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LA VUELTA DEL FUTBOL

Les ténors espagnols sont très actifs en Europe. Il y a de fortes chances pour que, comme l’année dernière, ils dominent la phase finale des compétitions européennes. Mais qu’est-ce qui fait la force du football espagnol ? Impressions sur place, en cinq matches en autant de jours.

Du football tous les jours. C’est le menu des Espagnols en avril, alors que les tours éliminatoires de la coupe sont passés. La finale du samedi 27 mai opposera l’inévitable Barcelone, qui peut enlever sa troisième Copa del Rey d’affilée, aux Basques d’Alaves. L’endroit a suscité quelques discussions, faute de stade national. Bernabeu avait été élu mais comme le grand rival catalan s’était qualifié et pas Madrid, le stade est soudainement devenu indisponible. Ce sera donc Vicente Calderon, le stade de l’Atlético, qui sera abandonné la saison prochaine par Simeone et cie au profit du Wanda Metropolitano, à l’ombre de Barajas, l’aéroport. Adresse : calle Luis Aragones.

Première halte de notre vuelta del futbolespañol, Pampelune. Osasuna Athletic, lanterne rouge, reçoit Bilbao. La Real Sociedad est actuellement mieux classée mais l’Athletic Bilbao reste le porte-drapeau du football basque, le plus puissant financièrement. Les Basques sont représentés par cinq clubs sur vingt en Primera Division, cette année.

Outre les quatre précités, il y a encore Eibar, le vilain petit canard, auteur d’un conte de fées inexplicable. Il est à mi-classement alors qu’il ne représente qu’un village de 28.000 âmes. Il n’a pas de riche président et son stade ne peut accueillir que 5.250 personnes. Il y a une autre équipe de ce genre dans la région de Madrid : Leganés, qui a reçu le Real en championnat mercredi dernier, pour la première fois.

Butarque, l’enceinte de Leganés, peut abriter un rien moins de 11.000 personnes. Si la Liga n’a pas de meilleures assistances, c’est à cause de ces deux nains, soupire-t-on à Madrid. Ils font baisser la moyenne. La fédération préfère parler des 99.000 spectateurs du Camp Nou ou des 85.000 de Bernabeu…

Pampelune, qui est sur le chemin de Compostelle et est populaire auprès des randonneurs, c’est plus que San Fermin, la course de taureaux des 6 et 7 juillet qui attire chaque année deux millions de touristes dans la capitale de la province de Navarre. Pampelune, c’est aussi la semana del pintxo. Oubliez les tapas, ici, on consomme du pintxo.

GÉRÉ PAR LES SOCIOS

Chaque bar a sa propre création. Un chef-d’oeuvre culinaire à arroser de préférence avec de la bière ou du vin. Deux choses frappent le badaud : l’absence de signes de nationalisme basque en rue et l’âge moyen, élevé, de la population dans les rues et les bars.

La crise espagnole a-t-elle dépassé son faîte ? Oui, d’après Imanol et Iraki. Du moins dans le nord car le sud va plus mal. Les deux hommes sont amis. Ils combinent travail et études. Ceux qui ont du travail vivent bien. Et surtout dehors. Pampelune est comme toutes les grandes villes ibériques : pas de maisons de rangée comme à Bruxelles, à Liège ou à Gand mais de grands immeubles à appartements.

Plus ils sont proches du centre, mieux ils sont entretenus mais avec un point commun : peu de verdure et des terrasses minuscules, souvent encombrées d’un appareil d’air conditionné. Ceux qui ont besoin d’air frais doivent sortir. Dans les parcs, sur les terrasses, dans les bars s’il pleut. La vie sociale des Espagnols se déroule dehors. Un rêve pour ceux qui ont de l’argent, un cauchemar pour les chômeurs.

Avec le Real, Barcelone et l’Athletic, Osasuna est un des quatre clubs de Primera Division gérés par les socios, qui élisent aussi le président. Mais Pampelune n’a pas le succès des trois autres. Les socios freinent-ils la croissance de l’équipe ? Iraki en doute :  » Aucune personne étrangère ne peut acheter le club, en effet. Nous ne subirons jamais le sort de l’Espanyol ni de l’Atlético, qui sont en mains chinoises.

