La vache à lait du Tour

Après le contre-la-montre par équipes de 28 km de dimanche prochain, les rouleurs du Tour pourront déjà rentrer au placard. Samedi dernier, ils ont juste eu droit à 13,8 km contre-le-chrono. Ces spécialités ont été introduites au Tour en 1934. Mais jamais encore elles n’avaient été aussi peu nombreuses que cette année.

S’agit-il de ne pas hypothéquer les chances des chouchous français Thibaut Pinot et Romain Bardet ? Sans doute ! Mais ce n’est pas la raison principale. La tendance actuelle consiste en effet un peu partout à réduire le nombre de kilomètres contre-le-chrono. Les organisateurs du Tour ne sont pas seulement chauvins, ce sont aussi des as en matière de marketing. La vente des droits de télévision reste la vache à lait d’ASO.

Chaque année, elle rapporte un peu moins de 60 millions d’euros, dont 25 millions versés par France Télévision. C’est pour cela qu’en 2007, ASO a nommé Christian Prudhomme, un ancien journaliste de télévision, à la direction du Tour. Et c’est aussi la raison pour laquelle au quartier général d’ASO, à Paris, on n’a d’yeux que pour l’audience.

Avec une moyenne de seize millions de téléspectateurs par jour pour le direct – trois fois plus que Paris-Roubaix et Liège-Bastogne-Liège, les deux autres courses cyclistes les plus suivies – le Tour reste de loin la course la plus populaire.  » Mais bien qu’il soit leader du marché et que la télévision allemande en achète de nouveau les droits de retransmission, le Tour doit faire face à un grand défi « , dit Daam Van Reeth, économiste du sport à la KUL.  » De moins en moins de gens regardent la télévision.  »

Van Reeth a examiné à la loupe les audiences du Tour dans sept pays : la Belgique, la France, les Pays-Bas, l’Italie, le Royaume Uni, les Etats-Unis et l’Australie.  » Depuis le pic historique de 2011, elles baissent de façon systématique. En 2014, on approchait les 9 % de moins qu’en 2011. Si on retire les téléspectateurs français, on arrive même à une chute de plus de 17 %. Sur l’ensemble des sept pays, cela fait 700.000 téléspectateurs de moins par jour : on est passé de près de 8 millions à un peu moins de 7,3 millions.  »

Même la Belgique, où le cyclisme est roi, n’échappe pas à la tendance.  » En Flandre, où les classiques printanières battent des records, on est passé de 586.000 téléspectateurs par étape du Tour en 2011 à 467.000 l’an dernier (moins 20 %). Et c’est pire en Wallonie avec une chute de 33 % (de 294.000 à 198.000).  »

Van Reeth a également étudié les audiences par genre d’étapes pour la Flandre sur la période s’étendant de 1997 à 2014. Comme on pouvait s’y attendre, ce sont les étapes de montagne qui réalisent le meilleur score avec 30 à 40 % de téléspectateurs de plus que lors des étapes de plaine.

Mais les contre-la-montre sont, de loin, les moins populaires. Les épreuves individuelles font 10 % (en moyenne) à 20 % (maximum) moins bien que les étapes de plaine tandis que lors des courses par équipes, on arrive à des audiences 25 % (en moyenne) à 45 % (maximum) inférieures.

Pour ASO, les chiffres sont sacrés car ce sont eux qui attirent les chaînes de télévision, les sponsors et les villes à la recherche d’une plateforme marketing intéressante. Cela vaut bien le sacrifice d’une tradition.

PAR JONAS CRETEUR

Pour ASO, les chiffres sont sacrés. Cela vaut bien le sacrifice d’une tradition qu’est le contre-la-montre.

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