La victoire en tremblant

Les Diables ne sont pas des anges et n’ont pas d’ailes. Mais ils ont quand même assuré l’essentiel.

W e believe, c’est le nom de la campagne promotionnelle que l’Union Belge a lancée pour tenter de ranimer la flamme, vacillante, des supporters censés encourager les Diables Rouges. 12 anciennes gloires ( PaulVanHimst, WilfriedVanMoer, JanCeulemans, EnzoScifo, GeorgesGrün, EricGerets, ErwinVandenbergh, LucNilis, FrankyVanderElst, LeoVanderElst, LorenzoStaelens et EricDeflandre) ont accepté de prêter leur image pour faire passer le message auprès du public : eux, ils y croient.  » Il est normal que l’on s’associe à cette campagne « , a expliqué Van Himst sur ClubRTL.  » L’équipe nationale est tout de même l’un des symboles du pays. Hier, j’ai bien vu le… RoiBaudouin avec KimGevaert au Mémorial Van Damme !  »

D’accord, on a compris. Un lapsus, cela peut arriver à tout le monde. Mais, davantage que des affiches dans les journaux et les abribus, ce sont des résultats et un esprit conquérant que les supporters attendent pour s’enthousiasmer. On était donc curieux de voir.

Le public et les médias mitigés

Quel écho cette campagne a-t-elle recueilli au niveau du public ? Selon que l’on considère le stade de Sclessin à moitié vide ou à moitié plein, la réponse à cette question est mitigée. 15.000 spectateurs environ, on a connu pire mais on a connu mieux également. Mais on était loin de l’ambiance… endiablée qui avait prévalu à la rencontre Standard-Liverpool. Le public s’est pris au jeu lorsqu’il a constaté que les Diables se montraient conquérants et développaient un football bien construit dès l’entame du match ( » Un jeu d’un très haut niveau, surtout en première mi-temps « , a même renchéri RenéVandereycken), mais les chants sont devenus hostiles lorsque l’Estonie a égalisé à l’heure de jeu.

Les supporters ont scandé – JeanFrançoisdeSartolé, olé, sur l’air des lampions et réclamé – Renédémission. Vandereycken ne l’a sans doute pas entendu, concentré qu’il était sur son match. Il est vrai qu’on jouait à Liège, la patrie de Jules, mais quand même : cela faisait un peu tâche dans une campagne We believe.

Au niveau des médias ? ClubRTL, manifestement, n’y croit pas ! La chaîne privée, qui a acquis les droits pour les matches à domicile des Diables mais pas pour les matches en déplacement, n’a pas jugé utile de retransmettre la confrontation contre la Turquie, ce soir. Or, notre équipe nationale y affrontera tout de même un demi-finaliste de l’Euro 2008. Il fallait faire un choix pour des raisons financières, et Liverpool-Standard a été jugé plus porteur. C’est révélateur. Comme la RTBF ne retransmettra pas davantage la rencontre, celle-ci ne sera pas diffusée en direct sur une chaîne francophone. Doyoustillbelieve ?

Révélateur aussi, peut-être : Vandereycken a donné sa conférence devant un parterre composé presque exclusivement de journalistes du nord du pays. Les francophones attendaient les joueurs dans la salle d’à côté. Est-ce uniquement un hasard ? On sait que les médias néerlandophones croient davantage dans la science de MaîtreRené que leurs confrères du sud…

Rayon sportif : du chaud et du froid

Mais l’essentiel reste le terrain. Sur ce qu’on a vu, que peut-on retenir ? D’abord, que les Diables ont gagné. C’était impératif, et malgré la faiblesse de l’adversaire, pas aussi évident que cela : il y avait 12 ans qu’ils n’avaient plus remporté leur match inaugural. C’était face à la Turquie, sous l’ère GeorgesLeekens, dans le cadre des qualifications pour la Coupe du Monde 1998 : 1-0. Depuis lors, quatre résultats décevants – tous à domicile – avaient été enregistrés : 0-0 contre la Croatie, 0-2 contre la Bulgarie, 1-1 contre la Lituanie et 0-0 contre le Kazakhstan.

 » La victoire, c’est ce qu’il faut retenir « , soulignait StijnStijnen sur le coup de 22 h 30.  » Rien n’est facile dans un tournoi qualificatif. Je viens d’apprendre que l’Espagne a à peine ouvert la marque contre la Bosnie-Herzégovine, alors ne faisons pas la fine bouche…  »

La fine bouche, le CEO JeanMariePhilips ne l’a pas faite non plus :  » Comme je ne demanderai jamais à Vandereycken des réponses sur le plan juridique, je ne me permettrai pas, à mon tour, de le juger sur des questions techniques. Je retiendrai donc, moi aussi, les trois points. Et c’est extraordinaire.  »

Extraordinaire ? A-t-il volontairement choisi un terme fort ou était-ce de l’ironie ?