Ce n’est d’ailleurs pas une garantie de succès. Prenez Valence, qui appartient à Peter Lim, un homme d’affaires de Singapour, ou le Racing Santander, mené à la faillite par l’Indien Mister Ali, il y a cinq ans.  »

Osasuna est lanterne rouge, loin derrière les autres, mais les gens ne se tracassent pas. Ils n’ont jamais couvé de grands rêves sportifs. La vie d’un amateur de football à Pampelune est celle d’un garçon d’ascenseur dans un grand hôtel : il monte et descend. Le club gagne peu. Une fois en championnat, en octobre, lors du déplacement à Eibar. Mercredi dernier, il a ajouté un deuxième succès, à Alaves. Deux derbies.

Osasuna n’a pas encore gagné à domicile, à El Sadard, mais cela tempère-t-il l’enthousiasme ? Pas le moins du monde. Des heures avant le derby contre l’Athletic, les gens s’amusent déjà dans les ruelles de la ville et encore plus au stade, pendant le match. Après chacun des deux buts encaissés, les spectateurs ont simplement chanté plus fort. Oriol Riera, l’avant, n’en touche pas une mais quand il est remplacé, il est ovationné. Tant que les entraîneurs alignent des joueurs de la cantera et que les supporters peuvent boire leur caña, tout va bien.

MADRID ET NON REAL

El Sadar date de 1967. Nous touchons le point sensible du football espagnol : des installations désuètes. La plupart du temps, il est agréable d’être dehors. La sécurité est garantie, y compris pour les enfants, la présence policière est étonnamment faible, il y a beaucoup d’ambiance, le football est agréable à voir, même si beaucoup d’équipes ont besoin d’un vrai matador, mais les briques en béton sont complètement dépassées.

L’UEFA a attribué cinq étoiles au Camp Nou et à Santiago Bernabeu mais sur base de leur prestige, certainement pas de leur confort. Le Camp Nou date de 1957 et Bernabeu a dix ans de plus. Certes, les stades ont été rafraîchis mais c’est surtout de la chapa y pintura, comme on dit là-bas, du ravalement de façade. Comme une vieille dame qui se remaquille avant de sortir. Dans trois ans, quand l’EURO se disputera à travers tout le continent, il passera par San Mames, le stade de Bilbao, la seule véritable arène moderne d’Espagne, inaugurée en 2013.

Les installations sont depuis longtemps le point faible du football ibérique. L’organisation d’un grand tournoi pourrait aider l’Espagne, pensait-elle à la fin de la dernière décennie. En 2009, elle a donc posé sa candidature à l’organisation du Mondial 2018, avec le Portugal. Un an plus tard, le duo a obtenu sept voix, cinq de moins que la Russie. Il n’y a plus de nouveaux projets. Chaque club cherche donc des moyens et sort régulièrement des projets de rénovation.

La force d’attraction de Bernabeu ne souffre pas de son délabrement. Sur la ligne 10 du métro, des Asiatiques se fraient anxieusement un chemin à travers la foule. C’est dimanche, le soleil brille et un match du Real – coup d’envoi à 16h15 – embellit encore leur séjour. Ils sont des centaines à prendre des selfies devant la façade ou l’entrée principale.

Le football est devenu un must touristique dans la capitale espagnole, au même titre que la Plaza Mayor, le Prado ou Reina Sofia, et les bars des ruelles autour de Santa Anna. Dans le métro, on parle néerlandais, français (beaucoup), arabe, allemand, et toutes sortes de langues asiatiques. Et espagnol quand même.

Avant le coup d’envoi, Madrid – ne dites jamais Real à un Merengue – rend hommage à un ancien héros, avec un grand tifo. Il y a 25 ans que Juanito, quintuple champion d’Espagne avec le Real, est décédé dans un accident d’auto.

MONDIALISATION

L’heure du match est un cauchemar pour les nombreux journalistes radio. Ces dernières années, la Liga a refait son retard sur la Bundesliga et la Premier League, en matière de droits TV. Durant la saison 2014-2015, les clubs de D1 ont perçu une enveloppe globale de 687 millions. La répartition a été très injuste. 138 millions pour Madrid et Barcelone, mais 15 millions seulement pour Eibar, qui venait d’assurer son maintien.

