LA VITRINE AFRICAINE

La 23e édition de la Coupe d’Afrique des Nations a commencé samedi dernier à Bamako. Le match d’ouverture, opposant le Mali, pays organisateur, au Liberia du joueur-entraîneur Weah s’est achevé sur un nul. Cette Coupe se dispute dans des conditions économiques encore pires qu’il y a deux ans au Burkina-Faso car la crise qui a frappé le monde entier a touché le Mali, victime de sécheresse et d’infertilité, bien plus que les autres pays africains. La mortalité infantile y est élevée, les analphabètes abondent, les habitants ont une espérance de vie réduite et le produit national brut est dérisoire, ce qui explique l’exaspération des Maliens face aux 165 millions d’euros dépensés pour la CAN.

Compte tenu des circonstances, les pouvoirs publics auraient facilement pu renoncer à l’organisation du tournoi. Personne ne leur en aurait voulu. Mais les Maliens, fiers comme tous les Africains et piqués au vif par le défi, ont eu le courage d’aller jusqu’au bout, sans ménager leurs sacrifices. Il leur faudra des années avant d’apurer leurs dettes. La traditionnelle solidarité africaine a encore joué un rôle important -par exemple, l’Afrique du Sud s’occupe du transport de l’assistance médicale aux équipes.

L’épreuve étant tous les deux ans en proie aux mêmes problèmes, la CAF a logiquement décidé de considérer, à l’avenir, la CAN comme épreuve de qualification pour la Coupe du Monde, lorsque les deux épreuves coïncident, et ce, à partir de 2006. Après la finale de la CAN à Bamako, les participants au tournoi et aux qualifications pour le Mondial auront disputé entre 18 et 25 matches. Ça ne plaît évidemment pas aux nombreux clubs européens et asiatiques qui alignent des Africains et doivent s’en priver pendant des semaines, souvent à des moments cruciaux.

La CAN reste la vitrine du football africain. Les managers et les scouts y débauchent les meilleurs joueurs, sans que l’Afrique reçoive beaucoup en échange. Les joueurs restent créatifs, puisqu’ils ne sont pas bridés par une tactique rigide ni des espaces restreints. La Coupe du Monde 2010 pourrait s’avérer un cadeau empoisonné, comme on le découvrira peut-être après-coup.

Le dernier numéro d’ African Soccer était totalement consacré à la Coupe d’Afrique des Nations. Issa Hayatou, le président de la CAF, vice-président de la FIFA, y a exposé les mesures à prendre pour rétablir la crédibilité et le prestige du football sur son continent:

restructuration des clubs et des fédérations nationales;

lutte contre la violence et la corruption;

renforcement du rôle de l’Afrique dans la prise de décisions en matière de politique footballistique au niveau mondial.

Le programme est vaste. Le patron du football africain n’a guère de solutions. Il blâme le rôle des mentors locaux, qui sont davantage au service des clubs étrangers aux aguets plutôt qu’à celui de leur propre club. Il fustige aussi la violence, conséquence du chauvinisme des supporters, d’organisateurs peu prévoyants, de services de sécurité incompétents, de journalistes irresponsables et partiaux, et d’arbitres corrompus. En un mot: il s’agit d’un manque de respect de l’éthique sportive.

La loi de la jungle reste donc d’application en Afrique. Jean-Claude Ganga, l’ancien président du Comité Olympique africain, renvoyé du CIO à cause de son implication dans le scandale de Salt Lake City, préside le comité d’accueil de la CAN. C’est sans doute pour cela que Jacques Rogge, qu’on a pourtant souvent vu à la télévision, chez nous et ailleurs, a poliment décliné l’invitation de Bamako.

Mick Michels

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