LAISSER PARLER SON COEUR

De 1945 au début des années 80, quel journaliste sportif en herbe n’a pas commenté ses propres « exploits » en imitant Luc Varenne, dont la célèbre voix s’est éteinte le 30 avril? Dès les minutes qui suivirent l’annonce de son décès, les hommages affluèrent d’un peu partout, le moindre n’étant pas celui que lui rendit Roger Laboureur sur l’antenne de… Bel-RTL.

Les différents journaux de la RTBF, où Luc Varenne avait fait toute sa carrière, ne furent bien sûr pas en reste. Mercredi, la chaîne publique rediffusa d’ailleurs une interview réalisée en 1973 par un autre grand homme de radio trop tôt disparu: Armand Bachelier.

Ceux qui sont trop jeunes pour avoir entendu Luc Varenne à l’époque où la télé n’avait pas encore pris une telle importance n’y auront malheureusement pas retrouvé d’extraits de commentaires d’époque.

Les autres y apprirent notamment que Luc Varenne n’était pas son nom original. Né en 1914 à Tournai, Alphonse Tetaer en avait hérité au cours de la seconde guerre mondiale, où il avait combattu aux côtés des armées belge et française.

Blessé en Afrique, il s’était alors retrouvé à Londres où il fut convoqué par Théo Fleschmann, le patron de la radio belge de l’époque. « Je suis convaincu que cette convocation ne m’était pas destinée mais, comme j’avais toujours rêvé de faire de la radio, j’ai joué le jeu », expliquait Luc Varenne. « On m’a dit que j’avais trop l’accent français mais, comme j’étais le seul candidat, on m’a quand même pris ».

C’est ainsi que tous les soirs, Luc Varenne parla aux Belges depuis Londres.

A la fin de la guerre, on décida de recréer le service reportages de la radio belge. Luc Varenne demanda alors à pouvoir devenir reporter sportif et créa ainsi la rédaction sportive. « Petit, j’étais un inconditionnel du Parleur Inconnu, qui commentait les matches de tennis à la France. Et je disais à mes frères que si, un jour, j’avais la chance de faire de la radio, j’essayerais de l’imiter ».

Mais si Luc Varenne fut lui aussi souvent imité, il était bien souvent inégalable. Capable de tenir l’antenne pendant cinq heures d’affilée à l’occasion du match de Coupe Davis entre la Belgique et l’Italie (1957), il laissait parler son coeur et affirmait que c’est le micro qui lui soufflait les mots. Et tant pis pour ceux qui l’accusaient de chauvinisme.  » Ocana et Anquetil m’ont reproché d’être merckxiste mais pendant 21 ans, j’avais raconté les succès des autres. Alors, je ne vois pas pourquoi je n’avais pas le droit d’être partisan. D’ailleurs, pour moi, le parti pris est la source du succès d’un reporter, même s’il m’arrivait d’être à côté de la plaque ».

Que ce soit au tennis, en cyclisme ou au football, cette belge attitude lui valut en tout cas énormément de sympathie, notamment de la part de la Princesse Liliane, qui lui téléphona un soir à 22 heures pour l’inviter à la résidence de Ciergnon.

Parce que, comme le disait si bien Armand Bachelier, si on aimait Luc Varenne, c’était avant tout parce qu’il était à la ville comme au micro. (P. Sintzen)

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