La vie à 2: Jean-Michel et Els Saive Ils veulent être « aware »

Faites-nous découvrir votre programme immédiat.

Jean-Michel Saive (32 ans): La nouvelle saison débutait le 10 septembre avec un voyage en Norvège. Puis participation à l’Open de Corée. Dans la foulée, celui du Japon. Et c’est parti!

Comment faites-vous? Aléatoire de concilier une vie de famille avec un agenda si chargé, non?

Compliqué. Avant l’arrivée de notre petit Yannick, deux ans et demi, nous avons changé notre fusil d’épaule. Désormais, outre ma maison liégeoise, je bénéficie d’un appartement à Charleroi. Avec les entraînements intensifs, je deviens incapable de supporter les allées et venues incessantes. Tout le monde m’accompagne. C’est quand même plus commode. Avant cela, entre deux séances, il m’arrivait de m’endormir sur les gradins de la salle. Sur une année, je me farcis environ quatorze décalages horaires! Si je dois en plus reprendre le volant après le travail, le risque de me planter sur l’autoroute devient réel.

Vous devez sans doute être le sportif belge qui voyage le plus. Ces incursions dans d’autres pays vous permettent-elles de modifier votre approche des choses?

Je crois. Cela relativise surtout les conflits communautaires que nous connaissons en Belgique. Notre nation représente une richesse extraordinaire avec ses trois langues officielles. Si je trouve normal que l’on mette en valeur sa région, par contre, je m’insurge contre la division. Il est plus intelligent de puiser ce qu’il y a de bien chez le voisin.

Vous êtes Wallon, Els est Limbourgeoise, vous montrez l’exemple en quelque sorte…

Quelle importance? Nous ouvrirons l’esprit de Yannick en insistant sur le fait qu’il doit appartenir aux deux grandes communautés. Je lui parle toujours en français tandis qu’Els s’adresse à lui en néerlandais. Ainsi, il sera parfait bilingue. Je crois même, qu’il effectuera sa scolarité dans le Limbourg car nous pensons nous rapprocher de mes beaux-parents. Si un deuxième rejeton arrive, avec la vie que je mène, je tiens à éviter qu’Els ne se retrouve seule.

Quand vous vous trouvez à l’autre bout de la planète, vous arrive-t-il d’angoisser à l’idée qu’il peut se produire un incident à la maison?

Certainement. Et je culpabilise. Un jour, j’étais au Japon. Els me téléphone à neuf heures, heure locale. Deux heures du mat en Belgique. Elle entendait des bruits dans la maison et avait noté la présence d’une voiture inconnue en face de chez nous. Que pouvais-je faire? Heureusement, il s’agissait d’une fausse alerte. Toutefois, je ne veux plus qu’elle subisse de tels moments d’angoisse. La proximité de sa famille nous rassurera tous les deux.

Ne faut-il pas être égoïste pour vivre une telle passion?

Peut-être. Si Els n’avait pas été pongiste, si elle n’avait pas fait partie elle-même de l’équipe nationale, si elle ne savait pas les efforts qu’une carrière demande, sûrement que nous ne serions plus ensemble.

De quelle façon se déroulent vos retrouvailles?

Pas toujours simple, sans transition, de se réadapter à une vie, disons normale! Pendant des semaines, je séjourne dans des hôtels. Généralement de beaux hôtels. Avec ce que cela suppose de commodités. Le petit déjeuner est toujours plantureux et dressé. Chez soi, faut faire le café en se levant. Faut peut-être sortir acheter du pain. Il n’y a plus de choco dans l’armoire. Ca énerve. Quarante-huit heures s’avèrent généralement indispensables avant que je ne me replonge dans le bain. Forcément, Els est heureuse que je m’occupe un peu du petit, alors que je me trouve toujours dans le gaz. Ne déduisez nullement que je tiens des propos machistes. L’être humain est ainsi fait qu’il tombe vite dans la facilité.

Quelle est votre part dans l’éducation de Yannick?

D’abord, je sais qu’il est entre de bonnes mains. Els fait le maximum. De toute manière, nous sommes identiques aux autres parents. Nous avions de grands principes que nous transgressons! On fait ce qu’on peut.

Vous pensez l’orienter vers la pratique du sport?

Bon. Si je dois un jour me taper le Concours Reine Elisabeth parce qu’il est devenu un grand musicien, j’irai. L’important est qu’il trace son chemin selon ses convictions. Ses envies, ses aptitudes. Je crois que le fait que nous habitions à Liége et à Charleroi, le fait qu’il entende parler français et néerlandais lui permet d’être « aware » comme le dit bien Jean- Claude Van Damme!