Mais, répétons-le, on retiendra l’esprit conquérant manifesté par les Diables. S’il y avait encore du déchet dans leur jeu, la volonté et l’envie de bien faire étaient présentes. Ils ont pris le taureau par les cornes dès l’entame du match, ont joué avec quatre défenseurs et pas cinq, avec deux attaquants et pas un. Vandereycken a même vu quatre attaquants : KevinMirallas, WesleySonck, AxelWitsel et StevenDefour. Il voulait sans doute dire quatre joueurs à vocation offensive, mais on ne jouera pas sur les mots.

Si les jeunes ont donc transmis leur enthousiasme aux anciens – lesquels, à l’image d’un Sonck encore décisif, répondront qu’ils ne l’avaient jamais perdu – les Diables ont aussi ramené de Pékin les… tracasseries. Si, lors des JO, de Sart avait été confronté aux départs précipités de MarouaneFellaini et de VincentKompany, puis au refus de Malines de libérer le réserviste GiuseppeRossini, Vandereycken a également été confronté à l’ amateurisme de la fédération. NabilDirar et MéméTchité, deux joueurs qu’il avait sélectionnés, n’étaient pas… sélectionnables car ayant opté, dans un stade précoce de leur carrière, pour une autre équipe nationale. Il a aussi été confronté – mais là, personne n’y peut rien – à la blessure de MoussaDembélé, qui a dû déclarer forfait en dernière minute. Rendons-lui cette circonstance atténuante : ce n’étaient pas des conditions idéales pour préparer un match déjà capital.

Dans les points négatifs, on retiendra hélas que malgré la présence dans l’axe central de la défense de joueurs aussi expérimentés que DanielVanBuyten et TimmySimons, on a encaissé deux buts face au Petit Poucet du groupe. Stijnen, qui s’est brillamment interposé en un-contre-un alors que le marquoir indiquait 1-1, avait pourtant déclaré la veille du match :  » Je suis protégé par une super défense « . Et puis : n’est-ce pas dans l’espoir de renouer avec la défense imperméable qui avait fait la gloire de RaymondGoethals que les décideurs avaient, au départ, placé leur confiance en Vandereycken ?

Un mix entre jeunes et anciens

Et au niveau de la sélection ? Vandereycken a opté pour un savant mélange entre jeunesse et expérience. Dans sa sélection de départ, samedi, figuraient cinq olympiques (Kompany, Vermaelen, Vertonghen, Fellaini et Mirallas) et six non-olympiques (Stijnen, Simons, Van Buyten, Sonck, Defour et Witsel). Et encore, cette distinction est floue : Kompany et Fellaini n’ont joué qu’un match aux JO, tandis que Defour et Witsel auraient pu être présents en Chine. Les éliminés, si l’on prend en compte l’équipe-type de Pékin, s’appellent LoganBailly, SeppDeRoover, SébastienPocognoli, TomDeMul et MaartenMartens (on n’inclura pas Dembélé dans la liste, puisqu’il avait été appelé). Tiens ? A l’exception du gardien, il s’agit des quatre joueurs de flanc ! Bizarre.

Des Diables sans ailes

Vandereycken a dû se dire qu’au contraire des anges, les Diables n’ont pas d’ailes. Il s’obstine donc à aligner des joueurs axiaux sur les flancs, tant défensifs qu’offensifs. C’est ainsi depuis le début de son mandat. Parce qu’il ne croit pas au jeu par les ailes ou parce que la Belgique ne possède pas de joueurs de flanc ? Sans doute un peu des deux.

Au poste d’arrière droit, on est particulièrement démuni. Si l’on procède à un relevé dans nos grands clubs, on constate que seul HansCornelis est un prétendant sérieux. Mais, d’une part il est actuellement blessé, et d’autre part il n’a jamais été appelé par MaîtreRené, même lorsqu’il pétait de santé. A Anderlecht, le titulaire du poste est soit le Polonais MarcinWasilewski soit le Serbe NemanjaRnic, au Standard c’est le Brésilien MarcosCamozzato et à Gand MichelPreud’homme est obligé d’y aligner AdrianoDuarte, l’ancien défenseur axial brésilien de Mons. Certes, à Bruges, LaurentCiman a succédé au Danois BrianPriske, mais il est sans doute trop tôt pour lui. Et à l’étranger ? De Roover, du FC Groningen, était le titulaire aux JO mais il est sans doute un peu léger. CarlHoefkens, connu en Belgique comme un arrière central, joue bel et bien comme arrière droit à West Bromwich mais il a suscité la polémique à chaque fois qu’il a été aligné à ce poste en équipe nationale. GillSwerts a déjà reçu sa chance.

