LA VIE OU LA MORT

Pour l’Excel, ce sera la D1 ou la dissolution pure et simple. Pas question de recommencer en D3.

Décembre 2004. A la veille du match au Brussels, l’Excelsior Mouscron est au bord de l’éclatement. Il s’en sort miraculeusement, grâce à la pression exercée par JeanPierreDetremmerie sur certains membres de l’IEG (Intercommunale d’Etude et de Gestion) qui acceptent d’octroyer un nouveau prêt. Grâce à cela, le club obtient la licence sans problème. Mais un an plus tard, les mêmes chiffres réapparaissent. Et cette fois, la licence n’est pas accordée. A la grande stupéfaction de la direction des Hurlus.

 » On ne s’obstinera pas pour les garanties  »

 » Ce refus est injustifié « , clame le président EdwardVanDaele.  » Le jugement émis ne correspond ni à la situation réelle du club, ni à ses espérances futures. La situation a été nettement assainie au terme d’une année de transition, de restructuration et d’économie : depuis le 1er juillet 2005 jusqu’à maintenant, nous avons remboursé pour 2 millions d’euros du passif de l’année précédente, à savoir des dettes reportées. Sur le plan formel, je considère aussi que cette décision est irrégulière. D’une part, la composition de la commission des licences ne me paraît pas conforme aux réglementations de l’URBSFA : un membre au moins, si pas deux, n’a pas respecté son engagement annuel d’indépendance, qui devrait lui interdire de participer à la commission des licences s’il représente un club concurrent – NDLA : Me Van Daele ne veut pas citer de noms, mais il vise clairement PierreFrançois,qui est directeur du Standard. D’autre part, la commission des licences a posé – à Mouscron mais aussi à La Louvière – un certain nombre d’exigences qui ne sont pas comprises dans le règlement. En principe, c’est la situation au 31 décembre 2005 qui est soumise à l’examen attentif de la commission des licences. Or, dans le cas de Mouscron, on a reçu le 6 avril 2006 une lettre nous enjoignant de fournir la justification d’une foule d’échéances jusque et y compris le 31 mars 2006. Nous avons, soit dit en passant, satisfait à cette demande : au 31 mars 2006, tout était réglé avec l’URBSFA, l’ONSS, le précompte professionnel, PhilippeSaintJean, EricDepireux, etc. La commission des licences a aussi confondu le passif exigible – qui est inexistant dans le cas de Mouscron – avec l’endettement à moyen ou à long terme qui existe – à des degrés divers – dans toutes les entreprises et dans tous les clubs de football. Mouscron dispose d’un délai de 15 ans pour rembourser 7 millions d’euros d’endettement à long terme. Avancer le chiffre de 25 millions d’euros relève de la plus haute fantaisie. En outre, ces 7 millions d’euros sont dus à nos partenaires. Et des négociations sont en cours pour obtenir, en partie, la suppression de ces engagements à long terme et leur reconversion en sponsoring « .

Edward Van Daele a beaucoup ergoté sur le principe des garanties bancaires exigées par la commission : 355.435 euros pour le règlement du précompte professionnel, 84.000 euros pour la dette en faveur de l’ONSS, 260.744 euros en rapport avec la commission de l’agent de joueurs Eric Depireux dans le cadre du transfert de LuigiPieroni à Auxerre et 34.481 euros en rapport avec la rupture de contrat du coach PhilippeSaintJean, qu’exige la commission des licences et qu’il estime injustifiées.

 » Le président, qui est un avocat, a peut-être eu le tort de se braquer là-dessus et d’en faire une question de principe « , admet le directeur financier FrancisD’Haese.  » Mais on ne va pas s’obstiner inutilement, au risque de mettre l’avenir du club en péril « .

 » Il n’y a aucune plainte à l’encontre de Mouscron  »

 » J’ai probablement donné l’impression, en m’obstinant, que le club n’était pas capable de déposer cette fameuse garantie bancaire « , reconnaît Van Daele.  » Pour démontrer le contraire, on la déposera. Mais je persiste à penser que la commission des licences a tort. La réglementation prévoit deux cas de figure dans lesquels on peut réclamer des garanties bancaires : 1° Quand on est en face d’une dette contestée et où la contestation apparaît peu sérieuse ; 2° Quand il y a un plan d’apurement qui n’a pas été respecté et qu’on propose un nouveau plan d’étalement de la dette. Aucun des deux cas de figure ne correspond, selon moi, à la situation de l’Excelsior « .

Van Daele s’offusque également en constatant que la commission des licences s’est substituée à ses créanciers qui… n’exigent rien.  » Il n’y a aucune plainte à l’encontre de Mouscron. Le précompte professionnel a écrit à la commission des licences pour signaler que le club de Mouscron respectait ses engagements à son égard : on avait une dette de 1,25 million d’euros qui a été réduite en 15 mois de temps à 300.000 euros. Il nous reste six mois pour apurer cette dette restante de 300.000 euros et on en a les moyens. L’ONSS et les créanciers n’ont pas déposé plainte non plus. Il y a deux cas de figure dans lesquels un tribunal de commerce peut prononcer la faillite d’une entreprise : s’il y a une cessation de paiement ou un ébranlement de crédit. Si un crédit n’est pas ébranlé, c’est-à-dire si les créanciers et les fournisseurs ont confiance, le tribunal ne peut pas prononcer la faillite. Or, la commission des licences a prononcé un jugement de faillite… contre l’avis des créanciers « .

