Label Luxo
Calmes, respectueux et balancés bien jeunes en Flandre, Timothy Castagne (19 ans) et Renaud Emond (23 ans) dénotent de l’image du joueur moderne et quelque peu bling-bling. Interview de deux étoiles montantes à la sauce luxembourgeoise.
« Tu sais, c’est presque un miracle de nous avoir réunis « , nous lâche d’emblée Renaud Emond après avoir claqué la bise à Timothy Castagne. Après une heure de discussion sur WhatsApp afin de trouver un moment qui collait à l’agenda des deux hommes, la décision s’est portée sur Anvers et le GoodKompany (qui vivait ses derniers jours). Un terrain neutre bien que légèrement à l’avantage de l’attaquant de Waasland-Beveren. » C’est clair qu’en 10 minutes j’étais là alors que Timothy a dû se taper une heure de route depuis Genk « , charrie Emond en regardant son pote.
Vu la situation de vos deux clubs, le temps n’est pas trop aux médias mais plutôt au terrain…
RenaudEmond : Ça bosse sec. Il reste deux matches et nous devons à tout prix éviter les play-offs 3, quitte à relâcher la pression par la suite.
TimothyCastagne : Nous, on n’aura pas le droit d’être relax, quoi qu’il en soit. Genk veut les play-offs 1 et vu la place supplémentaire en Europe, ça nous motive encore plus.
Rassurez-nous, ça se provoque un peu entre potes ?
Emond : Quand on s’est affronté, Timothy disait à Kara: » Laisse-le, il n’est pas dangereux ! »
Castagne : Après, si Renaud avait marqué, j’aurais eu l’air malin… Je ne fais ça qu’avec les potes.
Emond : Imagine dire ça à Mitrovic ! Moi, je t’ai juste regardé en rigolant. Il avait aussi joué la provoc’ quand un de ses équipiers était au sol. On s’est bien marrés. Ça n’arrive pas souvent des scènes comme ça, mais j’ai déjà eu des gars qui venaient me lâcher une petite phrase sympa comme Dieumerci Ndongala de Charleroi qui me demandait d’arrêter de marquer.
Castagne : Moi je dis aux gars qu’ils n’auront plus de chevilles s’ils passent (rires). OK, je déconne et j’aime taquiner mais je reste sympa. Certains, par contre, deviennent dingues.
Thomas Meunier fait partie de quelle catégorie ?
Emond : Il ne sait pas ce qu’il se passe sur le terrain durant un match. Contre nous, il met le but du 3-2 et vient me dire : » J’attends ton but ! » Je venais de marquer le 2-2 avant et je le lui ai fait remarquer. Il ne m’a pas cru une seconde. Le soir, il m’a envoyé un message en me félicitant. Je n’ai rien compris.
Pères meilleur buteur et président
Comment expliquez-vous le fait de n’être que 5 joueurs de D1 (Thomas Meunier, Guillaume François, Anthony Morris et vous) à être issus de votre région ?
Castagne : Il n’y a qu’une équipe chez nous. T’as vu combien Bruxelles en compte ?
Emond : À mon avis, c’est juste trop loin pour les scouts.
Vous êtes toujours calmes, polis. On a l’impression que vous ne ferez jamais les choux gras de la presse à scandale…
Castagne : À Virton, on nous apprenait à tout donner mais aussi à être des gars bien qui disent bonjour quand ils croisent quelqu’un. Les formateurs préféraient un gars efficace à un technicien.
Emond : C’est comme ça chez nous. Le travail et l’éducation priment. On est un peu atypiques mais ça fait partie de nous. Il n’y a qu’à regarder les autres Luxos pour comprendre qu’on ne fera pas d’émules. Mais outre le club, je pense que nos parents respectifs tenaient à ce que nous soyons des gars biens avant tout.
Vos pères ont justement un dénominateur commun, car ils sont tous les deux liés au monde du football. Cela n’a pas ajouté de pression sur vos épaules ?
Castagne : Mon père a été Soulier d’Or de la province du Luxembourg mais il ne me mettait pas trop de pression. Il aimait débriefer avec moi et était fort critique mais ça m’a fait grandir et je suis devenu assez dur envers moi-même. Ce qui énerve d’ailleurs mes proches, car je ne vois que mes ratés.
Emond : Mes discussions avec mon père étaient du même tonneau. J’en prenais pour mon grade dans la voiture mais j’ai évolué grâce à ça.
Ce fut difficile de voir ton père devenir président de Virton ?
Emond : Petit, déjà, je jouais avec mon nom devant et non derrière mon maillot car la concession de mon père sponsorisait le club. À un moment donné, Virton n’avait pas d’autre solution que de demander à mon père de devenir président. Je lui ai dit de ne pas le faire mais il n’y avait pas d’autre solution. Je savais que les autres allaient me regarder de travers, car j’étais le fils du président.
Castagne : Des jaloux, tu en auras toujours !
Emond : C’était vraiment dur mais mentalement j’ai pris du galon, car je devais plus prouver que les autres que je méritais ma place en A. Quand mon père a pris la tête du club, on s’en foutait de mes 40 buts en réserve la saison d’avant.
Meunier la star
Timothy, tu es le plus jeune de la bande. Tu allais supporter Meunier et Emond en A ?
Castagne : Je n’aimais pas Renaud Emond. (Il se marre) Thomas Meunier était la star de l’équipe et jouait devant et, oui, je faisais partie des supporters.
Emond : Tim et moi devons énormément à ce club. Nous avons très bien été formés à tel point que le saut de la D3 à la D1 n’a pas été trop compliqué pour moi, même si les blessures ont un peu perturbé mon arrivée.