En 2015-2016, le montant total était de 973 millions. L’augmentation a moins profité aux deux grands, qui ont perçu 140 millions chacun, qu’aux autres, qui ont reçu en moyenne trente millions. Cette saison, on va distribuer 1,3 milliard, avec un minimum de 42 millions pour les petits et de 142 (Madrid) à 149 millions (Barcelone) pour les géants. La télévision payante a boosté le football ibérique. Il est encore endetté – les grands aussi – mais moins et, grâce au soutien des autorités, les dettes sont étalées.

Tout a un prix. La Liga est mondialisée. Ce n’est pas un hasard s’il y a autant d’Asiatiques – y compris des journalistes – dans les tribunes : la Liga est hot en Asie. On avance donc l’heure des matches, répartis sur l’ensemble de la journée du vendredi au lundi. Samedi dernier, on pouvait commencer par suivre Espanyol-Alaves et finir, douze heures plus tard, par les ultimes minutes de jeu de Malaga-Barcelone. Quatre matches d’affilée. Plus trois le dimanche. Le tout à la mesure du téléspectateur, soupire Angelo, de Radio Marca. Les radios ne s’en sortent plus avec un journal sportif : elles ont aussi besoin d’une chaîne spéciale.

Le comportement des supporters est frappant à Bernabeu. À côté du socio, il y a le touriste critique. Cristiano est applaudi à l’issue d’un dribble réussi mais conspué en deuxième mi-temps, quand il rate un mouvement. Idem avec Bale, très anonyme à droite et rien qu’un temps brillant à gauche. Madrid est moyen en première mi-temps, faible en seconde. Zinédine Zidane doit même opérer des changements tactiques pour neutraliser Alavés. Ce dernier n’a pas de tueur devant et gaspille ses occasions. Madrid s’impose finalement 3-0.

 » C’est un match typique pour Madrid « , entend-on dans les travées. Ici, la qualité du jeu ne compte pas. Pour les caudillos, les leaders de l’Espagne, c’est ganar qui compte. C’est pour ça que José Mourinho ne s’y est pas plu. Seul le résultat compte et il y a toujours assez de stars pour le forcer. Aujourd’hui, Cristiano et Bale étaient dans un jour sans mais le Real a pu compter sur Isco. Ou Benzema, qui a retrouvé la forme. Demain, ça peut être James. Ou Sergio Ramos, le héros de Naples.

LA BOMBE PIQUÉ

 » Regardez le palmarès « , souffle un supporter. Et c’est vrai que Madrid n’a été champion qu’une seule fois ces huit dernières années. Mais, dans le même temps, il a gagné la Champions League à deux reprises, contre son voisin. Parce qu’il a surclassé ses adversaires ? Pas du tout. La première fois, Sergio Ramos a forcé les prolongations et l’année dernière, Zidane a eu besoin des tirs au but. Mais finalement, Madrid gagne. Il est très fort mentalement. Depuis quelques années, c’est davantage une équipe qui atteint son apogée dans les grandes affiches qu’une formation régulière sur l’ensemble de la saison.

Y a-t-il un sceau Zidane ? Non, sauf ceci : il pratique davantage la rotation que ses prédécesseurs et s’est forgé une telle aura pendant sa carrière active qu’il s’en tire, même en développant un jeu moins bon. En plus, le palco – tribune d’honneur, en espagnol – garde beaucoup mieux ses secrets que Barcelone.

Ça fait débat pour le moment. Au moment même où les grands clubs espagnols entamaient un mois d’avril décisif, avec neuf matches pour le Barça, dont deux contre la Juventus, un clasico et le derby contre l’Espanyol, et alors que samedi dernier, les Madrilènes s’affrontaient, Gerard Piqué a lancé une bombe. Dans un contexte inattendu, après un match amical de l’Espagne. Par crainte d’une suspension s’il avait tenu ces propos après un match de championnat ?