En fait, la commission n’a pas jugé que les créanciers avaient porté plainte, mais qu’ils étaient susceptibles, à tout moment, de demander la dissolution du club vu son insolvabilité.  » C’est faux également « , estime D’Haese.  » Et on le démontrera en appel. Il faut être capable de lire un bilan. On n’a aucune dette extérieure. J’ai bon espoir d’être mieux compris en appel car il y aura un expert comptable et un réviseur d’entreprise dans la commission « .

Mais en appel, on ne pourra pas introduire d’élément nouveau.  » Peut-être. Mais en évocation, on pourra le faire. On est loin d’avoir épuisé tous nos recours « , rétorque D’Haese.  » Et même en appel, on peut introduire de nouvelles pièces démontrant que l’affaire avait été mal jugée la première fois « , ajoute Van Daele.  » Sinon, à quoi sert une commission d’appel ? »

 » Pourquoi pas des professionnels indépendants ?  »

Cette commission d’appel sera composée différemment.  » Le président sera un Limbourgeois et la commission sera majoritairement néerlandophone, mais cela ne me dérange pas. Je ne veux pas porter le débat sur la place communautaire « , précise D’Haese qui, comme les Louviérois, s’est offusqué de la présence de Pierre François en première instance.  » A chaque fois que le président GermainLandsheere nous demandait des précisions, il se tournait vers Pierre François en lui demandant : – Pasd’objections ? Comme par hasard, toutes les objections qui ont été formulées se sont retrouvées dans le document de refus de la licence « .

 » On a beaucoup ergoté sur le cas d’Eric Depireux, et c’est Pierre François qui a particulièrement pris la défense de ce pauvre agent de joueurs « , se souvient Van Daele.  » Allez savoir pourquoi ?  »

 » J’ose espérer qu’il n’était pas animé d’un esprit de vengeance après la défaite, longtemps contestée, subie par le Standard au Canonnier « , conclut D’Haese.  » Tout cela n’arriverait pas si la commission des licences était composée de professionnels indépendants. C’est le cas en basket, où Deloitte &Touch gère tous les dossiers. Pourquoi ce qui est possible en basket ne l’est-il pas en football ?  »

En appel, la délégation mouscronnoise sera également accompagnée d’un avocat indépendant.  » J’ai effectivement fait appel à Me DannySpreutels « , confirme Van Daele.  » Il apportera peut-être un autre éclairage et plus de sérénité. Je ne dirai pas que je me suis trop énervé, mais c’était mon club qui était concerné « .

Les cas de Philippe Saint-Jean et d’Eric Depireux ne semblent pas trop inquiétants.  » C’est tout de même fou que la garantie bancaire manquante en faveur d’Eric Depireux figure dans les motivations du refus de la licence alors que c’est nous qui avons porté plainte pour escroquerie « , s’insurge D’Haese.  » Il y a eu une commission d’arbitrage et on a garanti la somme déposée au niveau de cette commission d’arbitrage grâce aux droits TV. On a une attestation et un accord avec Me LucMisson, accord que celui-ci nous a d’ailleurs extorqué sous la pression de la licence. Entre-temps, on a appris par la bande qu’une autre affaire concernait Eric Depireux au niveau d’Auxerre, où il aurait également touché une commission. Mais à cause de cet accord signé avec Me Luc Misson, on ne peut pas porter plainte. Seul Auxerre peut le faire « .

 » En ce qui concerne Philippe Saint-Jean, on s’était mis d’accord pour lui payer 14 mois de préavis non prestés « , enchaîne Van Daele.  » Puis, avec son avocat, on a convenu de payer en cinq fois. Première échéance, février 2006 : 50.000 euros, soit la moitié en net de l’indemnité. On a donc payé directement 50 %, puis quatre fois 12,5 % en mars, avril, mai et juin. On a payé les deux échéances qui étaient échues, mais on n’allait tout de même pas payer le solde anticipativement « .

 » La dette de Mouscron, c’est comme celle de l’Etat belge  »

Plus inquiétante semble être cette fameuse dette de 13 millions d’euros, qu’on ne va pas apurer d’un coup de baguette magique.  » La dette est loin d’être aussi conséquente qu’on veut bien le dire « , affirme D’Haese.  » Dans cette dette, on a provisionné plusieurs affaires encore pendantes. Il y a notamment encore une vieille affaire concernant ClaudeBakadal, qu’on a gagnée en première instance mais qui n’a pas encore été jugée en appel. En fait, on a peut-être été… trop honnête en présentant le bilan « .