Au poste d’arrière gauche, on pourrait par contre trouver des solutions. Pocognoli, qui avait fêté une première sélection lors du match amical en Italie le 30 mai, n’a plus été repris. OlivierDeschacht, un peu comme Cornelis dans le couloir opposé, n’entre manifestement pas dans les grâces de MaîtreRené. Et dans les autres grands clubs belges ? A Bruges, le poste est occupé par le Canadien MichaelKlukowski. Au Standard, c’est le Brésilien DanteBonfim qui joue à gauche. A Gand c’est l’Australien KennyThompson et à Genk c’est le Brésilien Tiago. Parmi les prétendants ignorés, on pourrait citer GonzagueVandooren qui n’a jamais fait l’objet de la moindre convocation internationale durant sa carrière. Et à l’étranger, FilipDaems est titulaire en Bundesliga dans les rangs du Borussia Mönchenglabach mais lors du match d’ouverture du championnat, il a joué en défense centrale.

Dans l’entrejeu, le constat est à peu près le même. A droite, on pourrait trouver des prétendants à Anderlecht où ThomasChatelle et JonathanLegear se disputent le poste. Le premier a parfois été appelé, le second jamais. Au Standard, le poste est désormais occupé par le Français WilfriedDalmat. A Bruges, c’est Alejandro Vargas. A Gand c’est le Costaricien RobertoRosales et à Genk c’est le Brésilien AlexDaSilva. A l’étranger ? On ne peut s’empêcher de songer à De Mul, un véritable ailier de débordement tel qu’on en forme aux Pays-Bas. Mais il n’est que réserviste au FC Séville et ses premières apparitions chez les Diables Rouges n’avaient pas déclenché l’enthousiasme. Il y a aussi AnthonyVandenBorre, mais il vient à peine de fêter la toute première titularisation de sa carrière dans le Calcio.

A gauche ? A Anderlecht c’est BartGoor (mais il faut bien, un jour, tourner la page) ou l’Argentin Hernan Losada. A Bruges, il y a Dirar : il avait été appelé mais on sait ce qu’il en est advenu ; mais JonathanBlondel pourrait constituer une solution à l’avenir. Au Standard, c’est l’Israélien SalimToama, à Gand c’est le Costaricien BryanRuiz et à Genk c’est le Tchèque DanielPudil. A l’étranger, on relève SteinHuysegems, capable de déborder et qui a joué la dernière minute samedi passé, pour permettre à Sonck d’être applaudi. Christophe Grégoire a reçu sa chance, il ne l’a pas saisie. Maarten Martens a joué à ce poste pour dépanner lors des JO, mais il préfère l’axe.

De nombreux prétendants dans l’entrejeu

Manifestement, Vandereycken a d’abord choisi les joueurs, et leur a attribué une place ensuite. Il est vrai que s’il devait aligner tout le monde à sa place de prédilection, on se marcherait sur les pieds au centre de l’entrejeu : Simons, Fellaini, Defour, Witsel, Vertonghen et Martens se voient tous évoluer dans cette zone. Tout comme FarisHaroun, GuillaumeGillet et même… Kompany. Sur sa forme actuelle, on pourrait encore ajouter ChristopheLepoint comme prétendant. Pour deux, ou maximum trois places. Battez-vous !

Qu’en pensent les joueurs ? Kompany :  » On poursuit un objectif commun, je trouve logique de mettre mes éventuelles revendications personnelles entre parenthèses. Et puis j’avais mal au ventre, cela n’a rien à voir avec la place que j’occupais.  » Vermaelen :  » Arrière gauche, ce n’est pas ma place préférée. J’ai donc dû trouver mes marques. Mais je bénéficiais de beaucoup d’espaces devant moi et j’ai essayé d’en profiter. « 

Defour.  » Moi aussi, j’ai dû me réhabituer à une place que je n’occupe plus en club. Je pense m’être débrouillé. Et puis, j’ai marqué, ce qui ne m’arrive pas tous les jours. « 

Bref, il faut faire un choix : soit aligner tous les joueurs à leur place de prédilection, avec l’obligation d’éliminer des valeurs sûres. Soit aligner certains monuments à une place qu’ils n’affectionnent pas.

par daniel devos – photo: belga

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