Piqué a parlé  » des valeurs de Madrid.  » Des valeurs qui ne sont pas les siennes. Et de la tribune d’honneur, qui tire les ficelles. C’est le sujet de conversation du jour. Piqué a-t-il fait ces déclarations en tant que futur président du Barça (son rêve) ? En tout cas, son président a embrayé. Était-ce pour détourner l’attention des critiques sur l’arbitrage, assez tendre pour le Barça face au PSG ? Ou Piqué voulait-il chauffer l’ambiance avant le clasico du dimanche 23 avril (coup d’envoi à Bernabeu à 20h45) ?

Madrid penche pour le premier scénario, Barcelone pas. Quelques jours plus tard, dans la capitale catalane, on estime que Piqué a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : que ce n’est pas un hasard si les problèmes fiscaux de Cristiano ne font pas une ligne dans la presse alors que celle-ci se régale de ceux de Mascherano, Messi et Neymar. C’est que le palco madrilène accueille du beau monde des finances et de la justice. Des personnes qui ont le pouvoir de mettre fin à des enquêtes gênantes.

RUAS DE VIGO

Le lendemain, cap, très tôt, sur Barajas, l’aéroport de Madrid, pour un vol à destination de la Galice et de Vigo, sa capitale, qui s’éveille avec la gueule de bois. Sa casco vello, la vieille ville, a fêté la reconquista, avec une évocation historique en costumes d’époque (en 1809, Vigo a chassé les troupes de Napoléon) mais aussi avec beaucoup de bière et de vin. Ce jour-là, la vieille ville est très paisible…

De toute façon, Vigo est tranquille. C’est ici que joue Theo Bongonda et que réside le Celta, qui reçoit Genk ce jeudi pour ce qui devrait être un match spectaculaire. Car Vigo, qui a éliminé le Real de la coupe, va disputer ce soir contre Las Palmas un des plus beaux matches que nous ayons vus en championnat. Sans Bongonda car Theo est pris dans une spirale négative.

Son concurrent direct, Sisto, ne casse pas la baraque mais Bongonda reste sur le banc. Par peur d’une blessure, en langage diplomatique. Dans les couloirs, on dit qu’il doit se ressaisir, qu’il plafonne alors que, titulaire en début de saison, il devait éclater. Il est arrivé trop vite, il reçoit trop de visites, il se laisse trop entraîner par la vedette de l’équipe, John Guidetti, qui est blessé ce soir. Le Suédois a une histoire, comme pas mal de ses coéquipiers. Sisto, de nationalité danoise, est né en Ouganda mais de parents originaires du Sud-Soudan. Ils ont fui la guerre.

Ces jeunes qui traînent un passé se font remarquer dans cette partie de la Galice, qui appelle ses rues des ruas et non des callas, à la portugaise. La frontière n’est qu’à une demi-heure heure de route et ceux qui veulent y travailler disposent d’une liaison ferroviaire. Les liens entre la Galice et le Portugal sont étroits. Les aficionados programment généralement Vigo et Porto deux jours d’affilée.

Vigo, qui compte environ 300.000 habitants, c’est un port, également orienté sur l’Amérique du Sud, des baies aux plages magnifiques, quelques chantiers navals, la pêche, la grande usine où les ingénieurs de PSA (Citroën, Peugeot et bientôt Opel) se penchent sur la voiture de l’avenir, et un microclimat, grâce aux collines avoisinantes. On relève quelques degrés de plus ici qu’au Deportivo La Corogne, l’autre représentant de la Galice, qui emploie actuellement Davy Roef. Il y a quatre ans, lors de la dernière journée, le Celta a renvoyé le Depor en D2. Pour beaucoup, c’était comme un titre.

En ces temps de nationalisme, les régions frontalières de l’Espagne ne sont pas trop revendicatrices, on l’a constaté à Pampelune. Le basque est davantage parlé à Bilbao mais dans le stade d’Osasuna comme dans les rues, les conversations se déroulaient en espagnol. Ce n’est pas bête puisque seulement 15 à 20 % des Basques maîtrisent l’Euskeda. Dans les rues pentues de Vigo, c’est pareil : chez elles, les personnes âgées parlent galicien, un dialecte apparenté au portugais, mais leurs enfants et petits-enfants l’ont abandonné.