Castagne : J’ai quand même eu chaud lors de mon premier entraînement chez les jeunes à Genk. Dans les petits espaces, ça allait trop vite. Mais j’ai vite trouvé la bonne carburation.
Comptez-vous retourner vivre du côté de la province du Luxembourg après votre carrière ?
Emond : On ne sait jamais où l’avenir nous mènera mais, oui, j’aimerais y retourner.
Castagne : Ça fait un moment que je suis parti de chez moi et je ne ressens pas le besoin de vivre dans la même région que mes parents.
Comment gère-t-on, à 19 et 23 ans, le fait de vivre seul en appartement à l’autre bout du pays ?
Emond : Je me suis rapidement habitué à vivre loin de chez moi. Ma copine était présente durant l’été pour m’aider à m’habituer. Le football a débuté et j’étais lancé.
Castagne : Grâce à mon passage à l’internat, j’étais un peu préparé mais l’appartement m’a quand même fait un choc. Tu rentres, tu dois penser à faire à manger. Je déteste ça : trouver ce que je vais cuisiner !
Chez les parents c’était plus facile !
Emond : Les pieds sous la table (rires) même si je rentre de moins en moins. Mes parents étant divorcés, j’aidais quand même ma mère quand j’habitais chez elle. Je faisais quelques tâches ménagères. Mais avec la machine à lessiver… Qu’est-ce que j’ai galéré.
Castagne : Toi aussi ? J’ai dû appeler ma mère pour piger le truc. Et pour les courses aussi j’ai du mal. Je ne sais jamais quel produit convient. En fait, t’es obligé de devenir adulte assez rapidement alors que la nouvelle génération tend à rester à la maison.
Emond : On est matures mais ça ne nous empêche pas de déconner comme des gars de notre âge !
Timothy a d’ailleurs une réputation d’entertainer du vestiaire…
Castagne : Moi ? Mais je suis le plus sérieux ? J’avoue être taquin mais je ne pousse jamais le truc trop loin. Il ne faut pas que le gars en face s’énerve.
Emond : On n’est pas en reste non plus. La dernière fois, on avait chargé la voiture d’un équipier avec des poubelles.
Castagne : Je n’aimerais pas que ça m’arrive. Ils ont essayé de m’avoir à Genk mais j’ai senti le coup. On m’a dit que le coach voulait me voir pour que je débarque dans son bureau et qu’il me remballe. Comme je suis celui qui fait ça d’habitude, j’ai senti l’entourloupe. Ce qui est marrant aussi, c’est de shooter un ballon sur l’assistant et que tout le monde se retourne pour qu’il ne sache pas qui engueuler.
Les copines du terroir
Vous avez l’occasion de bouger un peu en semaine ?
Castagne : Oui mais je ne sors pas trop de chez moi le soir. Parfois, j’emmène ma copine en ville.
Emond : En fait, ceux qui pensent qu’on a trop de temps et qu’on s’ennuie se trompent. Le repos est tellement important que nous sommes heureux de passer nos soirées à la maison. Lors du jour de repos, je ne fais rien. Je suis bien trop crevé. Alors, le soir, après l’entraînement, tu te poses chez toi ou alors tu vas manger un bout en ville même si c’est bien plus rare.
Vos copines n’ont-elles pas trop de problèmes avec la distance et votre vie un peu particulière ?
Emond : Nous avons tous les deux des copines de longue date qui nous connaissaient avant même que nous percions. La mienne sait d’où je viens et ce que j’ai fait pour y arriver. Alors, oui la distance se fait sentir mais comme elle est encore aux études, elle vient passer les week-ends à Beveren.
Castagne : On a déjà discuté de tout ça ensemble et il faudra le refaire si je change de club ou même de pays. J’ai la chance de la voir plus souvent que Renaud.
N’avez-vous pas peur des vautours qui rôdent autour de deux jeunes footballeurs?
Castagne : Au moins, on sait que nos copines ne sont pas là pour l’argent (rires). Même mon agent a toujours été le même. C’est d’ailleurs le père de ma copine.
Emond : Si un autre agent me contacte, je le renvoie vers mon manager. J’ai donné ma confiance à quelqu’un et je ne le lâcherai pas. C’est une question d’éducation et de valeurs.
Vous surfez sur une vague positive mais vous connaîtrez un jour une période de creux, des critiques…
Emond : On devra alors rebondir. On m’attaquait déjà quand je ne marquais pas durant deux matches avec Virton. Tu ne peux pas être au top 365 jours par an.
Castagne : C’est pour cela que je ne regarde pas les cotes que me donnent les médias. Récemment, ils ont dit que je n’avais plus joué à un haut niveau depuis un moment. Seules deux personnes peuvent juger de cela : mon coach et moi.
Les fans sont aussi un baromètre…
Castagne : Parfois, ils te sifflent pour une simple passe en retrait et deux minutes plus tard, ils gueulent pour te soutenir quand tu joues rapidement une touche. Il leur arrive de commencer à chanter quand je fais un bon tacle. Direct, je suis chaud et je me mets à courir comme un dingue, même si la balle est déjà sortie.
Emond : Comme attaquant, tu peux être au top puis on te descend. C’est complexe mais le kick d’adrénaline au moment de marquer est génial.
Il est prévu pour quand ton premier but en Pro League, Timothy ?
Castagne : Bientôt, bientôt.
Emond : Et tu vas le marquer comment ? Sur un centre croqué ?
Castagne : Arrête, je monte comme un malade ! (ils éclatent de rire)
PAR ROMAIN VAN DER PLUYM – PHOTOS: BELGAIMAGE
» Quand on s’est affronté, Timothy disait à Kara : Laisse-le, il n’est pas dangereux ! »
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