Quel effet ça fait d’avoir épousé une ombre?

Els Billen (30 ans): J’ai été habituée très jeune. Lorsque nous sommes sortis ensemble, Jean-Mi n’était pas pro. Mon acclimatation s’est effectuée lentement mais sûrement!

Vous vous êtes rencontrés grâce au ping?

Absolument. Nous partions ensemble pour le compte de l’équipe nationale. Il nous arrivait de faire équipe en double mixte. Nous avons participé à un tournoi alors qu’il avait 13 ans et moi 11 ans. Je pleurais en quittant mes parents. Pourtant nous n’allions qu’au Luxembourg. Marrant…

Lorsque vous étiez en activité, il a dû vous arriver de vous croiser entre deux compétitions?

De toute façon, nous n’avions pas encore une vie de famille. J’effectuais mes études d’interprète à Genk. Ensuite, j’ai travaillé durant cinq ans à temps plein. Mon existence évoluait parallèlement à la sienne. Nous avons partagé des tas de moments. Jean-Mi m’a connue équipière, étudiante, travailleuse et maintenant, maman!

Vous avez fait une croix sur votre carrière?

En quelque sorte. Je conserve de grands souvenirs. Cela me permet de cerner le problème. Je n’ignore rien de la manière dont Jean-Mi est obligé de se préparer. La tension. La pression. Ça aide à comprendre. Au-dessus de tout, l’amour reste le ciment d’un couple. Sans cela, on se lasse.

L’arrivée de Yannick a bouleversé davantage encore votre organisation.

On ne s’imaginait pas vivre sans enfant. Au début, quand il ne passait pas ses nuits, c’était dur. Jean-Mi n’en a que plus de mérite à être revenu dans le Top 10 mondial durant cette période.

Vous travaillez encore, à l’heure actuelle?

Je suis arrivée à joindre l’utile à l’agréable. Jean-Mi possède sa propre société dont je m’occupe. Je gère l’administratif, ce qui me permet de passer beaucoup de temps en compagnie de Yannick. Compte tenu de mon diplôme, du fait que je parle couramment quatre langues, si je veux, je retrouve un boulot. J’ai fait le sacrifice actuel en mon âme et conscience. C’est mon choix. Vous m’imaginez envoyer Yannick toute la journée dans une crèche alors qu’il est de surcroît privé de son père plusieurs mois par an? Je tiens vraiment à ce que le petit reçoive la meilleure éducation.

Quelle est votre définition d’une bonne éducation?

Respect des parents. Dès maintenant, s’il n’obéit pas: dans le coin! Je me rends compte aujourd’hui de ce que mes parents m’ont apporté. Je mesure également les sacrifices consentis afin de me doter d’une ligne de conduite.

Comment faire admettre à un bambin que l’éloignement est nécessité par une obligation professionnelle?

Impossible. Le manque provoque parfois des moments déchirants. Une nuit, se réveillant probablement à la suite d’un cauchemar, Yannick hurlait, réclamant son père. Ne voulant que lui. Malheureusement, ce dernier se trouvait ailleurs. Après une semaine, il demande aussi après Jean-Mi. Je crois malgré tout que c’est moi qui en souffre le plus! Je voudrais tellement faire plaisir au gosse.

Vous devez jouer deux rôles à la fois?

Je devrais. A vrai dire, je me montre moins sévère dès que nous nous retrouvons seuls. Yannick comble le manque causé par le départ de Jean-Mi. Je ne vais quand même pas l’enguirlander tout le temps, mon petit bonhomme.

Le ping, où en êtes-vous?

Depuis quelques mois, je joue à nouveau. En tant que 6e joueuse belge, je tente de m’entraîner deux fois par semaine. Je tente…

Pas grave, à la maison, vous disposez d’un super-entraîneur.

Ah non! Pour ramasser les balles. Pas question. Nous ne disposons d’aucune table à domicile. Lorsque nous sommes ensemble, vous ne croyez pas que nous avons autre chose à faire que d’empoigner une raquette?

Vous avez peur d’être ridicule?

Ni lui, ni moi n’aimons perdre. Nous sommes incapables d’échanger des balles simplement pour nous amuser. On se donne à 200%. Inutile de prendre le risque de se disputer, donc.

Daniel Renard

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