Les écoles vont devoir enseigner ces dialectes, pour qu’ils ne disparaissent pas. Ici, la crise économique est plus marquée qu’au nord. Le centre-ville compte beaucoup de commerces vides, de bâtiments délabrés, même dans le quartier protégé. Et les mendiants abondent dans la Rua Principe.

CACHET ARGENTIN

Le stade du Celta, qui se trouve aux portes de l’usine automobile, date de la fin des années 20 mais a été refait pour le Mondial 1982. Il est à nouveau rénové, par phases. L’année dernière, c’était le cas de la tribune principale, l’été prochain, ce sera celle d’en face. Dans une troisième phase, les deux tribunes se rejoindront derrière les buts. La capacité va diminuer jusqu’à 25.000 places mais l’intensité sera supérieure.

Ce n’est pas plus mal car le Celta est une équipe offensive, attrayante. Son ailier ou attaquant, Iago Aspas, est insaisissable par sa vitesse. Aspas est maigre. Il a échoué à Liverpool mais a repris du poil de la bête ici. Le trentenaire Giuseppe Rossi est le héros du match, grâce à son hat-trick. Il a été partiellement formé par Manchester United, a pas mal bourlingué mais il est en état de grâce contre Las Palmas. Tout lui réussit. Il est rapide, comme toute son équipe, constamment en mouvement.

Eduardo Berizzo, l’entraîneur argentin, n’est pas un interlocuteur agréable pour nous car il ne dit rien sur Theo Bongonda et ne sait rien sur le Racing Genk mais pour le Celta, il est une bénédiction. Un football reconnaissable, beaucoup de mouvements, du spectacle… Son prédécesseur, Luis Enrique, avait attiré une série de bons footballeurs et leur avait inculqué un certain bagage barcelonais mais l’Argentin a approfondi la tactique.

Il est une étoile montante en Espagne, même si le Celta végète en milieu de classement. Pourquoi ? Son noyau est un rien trop étriqué pour lutter sur trois fronts : l’Europe, la Liga et la coupe, dont il a été éliminé en demi-finale. Vigo est loin d’être un géant économique, malgré la richesse d’un propriétaire qui a fait fortune au Mexique mais est originaire de la ville. Donc, le Celta joue aussi le lundi, ce qui arrive rarement aux grands. Mais ça pourrait être pire ; un autre petit poucet, le Betis, joue quasiment la moitié de ses matches le vendredi.

Le lendemain, retour à Madrid pour un match de gala entre l’Atlético d’un autre Belge, Yannick Carrasco, et la Real Sociedad. L’Atlético compte bien profiter des faux-pas de Séville, qui filait vers la troisième place avec neuf points d’avance sur son concurrent il y a quelques semaines. Mais depuis que Séville a été éliminé par Leicester, plus rien ne lui réussit.

C’est typique de l’école de Bielsa et de ses adeptes, nous dit-on. Berizzo (Celta), Pellegrino (Alaves), Sampaoli… Les entraîneurs argentins exigent un tel engagement physique de leur noyau qu’au moment décisif, en avril et en mai, les joueurs tombent parfois à court de carburant. C’est arrivé à Bielsa avec l’Athletic Bilbao il y a quelques années et Séville semble subir le même sort.

SAN DIEGO

Pas l’Atlético. À Madrid, on croit dur comme fer que l’Atlético peut atteindre la finale et pas uniquement parce que Leicester City, son adversaire, est le petit poucet de cette phase de Ligue des Champions. Contre la Real Sociedad, avec un Carrasco titulaire et d’un très bon niveau, l’Atlético a retrouvé ses anciennes valeurs : bien organisé, il n’a guère concédé d’occasions et a contrôlé le match.

Les observateurs en attribuent tout le mérite à DiegoSimeone. Avant son arrivée, l’Atlético était une équipe de perdants. L’équipe manque sans doute de qualités individuelles pour briguer le titre mais en coupe, c’est différent… Les Colchoneros possèdent en Oblak le meilleur gardien d’Espagne, des défenseurs impavides et un solide entrejeu. Des joueurs mentalement très fort, en plus. Ils ont perdu deux finales face à leur voisin mais ils continuent à viser la victoire.

