La traite des êtres humains dans le football belge

Renaat Landuyt, Ministre du travail de la Région flamande, a récemment jeté un pavé dans la marre du microcosme du football belge: 18 joueurs ayant participé au championnat de D1, alignés par six clubs différents, n’étaient pas en règle au niveau du permis de travail et/ou du permis de séjour sur le territoire. On peut supposer que la même situation se retrouve aux échelons inférieurs de la compétition.

En clair, au sein du championnat se voulant être la vitrine du sport collectif en Belgique, plusieurs athlètes se trouvent en situation de séjour illégal et/ou ne sont pas susceptibles de pouvoir bénéficier des prestations de sécurité sociale en cas d’événements malheureux. Cela est tout simplement inacceptable, humainement et légalement.

Informé personnellement par Monsieur Landuyt, Michel D’Hooghe a annoncé le 29 avril une série de propositions de mesures destinées à combattre cette traite des hommes dans le football belge:

Tout club ayant fait passer des tests à un joueur étranger devra impérativement le renvoyer dans son pays d’origine s’il ne donne pas satisfaction.

Le salaire minimum d’un joueur étranger doit passer de 1,1 à 2,87 millions de francs par an. Cela afin de ne pas rendre un jeune footballeur étranger financièrement plus attractif qu’un espoir belge.

Les clubs de D1 et D2 devront communiquer la composition de leur noyau professionnel à l’Union Belge, qui pourra ainsi contrôler si tous ses joueurs disposent de documents d’identité en règle. A défaut, le joueur ne pourra pas participer à la compétition.

Le respect de la législation du travail sera une nouvelle condition d’octroi de la déjà controversée licence professionnelle permettant l’accès aux championnats de D1 et D2.

La prise de conscience, tardive, de la Fédération belge de football ne peut masquer les manquements graves du monde politique et du pouvoir judiciaire en l’espèce.

Les tristes histoires des jeunes footballeurs brésiliens ou africains attirés en Europe par des managers sans scrupules, en quête de jeunes talents sources de rémunération potentielle mais qui se voient délaisser par les clubs candidats acquéreurs, ne sont pas neuves ni isolées. Et pourtant, ces histoires n’ont jamais, jusqu’à très récemment, semblé émouvoir nos politiques.

Il s’agit pourtant d’une question essentielle touchant à la morale collective. On dit parfois -à tort ou à raison- que la loi est mal faite, mais elle est aussi bien mal appliquée. Car comment en effet expliquer ou justifier que des comportements hautement répréhensibles et attentatoires à la dignité de jeunes personnes soient tacitement tolérés par le Parquet alors que dans le même temps, des peines d’emprisonnement sont quotidiennement prononcées pour des faits aussi insignifiants en termes de sécurité publique que des vols de cigarettes.

De même, il est temps que le monde politique wallon réglemente la profession de manager ou d’agents de joueurs, que l’on rencontre de plus en plus souvent dans le milieu sportif… même si cette profession reste en Wallonie parfaitement illicite.

En 1999, un décret de la Communauté flamande a réglementé les conditions d’accès et d’exercice de la profession de manager. Par contre, en territoire wallon, l’activité d’intermédiaire pour procurer un emploi à une personne moyennant une commission reste interdite par arrêté royal. Cet interdit est assorti de sanctions administratives et pénales, également inappliquées en pratique. Et c’est cette bienveillance du monde politico-judiciaire qui autorise tous les abus.

Luc Misson

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