Et les fameux prêts de l’IEG ? N’est-ce pas un montage financier destiné à camoufler les difficultés économiques de l’Excelsior ?  » Il y a trois prêts de l’IEG « , précise Van Daele.  » Deux prêts de 1,9 million et un prêt de 2 millions, remboursables sur 15 années. Le premier prêt de 1,9 million est garanti par les partenaires privés de l’Excelsior. Les deux autres prêts ne sont par contre pas garantis et doivent également être remboursés en 15 années, mais avec 500.000 euros de trésorerie réservés au remboursement de ces emprunts, il y a moyen de couvrir ces échéances. Charleroi a un endettement supérieur au nôtre. Je ne parle même pas du Standard de Liège, car pour s’y retrouver dans leur dédale financier, il faut être fort. Soit dit en passant, le sponsor du Standard n’est-il pas également une Intercommunale ? Au Standard, le crédit lié au découvert est lié à la confiance que l’on a dans la personne du propriétaire du club, qui est milliardaire. En ce qui concerne Mouscron, mes différents bailleurs, qui sont des partenaires, me font confiance et se font confiance à eux-mêmes. C’est comparable à la situation de l’Etat belge. C’est l’un des Etats les plus endettés d’Europe, mais ce n’est pas préoccupant parce que ce sont des Belges qui ont souscrit des emprunts d’Etat. L’Etat n’est pas endetté vis-à-vis de l’extérieur, mais vis-à-vis de ses propres citoyens « .

 » Un énorme élan de solidarité voit le jour  »

Comment en est-on arrivé à accumuler une dette pareille ?  » Il y a plusieurs éléments, mais il faut remonter pour cela aux débuts de l’Excel en D1 « , explique D’Haese.  » Le club est arrivé parmi l’élite comme une comète : il a d’emblée terminé troisième, certains affirment même qu’il aurait été champion si GeorgesLeekens n’avait pas été débauché par l’Union Belge en 1997. Et il a fallu suivre ce standing-là. Or, le club n’était pas encore assez professionnel. On a perdu des joueurs comme les frères Mpenza sans aucune compensation. Peut-être à cause d’erreurs de notre part, mais ces joueurs, il a fallu les remplacer… en payant. Les premières années, cela s’est relativement bien passé, parce qu’on a toujours bien acheté et bien vendu. Avec la vente d’ YvesVanderhaeghe, de StefaanTanghe, de NenadJestrovic et d’autres, on arrivait à équilibrer le budget. Mais, il y a quelques années, les marchés se sont totalement effondrés. Et on s’est retrouvé avec des gros contrats de longue durée, dont on ne parvenait pas à se débarrasser, et qu’il a fallu honorer alors qu’on n’en avait pas les moyens « . Des contrats signés par HugoBroos, à qui la direction avait donné carte blanche en la matière…

 » C’est une des leçons à retenir : donner trop de pouvoirs à un entraîneur, ce n’est pas bon. Mais prendre un directeur technique et un entraîneur, c’est la croix et la bannière. Car, ils ont, forcément, des points de vue différents. Ou alors, il faut trouver deux hommes qui sont absolument sur la même longueur d’onde, ce qui n’est pas évident « .

 » Le point positif de ce refus de licence en première instance, c’est l’énorme élan de solidarité qui s’est dégagé à Mouscron. Nos sponsors habituels, ainsi que des industriels vont essayer d’apporter leur pierre à l’édifice. Une mobilisation générale se met en place. Mais toute cette histoire nous indispose. Car, d’une part, il y a le danger de la disparition du club. Et d’autre part, même si l’on arrive à sauver les meubles – et à mon avis, on y arrivera – on aura perdu un temps fou dans la préparation de la saison prochaine. Que ce soit au niveau de l’entraîneur, des joueurs et du renouvellement des abonnements. En tout cas, il n’est pas question de jouer en D3. Ce sera la D1 ou rien du tout. Avec le président, on a mis en place une politique de restructuration qui fonctionne bien, mais où tout est basé sur les recettes de la D1 « .

Si la licence était accordée, le problème ne serait-il pas simplement reporté à l’an prochain ? Car, avec un public très réduit et un sponsoring qui n’est pas énorme, un club comme l’Excel est-il viable en D1 ?  » Oui « , affirme D’Haese.  » D’ailleurs, on le démontre puisqu’on parvient à équilibrer le budget cette année. Notre budget prévisionnel pour l’année prochaine est en équilibre également. Et on a de bonnes perspectives pour les années à venir. Notre sponsor O2XA, qui verse 750.000 euros cette année, est disposé à doubler cette somme. On garderait aussi tous nos autres sponsors. Mais on est confronté à l’héritage du passé « .

Et si la licence était refusée ?  » Je ne vais pas me suicider « , rassure Van Daele.  » J’aurais le sentiment d’avoir tout fait pour sauver le club. Après cela, on prononcerait la dissolution de l’asbl et on attaquerait l’Union Belge en justice. On finirait riches. Mais ce n’est pas cela qu’on recherche. L’objectif, c’est de sauver le club, le centre de formation et toute l’activité économique qu’ils engendrent dans la région « .

DANIEL DEVOS

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