Le début de saison a été un peu plus difficile. Simeone a fait tourner le noyau plus souvent que d’habitude pour que tous ses joueurs soient en forme maintenant. Le collectif est la seule star et l’Argentin consent rarement des exceptions. Une par saison. Avant, c’était Diego Costa, maintenant Antoine Griezmann. C’est peut-être pour ça que Carrasco a eu des problèmes. Après son but en finale la saison passée, il s’est un peu trop pris pour une étoile en devenir. Ça ne prend pas avec Simeone.

La nuit est à nouveau courte. Ce mercredi, le train du football nous emmène à Barcelone, en Catalogne. À grande vitesse. Dans l’ave, le TGV espagnol, on peut lire à tout moment la vitesse à laquelle on avale les kilomètres. Nous flirtons avec les 300 km/h. Il nous faut moins de trois heures pour rejoindre les grands rivaux du Real.

À côté de nous, une Chinoise, dont ce sont les deuxièmes vacances en Espagne. Elle avait pensé à Paris et à Amsterdam mais elle était en quête de soleil et elle a donc opté pour Barcelone et Madrid. Sans football. La compétition espagnole est ardemment suivie dans son pays, dit-elle, mais elle ne souhaiterait voir que des matches de la Juventus ou du Bayern.

Elle ne regardera la télévision ce soir que si ça ne chamboule pas son programme touristique. Elle parle couramment l’anglais. Elle est issue de Shanghai et travaille pour Danone. C’est une femme aux idées tranchées. Pas d’enfants pour elle : elle doit faire trop d’heures en Chine pour avoir le temps de s’occuper d’un gosse.

MESSI, MESSI, MESSI

On lit partout Benvinguts et de plus en plus, dans une région qui semble hurler plus fort à chaque visite sa volonté d’avoir voix au chapitre. Les prix y sont nettement plus élevés qu’ailleurs dans le pays. La prospère Catalogne veut son autonomie. Le catalan est la première langue à la gare, sur les panneaux publicitaires, dans les magasins.

Le soir, au Camp Nou, quand le speaker décline la composition de l’équipe en catalan, Piqué est acclamé par le kop. Leo Messi aussi mais plutôt par la partie internationale du public. Comme à Madrid, la ligne 3 en direction des Corts est multilingue. Parmi les passagers, beaucoup de Belges.

Au retour, nous tombons sur une famille limbourgeoise. Elle a acheté ses billets longtemps à l’avance, à prix fort : officiellement, ils valaient 60 euros mais commission et extra compris, ils ont coûté 100 euros pièce. Aux alentours du stade, beaucoup de vendeurs tentent encore d’écouler des tickets. Les Espagnols travaillent tard et un coup d’envoi à 19h30 est tôt, selon leurs normes.

Avant le repos, les spectateurs en ont pour leur argent. Messi, de retour de suspension, est en appétit. Il brille durant une première mi-temps au cours de laquelle le Barça montre des choses superbes mais à 3-0, l’équipe met le frein et le spectacle ne compense plus la pluie (une grande partie du stade n’est pas couverte).

Barcelone est à un carrefour intéressant, selon les observateurs. Luis Enrique s’en va dans quelques mois. Et ensuite ?  » La escalonera !  » Une plage de Gijon. Enrique ne veut pas réentraîner immédiatement, il a besoin de repos.

Avant ça, il va tenter d’offrir au Barça un troisième titre d’affilée. Il ferait alors aussi bien que Guardiola, champion de 2009 à 2011. Il a traversé une période moindre. Le 4-0 essuyé à Paris a été ressenti comme une claque mais depuis, l’équipe a repris du poil de la bête. Contrairement aux adeptes de Bielsa, Enrique a l’habitude de terminer en force. À voir le 23 avril, à Bernabeu.

PAR PETER T’KINT EN ESPAGNE – PHOTOS PG

La Liga est hot en Asie. C’est pourquoi les matches sont répartis sur l’ensemble de la journée du vendredi au lundi.

A Bernabeu, la qualité du jeu ne compte pas. Pour les caudillos, les leaders de l’Espagne, c’est gagner qui compte.

Le reproche aux entraîneurs argentins, comme Bielsa, Pellegrino, Berizzo ou Sampaoli, c’est que leur équipe tombe souvent en panne lors du money-time.

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