoise. Mais ma mauvaise passe lors du deuxième tour m’a appris à être patient et à me maîtriser. J’ai essayé de vivre cette période pour en retirer quelque chose. Je suis devenu père il y a trois mois et cela m’a permis d’aborder ma période de non jeu sereinement. La paternité, cela change la vie. On n’est plus le boss à la maison ( il rit) « .

Cette paternité lui aura permis aussi de se calmer, lui qui n’avait pas hésité à engueuler et insulter un arbitre lors de son exclusion à Genk.  » J’aime rigoler mais il y a des limites à ne pas dépasser. Quand je démarre, je pars vite. Je suis limite impulsif « .

Zoko doit apprendre aussi à aller plus rapidement vers le but :  » Je connais mes difficultés et je sais où je dois m’améliorer. Quand j’étais jeune, je marquais beaucoup mais j’ai perdu la notion du but à Nancy. On m’a utilisé à toutes les positions, notamment sur le flanc droit car je pouvais éliminer mon opposant, dribbler et créer des brèches. Je suis devenu davantage joueur que buteur. J’essayais de penser aux autres avant de penser à moi. Je devais faire en sorte que l’attaquant à mes côtés se mette en évidence. J’avais un rôle ingrat car à la fin de saison, on me posait toujours la même question – Combien de buts as-tu marqué ? Et cette question revient aussi sans cesse dans la bouche des dirigeants au moment de renégocier un contrat. Maintenant, l’entraîneur me pousse à ne penser qu’à inscrire des buts. Je sens que je retrouve mes sensations de jeunesse « .

Zoko aura bien besoin de cet instinct de buteur retrouvé pour pallier le remplacement de Dahmane, parti à Genk.  » Je ne le remplace pas. J’étais déjà là l’année passée et mes qualités sont les mêmes que la saison dernière. J’ai progressé mais je ne suis pas devenu Ronaldo pendant les vacances. Je veux bien qu’on me mette la pression pour marquer mais pas qu’on me compare sans cesse à Momo. Mes qualités sont la vitesse, la percussion et la facilité d’éliminer un homme et j’aimerais cette saison y ajouter le terme buteur « .

Car en ce début de saison, on se dit que Mons pourrait connaître certains problèmes à la concrétisation… comme il y a un an, avant l’éclosion de Dahmane :  » Parce qu’on a fait match nul contre Malines, on reparle des problèmes en attaque mais Anderlecht ou le Standard ratent aussi beaucoup d’occasions… « 

par stéphane vande velde – photos: reporters

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