LA VILLE DE MONS DOIT-ELLE ENCORE INVESTIR AU TONDREAU ?

Chaque semaine, Sport/Foot Magazine pose la question qui fait débat.

La tempête s’est un peu éloignée du ciel des Dragons, victorieux à Courtrai, un succès encourageant en vue des PO3, et qui ont rencontré le Maître de Mons, Elio Di Rupo. Ce dernier a repris en mains le dossier du stade et, dès vendredi passé, une réunion était prévue avec les architectes avec une priorité : la tribune latérale 4 et les abords de l’enceinte. Avec un demi-stade terminé depuis des années, l’Albert est la risée de la D1.

Tous les coaches de passage dans la capitale du Hainaut ont exprimé leur étonnement en observant une tribune déserte, vestige ou friche d’une époque qui n’existe plus. Enzo Scifo, par exemple, ne cachait pas son agacement face à ce bâtiment fantôme :  » Ce stade ne vibre pas : au Tondreau, nous avons quasiment l’impression de jouer en déplacement.  »

Chaque match à domicile offre une image médiatique peu dynamique de cette ville, lancée, par ailleurs, dans un grand dépoussiérage. Dominique Leone aurait-il dû être encore un peu plus patient et attendre que Mons digère son titre de capitale européenne de la culture en 2015 ?

Sociologue du Sport à l’ULB, Jean-Michel De Waele nuance fortement :  » Quand on gère les deniers publics il y a des priorités. La crise est là avec son cortège de problèmes. Mons se refait une beauté comme ce fut le cas de Marseille, capitale européenne de la culture en 2013. On peut comprendre que Mons désire être à la hauteur d’un événement qui fera sa fierté et celle de nombreuses générations.  »

Oui, mais c’est d’abord le football qui a replacé Mons au centre de l’intérêt médiatique. Leone a été un des premiers à sortir la cité du Doudou de sa torpeur provinciale.

 » Peut-être mais pas toujours à bon escient « , continue De Waele.  » Ce club ne cesse de prendre l’ascenseur et n’a hélas pas d’histoire, pas de palmarès pour souder les supporters. Mons ne s’est pas inscrit dans la durée en D1 et n’a pas épinglé de Coupe de Belgique ou de qualification européenne à son tableau de chasse. Si cela avait été le cas, l’analyse serait différente. Loin de là, Westerlo, par exemple, vibre en se souvenant de ses grands succès contre Anderlecht. On a fait la fête dans ce stade, nettement moins au Tondreau. A Mons, on se souvient essentiellement d’épisodes folkloriques. Ce n’est pas à cause de la Ville, tout de même.  »

De Waele songe probablement à l’épisode de la tartine au choco qui opposa Sergio Brio à Olivier Suray. Un grand pot de Nutella est encore et toujours le seul trophée des Dragons.  » On ne cesse de nous prendre pour des cons « , nous disait récemment un dirigeant de club wallon.  » On ne peut pas progresser dans des stades délabrés. Les sponsors s’encourent et ce phénomène n’est pas qu’évident à Mons. Il y a trop de clubs en Wallonie : ils doivent se regrouper ou sont condamnés à disparaître.  »

La Ville se méfie de Leone et de sa gestion sportive

Le Tondreau aurait-il justement dû constituer un trait d’union régional pour réunir de plus grandes assemblées ? L’heure d’une entente entre l’Albert et Boussu Dour pour bien exploiter le Tondreau, n’a-t-elle pas sonné ?  » On ne relancera pas le football wallon, qui ne compte que trois clubs en D1, en construisant des stades à gauche et à droite « , continue De Waele.  » Mons est typiquement un club de D2, ce qui n’est nullement péjoratif. L’Albert ne fait recette que contre le Standard, Anderlecht ou le Club Bruges. La saison passée, Scifo a réalisé un parcours remarquable devant des assemblées maigrichonnes. Un stade de 12.000 places, c’est déjà trop. Entre 8.000 et 10.000, ce serait déjà suffisant. Des fusions régionales n’y changeraient rien. Le stade doit être terminé au plus vite, certes, mais il ne sert à rien de voir trop grand avec l’argent du contribuable.  »

Leone estime qu’il faudrait 20 millions d’euros pour finir le stade. Il a envisagé de le faire à ses frais, à condition de ne plus être qu’un simple locataire. Cette formule n’est plus d’actualité. La Ville se méfie de Leone et de sa gestion sportive.

 » La volonté de la Ville est de finaliser ce dossier (…) « , lit-on dans un communiqué de Juliette Picry, porte-parole du Cabinet du Bourgmestre  » La Ville s’y engage, comme dit depuis un an (…) Pour finaliser le stade, il est indispensable d’obtenir les subsides de la Région wallonne (…) Le ministre wallon des Sports s’est engagé sur 7 à 8 millions. On parle aujourd’hui de 5 millions. (…) Il est indispensable d’obtenir des garanties sur le matricule : celui-ci a été transféré depuis plusieurs années vers la SA de M. Leone, sans l’accord de la Ville. Il est hors de question de mettre de l’argent dans le stade si la Ville n’obtient pas les garanties sur le maintien du matricule à Mons. (…) Le club doit respecter les Montois, les supporters et les responsables communaux : cela passe par une politique tarifaire correcte pour les abonnements, par une politique de gratuité pour les jeunes défavorisés (…).  »

Le débat a fait fureur avant la récente accalmie. Ailleurs, la Ville de Denderleeuw paye encore l’ardoise de la modernisation du stade de son équipe qui n’a passé qu’une saison en D1. Tubize et Eupen connaissent les mêmes problèmes. En France, au Mans, la faillite du club a laissé la Ville avec une dette de 31,5 millions d’euros engloutis dans la construction d’un stade de 25.000 places. Le département et la région déposèrent 17,5 millions d’euros dans la corbeille. Mons et la Région wallonne ne peuvent pas se permettre de folie des grandeurs.

Trudo Dejonghe, spécialiste de l’économie du sport, apporte un autre éclairage :  » En Flandre, un club comme Mons aurait déjà son stade. J’ai l’impression qu’on a fait les choses à l’envers chez les Dragons. Avant de se lancer dans la construction d’un stade, il faut bâtir une équipe. Gand a une nouvelle arène qui a suivi les progrès de son équipe et l’effacement d’une dette très importante. Le grand Mons compte 100.000 habitants : c’est autant que Bruges. Si le Tondreau ne fait pas recette, c’est dû à la mauvaise gestion sportive de la direction. Comme c’est le cas à Charleroi, la direction a importé des légions de joueurs étrangers. L’identification du public avec son équipe ne se fait pas. Le Borinage, par exemple, est probablement un grenier à talents. Il faudra penser à cette dimension régionale pour mieux garnir le stade de Mons. « 

PAR PIERRE BILIC

 » Avant de se lancer dans la construction d’un stade, il faut bâtir une équipe.  »

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